Les prix restent à des niveaux élevés et rognent le pouvoir d’achat des ménages.
Les tensions inflationnistes risquent de perdurer encore longtemps.
Le gouvernement met 26 Mds de DH sur la table au titre de la compensation en 2023.
Par D. William
Les produits énergétiques et alimentaires carburent… aux stéroïdes. La gonflette n’est cependant guère éphémère. Car, depuis plus d’un an, leurs cours sont au plus haut. Conséquence : les prix à la consommation au Maroc ont évolué à un rythme jamais atteint depuis 2008. L’indice des prix à la consommation (IPC) a connu, au cours du mois de septembre 2022, une hausse de 1,0% par rapport au mois précédent, selon les derniers chiffres publiés par le hautcommissariat au Plan (HCP).
Comparé au même mois de l’année précédente, l’IPC a enregistré une hausse de 8,3% au cours du mois de septembre 2022, conséquence de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 14,7% et de celui des produits non alimentaires de 4,4%. Et l’indicateur d’inflation sousjacente, qui exclut les produits à prix volatiles et les produits à tarifs publics, aurait connu au cours du mois de septembre 2022 une hausse de 0,8% par rapport au mois d’août 2022 et de 7,0% par rapport au mois de septembre 2021. Guerre en Ukraine, reprise post-pandémie, tensions sur les chaînes de production et d’approvisionnement au niveau mondial… sont autant de facteurs qui expliquent cette flambée des prix.
Tensions persistantes
Pour la décompression, il faudra encore attendre. Les tensions inflationnistes pourraient être maintenues jusqu’en 2023, faisant planer le risque d’une nouvelle hausse du taux directeur qui pourrait accentuer le ralentissement économique. Les conjoncturistes estiment en effet que les prix de l’énergie devraient rester élevés l’année prochaine, en raison de la situation géopolitique née de la guerre russo-ukrainienne. Les cours du gaz butane ont atteint 818 dollars la tonne en moyenne sur les neuf premiers mois de 2022, en hausse de 42% en glissement annuel. Globalement, les prix du gaz naturel devraient augmenter de 470% en 2022. Et l’Agence internationale de l’énergie table sur un marché du gaz sous tension en 2023, précisant que «les perspectives des marchés du gaz restent assombries, notamment en raison du comportement imprudent et imprévisible de la Russie, qui a ébranlé sa réputation de fournisseur fiable».
Quant au marché du pétrole, il est entouré d’incertitudes et reste sous l’influence de plusieurs facteurs, dont notamment la guerre en Ukraine, les sanctions de l’UE sur la production pétrolière de la Russie (l’embargo débutera le 5 décembre) et la stratégie de production de l'OPEP+. Début octobre, le cartel a décidé de baisser sa production de 2 millions de barils par jour pendant 14 mois, jusqu’en décembre 2023, ce qui aura pour conséquence d’augmenter le cours du pétrole, donc d’accélérer l’inflation. A noter que les cours du Brent ont atteint 104 dollars en moyenne au titre des neuf premiers mois de 2022, en progression de 54% en glissement annuel. Parallèlement, les tensions sur les prix des matières premières se sont un peu estompées. Après un niveau record de 159,7 en mars, en hausse de 19% depuis début 2022 et de 34% depuis un an, l’Indice de la FAO des prix des produits alimentaires a baissé de 15% pour se situer à 136,3 en septembre, son plus bas niveau depuis février. Toutefois, le Fonds monétaire international n’écarte pas le risque d’une crise alimentaire élargie.
«Les prix des matières premières alimentaires ont bondi après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, puis sont revenus aux niveaux d’avant-guerre depuis juillet, mettant fin à une reprise de deux ans, estime l’institution de Washington. Toutefois, les risques de nouvelles restrictions à l’exportation (comme l’interdiction des exportations d’huile de palme imposée par l’Indonésie en avril), les sécheresses dans une partie de la Chine et des Etats-Unis, et la répercussion de la hausse des prix des engrais - qui reflètent la disponibilité réduite des engrais produits en Biélorussie et en Russie - font pencher la balance des risques vers le haut», estime le FMI dans son rapport sur les perspectives économiques.
Le Maroc compense
L’inflation est en partie amortie par la Caisse de compensation qui permet de garantir la stabilité des prix de certains produits (sucre, farine et gaz butane). Les dépenses de compensation ont été multipliées par deux cette année suite à une rallonge budgétaire, pour les porter de 16 à 32 Mds de DH, dont 9,8 milliards de dirhams dédiés au butane. En 2023, et sous l’hypothèse d’un cours du gaz butane prévu à 800 dollars la tonne, la charge de la compensation s'élèverait à 26,6 milliards de dirhams, en augmentation de près de 9,6 milliards de dirhams par rapport aux prévisions de la LF 2022, indique-t-on dans le rapport économique et financier du Projet de Loi de Finances 2023. Pour autant, cette conjoncture défavorable devrait peser sur le pouvoir d’achat des ménages et déjouer les pronostics du gouvernement qui table sur un taux d’inflation autour de 2% l’année prochaine contre 2,4% prévu par Bank Al-Maghrib.