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Justice à distance : De nouvelles étapes à franchir

Justice à distance : De nouvelles étapes à franchir

 

► Le système n’a pas encore été généralisé à tous les pénitenciers.

► Un effort est à déployer pour instaurer un cadre législatif plus adéquat et former les intervenants.

 

La crise sanitaire a accéléré le déploiement de la justice à distance au Maroc. Outre les services online proposés, comme la consultation du calendrier des audiences, le rendu des jugements, la demande du casier judicaire…, le département de tutelle, en coordination avec la délégation générale de l’Administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), a mené une course contre la montre pour équiper des centres pénitenciers et les différentes juridictions correctionnelles en matériels nécessaires et aussi en Internet haut débit.

L’objectif principal est de réduire au maximum le déplacement des détenus et les personnes qui les surveillent afin de limiter le risque de contamination par le coronavirus et atténuer l’encombrement des tribunaux. Ainsi, depuis le mois d’avril et jusqu’au mois d’octobre, le bilan s’annonce plutôt satisfaisant, si l’on en croit les propos de Mohamed Ben Abdelkader, ministre de la Justice, dans son intervention devant la Chambre des représentants. Chiffres à l’appui, le document qu’il a présenté révèle que les jugements à distance ont concerné 160.589 dossiers. Ils ont bénéficié à 182.094 détenus, dont 5626 remis en libéré. 

Le nombre d’établissements pénitentiaires équipés en réseau internet haut début a atteint 32. L’opération se poursuit dans 20 autres, avant d’être généralisée à la totalité des centres. Toutes les affaires traitées sont de type pénal, en raison notamment de la structure de la population carcérale qui est fortement concentrée dans un espace très réduit. Le risque de propagation du virus est très élevé. 

La DGAPR a souligné que le nombre de contaminés entre le 14 avril et le 2 novembre est de 586 cas, ayant entraîné 4 décès. Un bilan jugé «correct» en comparaison avec le nombre total des détenus qui est de 84.393, soit un taux de contamination de 0,7%. Il est proche de la moyenne nationale.
Ben Abdelakader a rassuré que lors de tous les jugements à distance, toutes les conditions d’un procès équitable ont été réunies. La réussite de cette expérience incite les responsables du département de la Justice à déployer davantage le système à d’autres branches. Le programme du ministère veut le généraliser à toutes les juridictions du Royaume, y compris pour les affaires civiles. 


Selon Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca, «la justice à distance présente plusieurs atouts, mais, comme elle est encore à ses débuts, elle est impactée par différentes lacunes qu’il faut combler. Pour ce qui est des avantages, depuis avril où elle a démarré, nous avons constaté une accélération du rythme de traitement des dossiers. Auparavant, le transfert des détenus était une opération délicate qui nécessitait la mobilisation de plusieurs agents surveillants et des mesures de sécurité compliquées. Les audiences étaient le plus souvent différées à des dates ultérieures, soit sur demande des avocats, des juges ou du procureur. Les raisons sont multiples. Les plus invoquées sont l’instruction du dossier, la préparation de la défense, l’absence des témoins malgré leur convocation. Le digital permet de gérer au mieux l’organisation des audiences et le traitement des dossiers. Il permet une meilleure organisation des ressources humaines».

Me Haddaji précise toutefois que «la justice à distance est plus préconisée pour les petits délits qui doivent être traités rapidement. Mais pour les crimes ou les grands délits qui nécessitent de longues plaidoiries, les confrontations ou encore la présence d’experts, il est primordial de privilégier le présentiel».

Il faut dire que le système actuel concerne principalement les accusés poursuivis en détention préventive. L’idée est de l’étendre aux personnes qui sont en liberté provisoire et qui peuvent être jugées dans des lieux préalablement définis, comme les cabinets d’avocats ou autres sites publics de proximité. Cette expérience a été déployée dans plusieurs pays et a donné des résultats tangibles. 

Mais l’environnement de la justice au Maroc diffère de ce qui se passe ailleurs. Il est opportun d’adapter le système avec les spécificités locales, et ce à travers des textes de loi dédiés. Certes, le législateur marocain a mis en place un arsenal juridique permettant de réglementer l’échange des données, mais au niveau de la justice à distance, il est primordial de prendre en considération certains éléments afin de respecter la procédure pénale.

La formation des ressources humaines à ce système est aussi un grand défi à relever. La pression de la crise sanitaire, qui a fait déployer la justice à distance dans un laps de temps réduit, a généré plusieurs problèmes, comme nous le révèlent plusieurs avocats contactés à ce sujet.

 

 

Par Charaf Jaidani

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