Les observateurs ont tiré la sonnette d’alarme depuis plus de trois ans sur l’impact de la pandémie sur le programme alimentaire en Afrique. Depuis février 2022 et l’éclatement de la guerre en Europe entre la Russie et l’Ukraine, la situation a sérieusement dégénéré en Afrique. Aujourd’hui, la crise des exportations aggrave les craintes de pénurie alimentaire pouvant conduire à des situations de famine, ce qui est déjà le cas dans certaines régions africaines.
Ceci en sachant que le continent utilise la plus faible quantité d'engrais par hectare au monde, d’où la gravité de la menace qui pèse sur les populations africaines. Selon la FAO et l’OMS, cette interruption d'approvisionnement a déjà profondément fragilisé le rendement des cultures dans plusieurs pays, pas seulement dans le Sahel, mais même en Afrique de l’Est, de l’Ouest comme au centre et au sud du continent. Cela impacte dangereusement le manque d’engrais pour le blé qui nécessite beaucoup d'engrais et qui est essentiel pour nourrir des millions de personnes.
Dans ce sens, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a averti que «la pénurie d'engrais pourrait plonger sept millions de personnes supplémentaires dans la pénurie alimentaire». Ce chiffre peut atteindre les 15 millions dans les prochaines semaines surtout en période de grandes chaleurs couplées à la sécheresse endémique au continent.
Il faut ici préciser que deux graves crises successives sont insoutenables pour une Afrique livrée à elle-même à tous les niveaux. Mais c’est la guerre en Ukraine qui porte un coup fatal aux Africains.
En effet, selon les données de Rabobank, «la Russie exporte environ 20% des engrais azotés du monde et, avec son allié sanctionné, la Biélorussie, 40% des exportations mondiales de potassium». Ce qu’il faut savoir, c’est que le coût des engrais était déjà élevé à la suite des retombées économiques de la pandémie de Covid-19. Aujourd'hui, les sanctions contre la Russie et la Biélorussie, auxquelles s'ajoutent les contrôles des exportations en Chine, ont aggravé une situation déjà hors contrôle.
C’est face à un tel drame humanitaire que les ONG humanitaires, dont OXFAM, précisent que c’est «la pire situation en dix ans» et Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, parle d’un «ouragan de famine». C’est dire le degré de gravité auquel doivent faire face plusieurs États africains. Dans ce sens, il faut retenir un chiffre qui fait froid dans le dos. Depuis quatre ans, le nombre de personnes victimes de malnutrition uniquement en Afrique de l’Ouest augmente de façon désastreuse. Il a presque quadruplé pour atteindre près de 38 millions de personnes. A tout ceci s’ajoutent d’autres chiffres. Il faut savoir que le nombre de déplacés est estimé à plus de 6,7 millions. Au Sahel, à titre d’exemple, les récoltes de céréales ont baissé de 12% par rapport à 2021. Pour certains pays, les baisses sont encore plus importantes : – 15 % au Mali, – 18% en Mauritanie et – 36% au Niger.
Abdelhak Najib