Ils devraient profiter des marges générées par l’activité et qui sont empochées par les trafiquants.
Le regroupement en associations ou coopératives permettra de mieux superviser la filière.
Par C. Jaidani
L’annonce du gouvernement d’un projet de légalisation du cannabis pour un usage thérapeutique ou industriel est sous les feux des projecteurs. Fortement demandée par des partis politiques et des militants de la société civile, cette initiative signe un tournant pour tout un écosystème.
Faut-il le rappeler, le cannabis est avant tout une filière agricole comme les autres. Elle nécessite un emblavement du sol, des semis, des intrants et aussi d’autres travaux pour la récolte et la transformation.
«Le projet de légalisation du cannabis a suscité un certain soulagement dans la région du Rif. Il permettra de corriger une situation qui ne peut durer. La plupart des exploitants sont recherchés par les autorités. Dès lors, il serait sage de lancer une amnistie générale, qui vise uniquement les agriculteurs et pas les trafiquants. Car les premiers s’adonnent à l’activité pour vivre et les seconds pour s’enrichir», souligne Hassan Marbouhi, membre du Collectif national pour la légalisation du cannabis.
«La légalisation permettra aussi d’orienter l’activité vers des créneaux bien ciblés et licites. Pour ce faire, il faut créer des coopératives et des associations pour encadrer les exploitants et les aider à ne pas être à la merci des barons de la drogue», précise Marbouhi.
La quasi-totalité des opérations de reconversion de la culture du cannabis vers d’autres activités formelles a connu un échec cuisant. Marbouhi explique que «la culture du cannabis est fortement ancrée dans le mode de vie des paysans du Rif. Cette zone est fortement accidentée, le terroir est peu fertile et très peu propice à d’autres cultures. Pendant plus de cinq générations, les exploitants ne savaient faire que la culture du cannabis. La reconversion vers d’autres activités est difficile. A titre d’exemple, un hectare de cannabis assure un revenu moyen de 10.000 DH, alors que celui de blé ne rapporte que 2.000 DH».
En parallèle à la légalisation, il faut que l’Etat accentue son programme de développement des provinces du Nord. L’objectif est de renforcer les infrastructures de base, surtout les routes, pour désenclaver la région.
La légalisation du cannabis devrait ouvrir de nouveaux horizons aux exploitants. L’activité assure des marges importantes et présente aussi un potentiel à l’export. «L'impact social et économique de la légalisation du cannabis serait très bénéfique. Le Maroc pourrait éventuellement exporter légalement un cannabis médical et récréatif de grande qualité vers les pays où il est légalisé. Ce qui générerait de l'emploi et des revenus substantiels aux exploitants et aussi à l'Etat. A titre d'exemple, deux jours après la légalisation du cannabis au Canada, il y a eu une rupture de stock dans la majorité des magasins officiels gérés par les autorités».
«Le mouvement de légalisation du cannabis gagne du terrain. Ces dernières années, plusieurs pays ont sauté le pas, notamment la Suisse, les Pays-Bas, l’Espagne, le Luxembourg et certains Etats américains, dont la Californie. D'autres pays suivront sous peu comme le Mexique, le Liban, l’Iran et l’Inde», affirme Mohamed Ben Amar, professeur en pharmacologie à l’Université de Montréal.
Sur le plan technique, Ben Amar explique que «le contrôle de la qualité du cannabis permettra de standardiser la concentration en tétrahydrocannabinol (THC) et en cannabidiol (CBD), les deux principaux ingrédients du produit, et d’éliminer les agents adultérants».