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Manuels scolaires: «Il est temps aujourd’hui de compter sur le partenariat avec les éditeurs nationaux»

Manuels scolaires: «Il est temps aujourd’hui de compter sur le partenariat avec les éditeurs nationaux»

Le département de Chakib Benmoussa semble avoir une nouvelle mission à relever et pas des moindres. Il s’agit de mener une réforme globale du marché des manuels scolaires en vue de consacrer davantage le principe de diversité, s’aligner aux approches pédagogiques innovantes, en sus d’adopter un modèle économique plus performant. Elevé au rang de priorité, ce projet devrait reposer sur une approche participative où l’ensemble des acteurs concernés tels que les éditeurs, libraires, distributeurs, seraient amenés à prendre part aux consultations. Entretien avec Camille Hoballah, président de l'Association marocaine des éditeurs.

 

Propos recueillis par M. Boukhari

Finances News Hebdo : Le ministère de l’Education nationale a annoncé récemment vouloir se concerter avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème du livre en vue d’apporter des modifications au modèle des manuels scolaires, notamment en ce qui concerne les aspects économique et éducatif. Qu’en dites-vous ? 

Camille Hoballah : La décision du ministre de l’Education était attendue avec impatience par les éditeurs, était prévisible d’autant plus que depuis l’arrivée de Benmoussa, le ministère ne chôme pas. Il est vrai qu’il prend des mesures courageuses, notamment en ce qui concerne l’écosystème de la chaîne du livre. A notre première rencontre où il a reçu le bureau de notre association, le ministre a exigé oralement, puis spécifié par écrit, que tous les manuels scolaires devaient impérativement être imprimés au Maroc sous le label de la souveraineté industrielle prônée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Cette décision a permis aux entreprises industrielles de se restructurer et d’investir en renouvelant leur parc industriel qui était en phase de devenir vétuste.  L’autre grande décision est d’équiper les classes du primaire de bibliothèques de lecture. C’est la première fois qu’un ministre introduit la culture et la lecture dans la classe. Cette décision a besoin de plus de concertation avec les éditeurs pour créer une véritable dynamique de créativité culturelle de la littérature enfantine au Maroc et de ne pas dépendre à 80% de la production étrangère.  Notre association a bientôt 40 ans d’existence, et certains éditeurs ont plus de 60 ans d’expérience. Ce que nous voulons dire par là, c’est que l’ancien modèle n’a pas permis à ces entreprises d’édition de se structurer sur le plan humain, intellectuel et pédagogique à cause d’absence de vision à long terme. Ces bonnes décisions qui tombent ainsi devraient donner un temps aux éditeurs pour leur permettre de faire des propositions au  ministère afin de migrer vers une production nationale à 80% et une importation à 20%.  

Le Maroc a acquis une excellente expérience dans le domaine de l’édition, et nous sommes cités en exemple en comparaison à d’autres pays de notre région arabo-africaine.  Toutefois, nous avons l’ambition d’aller encore bien plus loin en devenant un hub de l’édition et de l’impression non seulement dans cette sous-région, mais aussi pour l’Europe, à cause de notre proximité et aussi à cause de la stratégie de l’Etat de constituer sa propre flotte maritime. Nous regrettons que certains journaux supposés sérieux galvaudent des idées sur les éditeurs sans connaître le fond et la réalité de la conception et la distribution des manuels scolaires. Nous avons répondu dans le temps et avons expliqué et éclairci des points essentiels et le rôle social et économique que jouent les éditeurs dans ce domaine. Et ce, sans avoir bénéficié de la moindre subvention et à des prix défiant toute concurrence.  Rien à faire, les journalistes ou encore d’autres rapports insistent pour parler de monopole et de situation de rente. Quand toute la presse partisane ou non partisane reçoit des subventions, les éditeurs n’ont jamais reçu de subvention. Quant aux marchés de l’INDH, le ministère avait proposé la première année que ce soit les éditeurs qui fournissent directement les écoles, ce que les éditeurs ont catégoriquement refusé pour ne pas tuer les libraires.  Nous attendons donc avec impatience que le ministère agisse en étroite collaboration avec tous les acteurs de la conception et la distribution des manuels scolaires dans toutes ses phases. Et que seuls les vrais professionnels nationaux qui ont acquis des compétences certaines sur le plan de la créativité, de la conception, de la surveillance des programmes, de l’évaluation des contenus et de la vente des manuels exclusivement à travers les libraires professionnels devraient être agréés en tant que partenaire dans un contratprogramme sous forme de partenariat qui répond aux exigences de qualité du ministère.

 

F.N.H. : Cette initiative découlerait d’une volonté de la tutelle de vouloir veiller au respect des principes de la diversité et de la concurrence équitable édictés par la Charte nationale de l’éducation et de la formation. En tant que président de l’Association marocaine des éditeurs, quelle lecture faitesvous de l’état actuel du marché des manuels scolaires ? 

C. H. : Ce modèle existe depuis 2001, année de la première réforme de l’enseignement initiée par le Conseil supérieur de l’enseignement dont les membres avaient fait le tour du monde pour voir les modèles existants. Il avait été imposé aux éditeurs sans avoir été consultés et dans la précipitation, et il n’est pas le fruit d’une concertation avec l’écosystème du livre. Ce que je voudrais souligner ici, c’est que chaque fois que le ministère a choisi de se concerter avec les éditeurs à travers le Secrétariat général du gouvernement en 2002, puis en 2009 lors de la décision royale «un million de cartables», les recommandations ainsi que les procédures d’application ont été adoptées dans leur intégralité par le gouvernement. Et ce, par la perspicacité des idées proposées en adéquation avec les règlementations universelles de l’éducation, et en profond respect des discours de Sa Majesté  le Roi pour l’opération «un million de cartables», qui avait bénéficié dans un premier temps aux libraires. Puis, dès que le ministère de l’Intérieur a instauré le système de l’appel d’offres, les choses ont basculé vers d’autres horizons. Le principe de la diversité a toujours été respecté, et c’est une excellente chose qu’il y ait des livres multiples, car l’expérience qui a précédé à la diversité, était le livre unique qui a connu ses limites et démontré son manque de pertinence et de créativité. La diversité a permis une véritable concurrence (avec des imperfections) au niveau de la sélection et des choix des commissions.  Ces imperfections sont dues essentiellement au modèle qui était en cours et qui était hermétique à toute communication entre les auteurs-éditeurs et l’Administration. Il est impensable de concevoir des manuels scolaires, qui est une responsabilité nationale, sans une concertation pédagogique permanente et un suivi entre les éditeurs et les commissions d’évaluation dans le cadre d’un partenariat visant.  Toute absence de partenariat ou de modèle sous forme d’appel d’offres, terme inapproprié pour la conception des manuels, donnerait un modèle imparfait. 

 

F.N.H. : Que devrait être la démarche à privilégier, selon vous ? 

C. H. : Il est temps aujourd’hui de compter sur le partenariat avec les éditeurs nationaux, et leur donner les moyens de se structurer en créant une dynamique humaine et permanente, en équipes pédagogiques, didactiqueset des enseignants pratiquants, des psychopédagogues, et des spécialistes dans les connaissances disciplinaires. Enfin, des spécialistes en développement de plateformes numériques en tant que supports complémentaires et des supports de remédiation et de renforcement des acquis, afin de garantir un enseignement non pas uniforme à tous les élèves, mais adapté à chaque milieu social, rural, urbain ou même des niveaux différents dans une même classe. La problématique est bien trop complexe pour être traitée sous forme d’appel d’offres. Les adaptations et les changements peuvent survenir chaque année en vertu des expérimentations, des évaluations et des retours des nouveaux services d’orientation nouvellement instaurés par le ministère.

 

 

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