Depuis sa création, l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC) s’efforce de transformer un secteur à fort potentiel en un moteur de développement économique et social.
Après presque deux ans d’activité, où en est la filière et quels sont les défis qui se profilent ?
Avec 4.082 tonnes de cannabis licite produites en 2024 sur 2.169 hectares, cette nouvelle filière montre des signes encourageants. En effet, l’augmentation notable des autorisations délivrées - 3.371 en 2024 contre seulement 430 l’année précédente - témoigne d’une adhésion croissante des agriculteurs et opérateurs à ce nouveau cadre légal.
La variété locale «Beldia», emblématique du cannabis marocain, occupe une place centrale avec près de 80% des surfaces cultivées.
Par ailleurs, une étape majeure a été franchie avec l’exportation, au second trimestre, d’un quintal de résine de cannabis vers la Suisse.
Ce produit, conforme aux standards européens avec une teneur en THC inférieure à 1%, a été vendu entre 1.400 et 1.800 euros le kilo, selon Le Monde.
Bien que modeste en volume, cette première opération symbolise les ambitions marocaines de s’imposer sur le marché européen du cannabis thérapeutique, en pleine expansion.
Toutefois, des différences de rendement entre «Beldia» (17 Qx/Ha) et les variétés importées (28 Qx/Ha) suggèrent des pistes d’amélioration pour optimiser cette culture traditionnelle. Mais il serait prématuré d’émettre des conclusions définitives : la filière est encore en phase d’installation.
L’impact social, une ambition à concrétiser
La structuration sociale autour de 189 coopératives regroupant 2.647 agriculteurs marque un pas en avant, mais l’impact économique reste à mesurer. En effet, les petits exploitants, souvent vulnérables, bénéficient d’un cadre légal qui stabilise leur activité, toutefois des défis persistent en matière de financement et de valorisation des récoltes.
L’ANRAC a également soutenu des initiatives liées à la transformation et à l’exportation, avec 315 autorisations délivrées en 2024. Mais ce tissu naissant, constitué de coopératives et de sociétés privées, doit encore se consolider pour générer une valeur ajoutée suffisante et équitable.
2025, une année de consolidation des acquis
L’année 2025 sera cruciale pour consolider les acquis et structurer davantage la filière. Ainsi, les priorités incluent l’amélioration des infrastructures, le renforcement de la traçabilité et le développement de nouveaux produits à forte valeur ajoutée.
Avec l’objectif de capter entre 10% et 15% du marché européen du cannabis thérapeutique, le Maroc pourrait générer des revenus annuels compris entre 400 et 600 millions d’euros d’ici 2028, selon la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP).
Néanmoins, la concurrence mondiale, notamment de pays comme le Canada ou les Pays-Bas, impose au Maroc de capitaliser sur ses atouts spécifiques : une variété locale unique et un savoir-faire ancestral. Pour cela, des investissements significatifs dans les infrastructures, la recherche et le marketing seront nécessaires.
En outre, selon les projections, la valeur du marché mondial du cannabis thérapeutique pourrait dépasser 50 milliards de dollars d’ici 2028. La légalisation croissante dans l’Union européenne, où 21 des 27 États membres autorisent déjà le cannabis à des fins médicales, offre une fenêtre d’opportunités pour le Maroc.
Quoi qu’il en soit, le bilan intermédiaire de l’ANRAC montre une dynamique en construction, mais aussi les fragilités d’un secteur naissant. Le bétonnage de la filière passera sans doute par une gouvernance forte et une capacité à adapter les cadres réglementaires aux réalités du marché. 2025 s’annonce donc comme une année charnière pour l’ANRAC.