Entre 2015 et 2021, les médicaments génériques ont permis aux patients et aux caisses de l’Etat d’économiser 22,7 milliards de dirhams, dont 3,77 Mds rien qu’en 2021.
Par M. Ait Ouaanna
L'accès équitable aux médicaments et aux produits de santé est indispensable pour la réussite du chantier royal de généralisation de la protection sociale. Au fur et à mesure de la mise en œuvre des différentes étapes de ce chantier d’envergure, la demande en médicaments ira crescendo. Et pour répondre à ce besoin de plus en plus croissant, le renforcement de la production et de l’utilisation des médicaments génériques semble être l’une des solutions idéales.
Habituellement moins coûteux que les princeps, les génériques garantissent un accès plus large aux médicaments et permettent, de facto, aux patients et aux caisses gestionnaires de l’assurance maladie de faire des économies. Chiffres à l’appui, entre 2015 et 2021, les gains économiques réalisés par les médicaments génériques au Maroc se sont élevés à 22,7 milliards de dirhams, dont 3,77 Mds de DH rien qu’en 2021. Ainsi, sans la présence des génériques, la facture aurait été plus salée.
«Ces chiffres représentent la différence entre ce que les Marocains ont réellement déboursé pour l’achat de leurs médicaments et ce qu’ils auraient payé s’il n’y avait aucun médicament générique sur le marché marocain en ayant le même volume ainsi que la même structure de consommation et avec les mêmes molécules», nous explique Abdelmajid Belaiche, analyste des marchés pharmaceutiques et chercheur en économie de la santé. En 2023, le chiffre d’affaires TTC des médicaments génériques dans le marché pharmaceutique privé, représenté par l’ensemble des médicaments vendus à travers les pharmacies, a atteint 7 milliards et 119,2 millions de dirhams sur un marché pharmaceutique privé s’élevant à 15 milliards et 230,7 millions de dirhams, soit une part de marché en valeur de 46,7%.
En volume, les génériques ont terminé l’année 2023 avec 208,7 millions de boîtes, sur un total marché pharmaceutique de 450,9 millions de boîtes, soit une part de marché en volume de 46,3%. A la lumière de ces éléments, Abdelmajid Belaiche affirme que les médicaments génériques ont largement contribué à l’amélioration de l’accès aux traitements. «Le volume additionnel du marché pharmaceutique privé marocain entre 2015 et 2021 est constitué à 75% par les médicaments génériques et à 25% par les médicaments princeps. L’accès aux médicaments a été largement amélioré, notamment au niveau des anti-infectieux, des médicaments de l’appareil digestif, des anti-inflammatoires et autres médicaments antidouleurs, mais aussi au niveau des maladies chroniques telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, neurologiques et psychiatriques», détaille-t-il.
Dans le même ordre d’idées, l’analyste relève que les médicaments génériques ont confirmé leur rôle de véritable levier de croissance du marché pharmaceutique marocain. «La croissance des médicaments génériques en valeur en 2023 par rapport à 2022 (+7,9%) a été supérieure à celle du marché (+4,4%) et largement supérieure à celle des médicaments princeps (+1,5%). En volume, la croissance des génériques a été de +3,8% contre -0,1% pour le marché et -3,3% pour les médicaments princeps. Ce rôle de levier de croissance ne fait que confirmer les tendances observées sur près de deux décennies», explique Belaiche.
Qui fait savoir qu’en dépit de ces résultats, la présence des médicaments génériques est encore très faible au Maroc. Il est à noter qu’au Royaume-Uni, le taux de pénétration des génériques est de 85%. Ce taux est de 82% en Allemagne, 80% aux Etats-Unis et 76% aux Pays-Bas. Une comparaison qui met en lumière le fossé à surmonter. Dans la même optique, Belaiche déplore une promotion «marginale» de l’usage des génériques au Maroc. «Pas de campagnes de sensibilisation pour encourager la prescription et la délivrance des médicaments génériques et encore moins de campagnes destinées au grand public pour lever le doute qui reste chez certains au sujet de l’efficacité, la sécurité et la qualité des médicaments génériques», regrette-t-il.
En revanche, l’expert souligne que la situation pourrait s’améliorer dans les années à venir, étant donné que les génériques et la fabrication locale des médicaments figurent au cœur de la dernière politique pharmaceutique nationale (PPN) présentée par les nouveaux responsables de la Direction des médicaments et de la pharmacie. Il évoque également un autre point positif : l’importance accordée aux génériques par l’Agence nationale de l’assurance maladie, en matière de remboursement. Nonobstant ces minces lueurs d’espoir, Abdelmajid Belaiche insiste sur le caractère indispensable des campagnes de sensibilisation autour de l’utilité et l’importance des génériques et la lutte contre leur dénigrement, notamment à travers des sanctions. Des mesures qui, selon lui, sont primordiales pour développer l’usage de ces médicaments.