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Flambée de l’or : Signe d’un déséquilibre global ou simple refuge de crise ?

Flambée de l’or : Signe d’un déséquilibre global ou simple refuge de crise ?

Le métal jaune s’envole à des niveaux historiques. Au Maroc, cette flambée se répercute directement sur les prix et expose les fragilités d’un marché encore dominé par l’informel.

 

Par K. A.

L'or poursuit sa course ascendante et vient de franchir un cap inédit sur les marchés internationaux. Tout récemment, l’once d’or s’est hissée au-dessus du seuil symbolique des 4.000 dollars, un record absolu. Cet envol n’est pas anodin: il traduit à la fois l’inquiétude des investisseurs face au ralentissement économique mondial et la montée des risques géopolitiques.

Contrairement aux épisodes précédents de hausse, cette poussée n’a rien d’éphémère. Elle s’inscrit dans un contexte de déséquilibres profonds, où les politiques monétaires, la volatilité des marchés et la recomposition du pouvoir économique mondial s’entrecroisent. Pour l’économiste Mohamed Benchekroun, professeur de management, cette évolution dépasse la simple réaction des marchés financiers.

«Au-delà de l’effet conjoncturel lié aux anticipations monétaires, des dynamiques de fond nourrissent la tendance. Les achats massifs d’or par les Banques centrales, notamment dans les pays émergents, traduisent une forme de méfiance structurelle vis-à-vis du système monétaire international dominé par le dollar», explique-t-il.

Des Banques centrales en quête d’autonomie

Depuis deux ans, plusieurs puissances émergentes, notamment la Chine, l’Inde ou la Turquie renforcent massivement leurs réserves aurifères. Ce mouvement vise à réduire leur dépendance au billet vert et à protéger leurs économies contre les fluctuations du marché des changes. En parallèle, de grands fonds d’investissement réallouent leurs portefeuilles vers le métal jaune, perçu comme une valeur sûre à l’heure où les marchés boursiers se montrent hésitants. Ce glissement graduel modifie en profondeur la structure de la demande mondiale.

L’or devient à nouveau un actif stratégique : il attire autant les États que les investisseurs privés. De plus, la perspective d’une baisse des taux d’intérêt dans les économies développées, notamment aux ÉtatsUnis, renforce cette dynamique. En effet, lorsque le coût de l’argent diminue, l’or actif non rémunéré perd moins face aux placements traditionnels. Ainsi, la détention du métal devient plus attrayante, ce qui entretient la hausse des cours.

Un effet immédiat au Maroc

Ici, la flambée internationale se répercute sans délai. Le Royaume, qui ne produit pas d’or, dépend entièrement des importations pour alimenter son marché local. Par conséquent, chaque variation du cours mondial se traduit directement par une modification des prix pratiqués par les bijoutiers. Ces dernières semaines, le gramme d’or 18 carats s’est approché du seuil des 950 dirhams, un record historique.

Cette hausse exerce une pression sur le pouvoir d’achat des ménages. Le marché marocain, déjà fragilisé par une forte présence informelle, subit de plein fouet ces fluctuations. Mohamed Benchekroun, rappelle que «toute variation du prix international se répercute quasi automatiquement sur le marché local, après conversion en Dirhams. L’absence de mécanismes de régulation et la prépondérance de l’informel accentuent la sensibilité du marché marocain aux fluctuations mondiales».

Entre volatilité et manque de transparence

Ce mode de fonctionnement crée des écarts notables d’une région à l’autre et alimente parfois un sentiment d’opacité chez les consommateurs. Dans les souks de Casablanca, Marrakech ou Fès, les clients constatent des variations de prix parfois importantes pour des produits similaires. Cette absence de transparence nourrit les comportements spéculatifs et fragilise la confiance dans la filière.

Parallèlement, les bijoutiers relèvent une évolution de la demande. Les familles issues de la classe moyenne, qui achetaient autrefois de l’or pour l’épargne ou la dot, se tournent désormais vers des bijoux plus légers, voire s’abstiennent. L’or, longtemps perçu comme un placement populaire et symbolique, se transforme peu à peu en produit de luxe.

Cette mutation traduit une fracture sociale : le métal précieux, jadis accessible, tend à devenir un actif réservé à une élite financière. Cette situation relance le débat sur la formalisation et la régulation du marché marocain de l’or. Plusieurs économistes plaident pour la création d’un cours officiel de référence en dirhams, mis à jour quotidiennement, afin d’éviter les abus et de stabiliser la filière.

D’autres insistent sur la mise en place de mécanismes de traçabilité, de certification et de contrôle des circuits de distribution. L’objectif serait de rendre les transactions plus transparentes et de protéger les petits artisans face à la concurrence informelle. Une telle réforme renforcerait la crédibilité du marché tout en sécurisant les consommateurs. Elle permettrait également, selon les experts, d’améliorer le suivi des flux financiers dans un secteur qui conserve une forte valeur culturelle et symbolique. 

 

 

 

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