Le secteur agricole n’a pas été épargné par les chamboulements socioéconomiques induits par une succession d’événements, tels que la pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine.
D’après un récent rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la malnutrition a touché 2,1 millions de citoyens marocains durant la période 2019-2021.
Par M. Boukhari
Colonne vertébrale de l’économie du Royaume, l’agriculture est aujourd’hui mise à rude épreuve face au stress hydrique et aux différents bouleversements que connaît le monde. Cet état de fait a de facto eu une incidence non négligeable sur les tendances en matière de sécurité alimentaire et de nutrition.
La FAO a publié récemment un rapport baptisé «Proche-Orient et Afrique du Nord : Aperçu régional de la sécurité alimentaire et de la nutrition 2022», élaboré avec plusieurs organisations internationales, notamment le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ledit rapport révèle que le Royaume a atteint un taux de 5,6% en termes de prévalence de la sousalimentation pendant la période 2019- 2021, soit une hausse importante comparée à 2014-2016 (3,81%).
Et de noter que le nombre de personnes malnutries au Maroc s’est élevé à 2,1 millions contre 1,3 million entre 2014 et 2016. Le rapport précise qu’une personne est en situation d'insécurité alimentaire lorsqu'elle n'a pas un accès régulier à suffisamment d'aliments sains et nutritifs pour une croissance et un développement normaux et une vie active et saine. Cela peut être dû à l'indisponibilité de nourriture et/ou au manque de ressources.
Ainsi, la moyenne triennale de l’insécurité alimentaire modérée à sévère au Maroc entre 2019 et 2021 s’élève à 31,6%. Cela est dû en l'occurrence à une baisse significative des précipitations annuelles cumulées et une répartition inégale au cours de la période de croissance. Ce qui a donc eu un impact négatif sur les campagnes agricoles, indique la même source.
La boucle n’est pas bouclée
En dépit des efforts menés par l’Exécutif et le déploiement des programmes en faveur du développement du secteur agricole, tels que le Plan Maroc Vert et Generation Green, le Maroc a encore du pain sur la planche avant de pouvoir résoudre le problème de la sécurité alimentaire. Et ce, en raison d’une dépendance indéniable aux importations qui, de manière indirecte, entraîne le pays dans un engrenage sans fin, en augmentant par exemple sa vulnérabilité quant à la hausse des prix à l’étranger.
La guerre russo-ukrainienne en est la parfaite illustration. Pour Said Khair Allah, secrétaire général de la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA), l’agriculture est supposée non seulement répondre à la sécurité alimentaire d’un pays, mais aussi et surtout garantir sa souveraineté alimentaire. Il estime que «nos politiques agricoles ne permettent pas d’atteindre cet objectif. Ce sont des politiques qui appuient l’agriculture industrielle et l’agriculture d’exportation, dont les retombées profitent uniquement aux grands agriculteurs. Aujourd’hui, nous sommes dépendants de l’étranger pour ce qui est des produits alimentaires, tels que le blé, le sucre et l’huile et dont le manque de disponibilité impacte sévèrement la population, particulièrement les classes pauvre et moyenne».
Soutenir les petits agriculteurs La production des céréales au Maroc est passée, selon les données émises par les organisations onusiennes, de 7,8 millions de tonnes (MT) en 2010 à 3,3 MT en 2020. Celle des légumes a baissé de 4,37 MT en 2010 à 3,98 MT en 2020, alors que la production des fruits a connu une augmentation, passant de 4,29 MT en 2010 à 5,58 MT en 2020. S’agissant des importations, les céréales ont atteint 9,6 MT en 2020 contre 5,5 MT en 2010, les fruits se sont élevés à 196.408 tonnes contre 123.502 tonnes respectivement en 2020 et 2010. Les légumes sont, de leur côté, passés à 55.870 tonnes importées en 2020 contre 42.701 tonnes en 2010.
Quant aux exportations, les fruits ont connu une tendance haussière au cours de cette décennie (719.531 tonnes en 2010, 1,09 MT en 2020); de même pour les légumes atteignant 1,22 MT en 2020 (736.471 tonnes en 2010).
«Entre la fin des années 90 et le début des années 2000, le Maroc avait atteint 60% d’autosuffisance pour bon nombre de produits alimentaires essentiels comme le sucre, les huiles végétales, en plus d’une moindre dépendance du marché international en ce qui concerne l’approvisionnement en céréales. Les indicateurs étaient donc au vert, et ce malgré des années de sécheresse difficiles. Actuellement, nous sommes à 20% en matière d’autosuffisance, soit une baisse de 40% par rapport à la période susmentionnée», a expliqué Said Khair Allah.
Et de poursuivre : «La sécheresse est loin d’être la principale et unique raison des problèmes que nous rencontrons actuellement. Il faut engager des mesures concrètes en épaulant les petits agriculteurs. Dans tous les pays du monde, ce sont les petits agriculteurs qui sont considérés comme étant les principaux producteurs de nourriture. En revanche, les politiques agricoles n’ont pas pris en compte l’agriculture familiale ou les besoins desdits agriculteurs. Notre Fédération a sans cesse appelé à un appui renforcé à cette catégorie et aux habitants des zones rurales, puisque ce sont les premiers à subir de plein fouet les effets de la malnutrition».
Pour rappel, le Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM), qui se tiendra du 2 au 7 mai 2023, aura pour thème cette année : «Generation Green, pour une souveraineté alimentaire durable». L’idée de la souveraineté alimentaire repose, selon les organisateurs, sur une logique de développement durable, associée au respect des cultures autochtones, des savoir-faire socio-écologiques et des ressources agricoles.