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Secteur IT : «Le code du commerce trop contraignant, voire obsolète pour la nouvelle économie»

Secteur IT : «Le code du commerce trop contraignant, voire obsolète pour la nouvelle économie»

 

Des discussions sont en cours avec de nombreuses fédérations sectorielles pour accompagner la transition digitale des écosystèmes économiques du pays.

Quatre chantiers majeurs, avec des actions concrètes, entamés par la Fédération des technologies d'information, de télécommunication et de l'offshoring (APEBI).

Tour d’horizon avec Amine Zarouk, président de la Fédération.

 

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

 

 

Finances News Hebdo : Qu’est-ce qui freine aujourd’hui la transformation digitale des entreprises marocaines ? En tant que Fédération, quel dispositif avez-vous mis en place pour activer ce processus ?

Amine Zarouk : Tout d’abord, j’aimerais rappeler que le rapport de la CSMD est pour nous une réelle victoire. Une bataille importante, celle de positionner le digital au cœur du nouveau modèle de développement. Nous avons toujours agi, en concert avec les acteurs du secteur et les autorités, pour booster la transformation digitale du pays. La vision de l’APEBI est claire : asseoir la souveraineté digitale du Royaume et répondre, de manière pragmatique, aux défis de la transformation digitale de l’administration et des entreprises marocaines. Aussi, la transformation digitale du pays nécessite une mobilisation active, concertée et unifiée de l’ensemble des forces vives du Royaume. Il est inutile de rappeler que la transformation digitale est considérée comme un levier déterminant pour la compétitivité des entreprises et leur pérennisation. Pour s’engager sur cette voie, il est essentiel de bien évaluer la maturité des consommateurs et étudier l’accessibilité de la technologie, notamment quand il s’agit des TPME. Deux facteurs de réussite sont essentiels à manœuvrer : la motivation des usagers et les moyens des producteurs technologiques. La pandémie est venue accélérer le processus de prise de conscience de la part des usagers. Compétitivité, accès à de nouveaux marchés, continuité opérationnelle sont autant d’avantages que le tissu économique marocain a expérimentés. Cela dit, cette prise de conscience est confrontée à une diminution des capacités d’investissement. C’est là où le rôle des pouvoirs publics est déterminant : accorder des subventions directes aux projets de transformation digitale pour les TPME et investir massivement dans l’écosystème digital marocain, afin de créer une offre digitale locale accessible. Deux grandes mesures qui peuvent générer un effet de ruissellement remarquable.

 

F.N.H. : Quels sont les principaux leviers à activer pour faire du Maroc une start-up nation ?

A. Z. : Encore une fois, c’est la confiance. Les chefs d’entreprise sont voués à faire confiance aux start-up locales. De plus en plus d’entrepreneurs marocains réussissent des levées de fonds à l’international. Le terrain devrait être plus fertile au Maroc. Cela dit, il est essentiel de transformer le paradigme SII marocain. Il est préférable de miser sur 10 projets start-up que sur un gros projet SII très couteux. Mais il faut accepter l’échec, au même titre que les succès sont souvent très juteux et efficients. C’est une approche très anglo-saxonne. Le code du commerce au Maroc est trop contraignant, voire obsolète pour la nouvelle économie : impossible de rémunérer avec des stock-options par exemple, les faillites sont très difficiles, les limitations de change, etc. L’Etat doit faciliter les procédures et encourager la création des start-up. Des mesures sont prévues dans la charte d’investissement, mais cela traîne depuis des années… Il est peut-être préférable de considérer le chantier start-up de manière indépendante.

 

F.N.H. : Où en êtes-vous, actuellement, au niveau des réalisations de la feuille de route de l’APEBI ?

A. Z. : Aujourd’hui, nous travaillons étroitement avec le ministère de l’Economie verte et numérique. Je suis fier de la dynamique collective entamée et la confiance que nous porte le ministre. Ce dernier, et avec le support de ses équipes, nous accorde une écoute particulière. Des projets concrets sont en cours de réalisation. Nous sommes aussi en discussion avec de nombreuses Fédérations sectorielles pour accompagner la transition digitale des écosystèmes économiques du pays. Nous avons une année chargée devant nous afin de convaincre toutes les parties prenantes, vraiment sans exception, de prendre le train (à très grande vitesse) du digital.

A ce jour, nous avons entamé quatre chantiers majeurs avec des actions concrètes : accompagner l’attractivité économique et industrielle du pays à travers une véritable marque digitale marocaine. Aussi, accompagner la régionalisation avancée, en créant un écosystème d’innovation digitale, intégré verticalement et horizontalement (État, collectivités, universités, entreprises privées, start-up). Nous avons à cet effet signé des conventions avec six CRI et avons initié l’ouverture d’antennes régionales de l’APEBI, avec une logique adaptative aux besoins des territoires. Investir le noyau culturel en institutionnalisant le digital dès le plus jeune âge et en créant un diplôme national spécialisé en la matière. Enfin, créer des mécanismes innovants de financement pour soutenir et accélérer l’innovation digitale.

 

F.N.H. : Quelles appréciations faitesvous de l’évolution du chantier e-Gov au Maroc ?

A. Z. : L’Etat marocain a quand même fait aboutir de nombreux projets digitaux, notamment au service des citoyens et du tissu économique (Douane, documents administratifs, communication citoyenne, plateforme de vaccination, etc.). Cela dit, la digitalisation de l’Administration ne doit pas être opportuniste. Elle doit s’inscrire structurellement dans le mode de conception des politiques publiques. Le digital ne doit pas être dépendant des hommes. La volonté de transformation doit émaner d’un modèle de gouvernance, régulé par des lois et des décrets. Le cas échéant, les projets de digitalisation n’arriveront pas à leur pleine capacité et seront donc coûteux, voire inefficaces.

L’APEBI propose plusieurs solutions : adoption de la e-signature et sa généralisation, généralisation des bureaux d’ordre digitaux, mise en place de l’identifiant unique, accompagnement de l’éducation digitale des fonctionnaires, etc. Tous ces sujets ou marchés sont conditionnés par des décisions publiques et/ou politiques telles que l’Open innovation, le PPP, plan de transformation digitale, Digital First, etc. Cela dit, nous devons rester réalistes, patients et persévérants. La transformation digitale n’est jamais aisée, surtout pour l’Administration : «cela équivaut à changer la roue de la voiture sans s’arrêter». La précipitation dans le numérique et le digital est un poison coûteux et dangereux.

 

F.N.H. : La fuite des cerveaux est un véritable fléau. Avez-vous réfléchi à des mécanismes susceptibles de retenir les compétences marocaines qualifiées dans le secteur IT ?

A. Z. : Je n’aime pas beaucoup le terme retenir. Nous devons plutôt intéresser nos compétences. Le marché du digital est libre et mondialisé. Nous ne pouvons pas empêcher des personnes à penser leur émancipation professionnelle sur un territoire. Cela dit, l’enjeu est crucial. Nous pouvons agir sur l’amont et l’aval. D’abord, en démultipliant le nombre d’ingénieurs sur le marché du travail. Nous devons être ambitieux. Si nous produisons aujourd’hui 4.000 ingénieurs par an, nous devrions peutêtre en produire 12.000. Puis en aval, les entreprises marocaines doivent mieux organiser leur stratégie de recrutement, mais surtout leur manière de gérer les carrières. C’est la même configuration qu’une industrie : si elle n’est pas suffisamment compétitive face aux concurrents mondiaux, elle meurt. Si une entreprise n’est pas compétitive en matière d’offre de compétences, elle meurt aussi. Les pouvoirs publics ont également une responsabilité : encourager le recrutement de jeunes talents et créer des incentives pour des profils rares et de pointe. L’APEBI est très sensible à ce sujet. Nous travaillons d’ailleurs étroitement avec le ministère du Travail et des syndicats pour préparer les compétences du futur, que ce soit en termes de formation, de production ou encore de transformation.

 

F.N.H. : La digitalisation est une culture. Sommes-nous prêts à relever le défi du digital ?

A. Z. : Le digital est un mouvement universel et irréversible sur le plan économique, sociétal et culturel. Sans l’humain, le digital n’a aucun sens. Sans une culture mature et responsable du digital, celui-ci pourrait même s’avérer contre-productif. La décision et le courage politique sont les ingrédients de base. Puis, le défi devient culturel : l’Open innovation, autrement dit, investir dans le digital plutôt que dépenser. Le Digital First, le digital comme levier prioritaire et non optionnel. Par analogie, si certaines politiques publiques ou législations sont aujourd’hui soucieuses de l’environnement, elles devraient également être soucieuses du volet digital et numérique. Enfin, on peut identifier le Trust by design : faire confiance pour gouverner ou gérer une organisation.

 

 

 

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