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Sursaut hydrique : Le Maroc agricole reprend espoir

Sursaut hydrique : Le Maroc agricole reprend espoir

Les récentes précipitations ont apporté une bouffée d’oxygène à une agriculture marocaine éprouvée par plusieurs années de sécheresse. Mais dans un pays où la pluie reste un déterminant économique majeur, l’embellie reste fragile tant qu’elle n’est pas inscrite dans la durée.

 

Par D. William

Les précipitations enregistrées ces derniers jours, qui se poursuivent encore cette semaine, ont rebattu certaines cartes pour cette campagne agricole 2025-2026. Avec un taux de remplissage des barrages qui dépasse désormais 33% contre un peu plus de 28% à la même période l’an dernier, le Maroc sort lentement d’une séquence hydrique extrêmement tendue.

Les réserves dépassent 5,5 milliards de mètres cubes, avec une intensité des épisodes pluvieux et leur concentration dans le temps. Selon Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’Eau, qui s’exprimait le lundi 22 décembre au Parlement,  «au cours des dix derniers jours, quelque 482 millions de mètres cubes ont été enregistrés dans les retenues des barrages, suite aux chutes de neige ayant couvert une superficie de 55.000 km2 ».

Sur le plan strictement agricole, l’impact immédiat est perceptible. L’humidité des sols s’est améliorée dans plusieurs régions  et les céréales d’automne, les légumineuses et les cultures fourragères bénéficient directement de cette recharge hydrique après avoir été fortement pénalisées ces dernières années. C’est dire que ces pluies ont ravivé l’optimisme chez les agriculteurs, lassés par une succession de six à sept campagnes déficitaires. Pour autant, les derniers chiffres officiels appellent à la retenue.

Depuis le 1er septembre et jusqu’au 18 décembre, les apports cumulés aux barrages restent inférieurs de 68% à la moyenne annuelle, et le déficit pluviométrique demeure proche de 27% par rapport à une saison normale, même s’il s’est légèrement réduit par rapport à l’an passé. Autrement dit, le Maroc n’a pas basculé dans l’abondance hydrique, mais dans une zone intermédiaire où tout dépendra de la régularité des pluies dans les semaines et les mois à venir.

Une pluviométrie erratique, mal répartie dans le temps et dans l’espace, pourrait rapidement annuler une partie des gains actuels sur les rendements. C’est pourquoi il est pour le moins prématuré de se prononcer sur la réussite ou non de cette campagne agricole 2025- 2026.

Scénario favorable pour l’instant

Rappelons que la Loi de Finances 2026 table sur une production céréalière de 70 millions de quintaux et une croissance avoisinant 4,6% en 2025 et 2026. Pour sa part, le haut-commissariat au Plan estime qu’après six trimestres consécutifs de reprise, l’économie marocaine confirme sa résilience. Ainsi, poursuit-il, «la croissance devrait se maintenir à un rythme soutenu durant la seconde moitié de 2025, avec des taux estimés à 4,3% au troisième trimestre et 4,7% au quatrième». 

De son côté, Bank Al-Maghrib anticipe une accélération de la croissance à 5% cette année, avant une consolidation autour de 4,5% sur les deux exercices suivants, sous l’hypothèse de campagnes agricoles moyennes tournant autour de 50 millions de quintaux. Dans ce schéma, la valeur ajoutée agricole progresserait de 4% en 2026, après un rebond marqué de 5% en 2025, puis de 2% en 2027.

Les pluies actuelles renforcent donc la probabilité d’un scénario agricole moins défavorable que les précédents, sans pour autant garantir une performance exceptionnelle. Leur principal apport économique réside dans l’effet d’entraînement qu’elles peuvent générer, notamment en ce qui concerne l’amélioration des revenus agricoles, la relance de la demande en milieu rural, le soutien aux filières amont et aval (intrants, transport, agro-industrie…) et la contribution positive à la croissance globale.

Dans un pays où l’agriculture reste un amortisseur social majeur, cet effet est loin d’être négligeable. Le marché du travail illustre bien cette sensibilité. Entre le troisième trimestre 2024 et celui de 2025, l’économie nationale a créé 167.000 emplois nets, essentiellement en milieu urbain, tandis que l’agriculture, la forêt et la pêche ont perdu 47.000 postes. Cette contraction de l’emploi agricole, combinée à la hausse du sousemploi qui touche désormais près de 1,2 million de personnes, traduit la fragilité persistante du monde rural après plusieurs années de stress climatique.

Une campagne agricole plus favorable en 2025- 2026 pourrait inverser partiellement cette tendance, en stabilisant l’emploi saisonnier et en réduisant la pression sur les ménages ruraux, même si elle ne suffira pas à elle seule à absorber le chômage structurel, notamment chez les jeunes et les diplômés. Dans ce contexte, l’arsenal déployé par l’Etat prend tout son sens.

Semences certifiées subventionnées, disponibilité de 650.000 tonnes d’engrais phosphatés à prix constants, extension du semis direct, irrigation de complément, assurance multirisque climatique et programme de reconstitution du cheptel doté de 12,8 milliards de dirhams constituent autant de leviers destinés à transformer un mieux climatique ponctuel en performance économique plus durable.

Ces dispositifs visent à réduire la vulnérabilité de l’agriculture aux chocs hydriques, même si leur efficacité dépendra, là encore, de la cohérence d’ensemble et de leur appropriation par les agriculteurs. Au final, les précipitations actuelles offrent un répit bienvenu à une économie encore très dépendante du ciel. Elles améliorent les perspectives de la campagne agricole 2025-2026, soutiennent le scénario de croissance retenu par les autorités et pourraient contribuer, à la marge, à une décrue du chômage rural. Mais elles ne gomment pas les fragilités structurelles du modèle de croissance actuel. 

 

 

 

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