Au Maroc, le télétravail, désormais très plébiscité, s’inscrit pleinement dans le cadre de l’évolution technologique actuelle et ses nouveaux schémas. Cependant, le manque de directives juridiques claires sur cette question est problématique.
Par M. Boukhari
Depuis la pandémie, le télétravail est devenu très courant dans le monde entier. C’est également le cas au Maroc où ce mode de travail s’impose comme une nouvelle tendance. Si plusieurs personnes considèrent que le télétravail offre plusieurs avantages tant pour les employeurs que pour les employés, en ce sens qu’il permet, entre autres, la réduction des coûts et l’économie de temps et d’argent sur les transports, d’autres demeurent plus ou moins sceptiques. Et pour cause, l’absence au Maroc d’un cadre juridique régissant le télétravail.
Selon les résultats d’un sondage réalisé en avril 2022 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), 77% des répondants (sur un total de 27.638) ont opté pour la mise en place d’un cadre règlementaire adapté en vue de favoriser le développement du télétravail à l’échelle nationale. Il faut savoir qu’à ce jour, le télétravail n’est régi par aucune législation formelle, ce qui en soi soulève divers problèmes.
«L'adoption du télétravail en mode hybride, combinant le travail présentiel et distanciel, a été une stratégie courante pour concilier la flexibilité des employés tout en préservant l'efficacité opérationnelle des entreprises. Néanmoins, cette flexibilité doit être encadrée par des règles et des normes claires pour garantir les droits et obligations équitables des travailleurs, qu'ils soient en présentiel ou distanciel», affirme Me Nesrine Roudane, avocate au barreau de Casablanca. D’après elle, les entreprises comblent souvent le vide législatif par l'établissement de chartes internes ou de procédures spécifiques au télétravail.
«Cependant, ces mesures sont souvent tributaires de la décision de l'employeur d'adopter ou non le télétravail. Il est crucial que tout traitement différencié entre les travailleurs soit basé sur un accord mutuel ou justifié par des circonstances propres à chaque relation de travail», poursuit Me Roudane. Par ailleurs, il est aujourd’hui essentiel de penser à l’instauration d’une règlementation qui puisse servir à la fois les intérêts des employeurs et des employés. L’objectif étant de protéger les droits des salariés aussi bien sur le plan professionnel que personnel, notamment en matière de santé et de protection des données personnelles, mais aussi de bien définir les obligations des patrons d’entreprise. Quant aux mesures à prendre pour règlementer le télétravail, Me Roudane estime que le Maroc gagnerait beaucoup à adopter des lignes directrices détaillées.
«Ces lignes directrices devraient définir les conditions de recours au télétravail, les droits et obligations des salariés et des employeurs, ainsi que les modalités de contrôle et de suivi du travail à distance. En règlementant le télétravail de manière exhaustive, le Maroc pourrait non seulement assurer une protection juridique adéquate pour les travailleurs, mais aussi favoriser l'équité et l'égalité des droits. Une telle initiative contribuerait à accompagner le pays dans l'adaptation aux nouvelles dynamiques du monde professionnel, renforçant ainsi son attractivité en matière d'investissement et de développement économique», estime-t-elle.
En outre, d'autres inconvénients ont été relevés par les participants au sondage du CESE concernant par exemple les difficultés d'encadrement et d'orientation (26,5%) ainsi que le sentiment d'isolement par rapport à l'environnement du travail (26,2%). In fine, pour ce qui est des dispositions à prendre pour optimiser le télétravail, 61,7% ont appelé à la formation aux outils techniques et digitaux indispensables, tandis que 60% ont jugé primordial la mise en place d’une couverture/assurance des accidents de travail et des maladies professionnels liés à ce mode de travail.