Virulente diatribe de la Confédération marocaine de TPE-PME contre l’Observatoire marocain de la TPME.
La définition de la TPE est toujours sujette à caution et reste source de polémiques.
Persistance de la problématique liée à l’accès au financement des TPE.
25.000 TPE ont mis la clé sous la porte en 2022.
Par D. William
La Confédération marocaine de TPE-PME est sortie de ses gonds. C’est le moins que l’on puisse dire à la lecture du communiqué virulent rendu public le week-end dernier, où elle tire à boulets rouges sur l’Observatoire marocain de la TPME (OMTPME,) à qui elle reproche : • la publication de «données erronées qui ne reflètent nullement la réalité»; • une «définition erronée de la TPME»; • le fait d’affirmer que 45% des TPME bénéficient de l’encours total des crédits, ce qui «n’est pas vrai».
Toutes ces données erronées seraient utilisées par les ministères et administrations pour initier des actions qui, au final, vont «porter atteinte à l’intérêt» des TPE, selon la Confédération. Qui dénonce un écosystème entepreneurial «monopolisé par les grandes entreprises du patronat», mais également par les «cabinets et associations qui faussent les données» à la faveur du patronat. Elle fustige également tour à tour l’augmentation de l’IS, le manque d’accompagnement du gouvernement, ou encore le laxisme des autorités au niveau régional.
Bref, cette virulente diatribe contre l’Observatoire et tous ces acteurs concernés par l’écosystème des TPME laisse vaguement sous-entendre qu’il y aurait une «entente», voire une «conspiration» visant à asphyxier ces petites entités, qui constituent 95% du tissu productif national. Ce qui est dénué de sens, au regard notamment des membres qui composent l’Observatoire et de la mission qui lui est dévolue. Créé en novembre 2013 sous forme d’une association à but non lucratif, il a pour principale mission de centraliser les données et les informations sur l'environnement des TPME sur le plan national et régional.
Objectif : fournir des données fiables et régulières sur les TPME au Maroc et établir des indicateurs quantitatifs et qualitatifs sur les conditions de leur accès au financement bancaire et aux mécanismes d'accompagnement. Ses membres fondateurs représentent les secteurs public et privé. Comme précisé dans son rapport annuel 2020- 2021, le Conseil d’administration, présidé par le wali de Bank Al-Maghrib, est composé des membres fondateurs suivants: le ministre de l’Industrie et du Commerce, le ministre de l’Economie et des Finances représenté par le DG de la Douane, la directrice du Trésor et des Finances extérieures, et par le directeur des Etudes et des Prévisions financières; le SG du haut-commissariat au Plan; le DG de la CNSS et le DG de l’OMPIC.
Le CA comprend également le DG de Tamwilcom, le DG de Maroc PME, le président du GPBM, le président de la CGEM. S’y sont ajoutés deux nouveaux membres en novembre 2021, à savoir la ministre de la Transition numérique et de la Réforme de l’Administration et le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences. On ne peut adhérer à l’idée que toutes ces compétences représentant différentes entités du public et du privé sont de connivence et se sont liguées contre les TPE en particulier.
Là où la Confédération a raison
La Confédération marocaine de TPE-PME remet en perspective deux problématiques auxquelles il est difficile de ne pas souscrire : la définition de la TPE et les difficultés d’accès au financement. La première est toujours sujette à débat. Et selon les indicateurs pris en compte, l’analyse autour de ces petites structures et de leur impact sur le tissu économique national peut être biaisée. «L’OMTPME définit la TPE suivant un chiffre d’affaires entre 3 millions de DH et 10 millions de DH. Ce qui rend le nombre de ces entreprises très minimes…», affirme la Confédération.
Or, selon elle, «la définition réelle de la TPE marocaine est l’entreprise qui fait un chiffre d’affaires de moins de 3 millions de DH et qui emploie moins de 10 personnes», précisant que «cette définition a été élaborée suite à un consensus lors de l’élaboration de la Stratégie TPE de 2012 à 2013, et qui a été lancée le 17 mai 2013 à Rabat, en présence de 8 ministres, et de presque tous les partenaires de la TPE, y compris notre Confédération marocaine de TPE- PME».
Ce qui correspond à environ «4 millions d’entreprises formelles et informelles». Notons que le ministère de l’Industrie et du Commerce définit les TPE comme celles qui emploient moins de 5 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 3 millions de dirhams : elles représentent plus de la moitié des sociétés immatriculées au registre central du commerce.
Concernant l’accès au financement, il a toujours été décrié par les TPME. Tout en dénonçant l’arrêt du crédit de restructuration lancé en 2014, la Confédération estime que tant les TPE que les PME trouvent des difficultés à se financer, encore davantage dans cette conjoncture caractérisée par les hausses successives du taux directeur. D’ailleurs, l’enquête nationale du haut-commissariat au Plan publiée en novembre 2019 montre que les TPME sont les plus confrontées aux difficultés d’accès au financement, qui constituent un obstacle majeur pour 40% d’entre elles.
Il ressort aussi de l’enquête que 58% des chefs d'entreprise se disent insatisfaits des services offerts par les institutions financières. Un mécontentement bien plus accentué chez les TPE, avec un taux de 63%. De même, 35% des entreprises ont demandé un crédit auprès d’une institution bancaire au cours des trois dernières années précédant l’enquête. Et il est établi que le taux d’intérêt élevé (40%) ainsi que les garanties exigées par les banques (34%) sont les principaux freins à la demande de crédit.
Depuis toujours, banques et TPME se renvoient la balle : les premières, soumises au respect de normes prudentielles de plus en plus contraignantes et à des impératifs de rentabilité, reprochent aux secondes leur sous-capitalisation et leur manque de transparence, alors que les entreprises stigmatisent les banques qui ont tendance à avoir des exigences drastiques en termes de garantie qui limitent leur accès au financement.
Dialogue de sourds ?
A l’évidence oui. Une chose est sûre : si elles constituent 95% du tissu économique national, les TPME restent pour la plupart très fragiles et sont les premières à trinquer en période de crise, comme ce fut le cas lors de la pandémie. Selon la Confédération, près de 20.000 TPE ont fait faillite en 2021, 25.000 d’entre elles ont mis la clé sous la porte en 2022 et 250.000 sont toujours menacées de faillite à cause des effets de la crise liée à la pandémie, dont la majorité peine à se relever.