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Vaccin anti-Covid-19: Qui s’occupe des SDF ?

Vaccin anti-Covid-19: Qui s’occupe des SDF ?

 

En l’absence de chiffres récents concernant les sans-abris au Maroc (les derniers chiffres remontent à 2014), tout ce que les uns et les autres avancent, relève tout bonnement de l’interprétation et de l’approximation.

Les statistiques réalisées par le haut-commissariat au Plan (HCP) remontent à 7 ans. Elles font état de 7.226 sans-abris dans tout le Maroc. Inutile de souligner ici que ce chiffre est très loin de toutes les réalités du terrain. Certaines sources avancent plus de 8.000 SDF juste dans la région du Nord du pays. Reste que pour de nombreuses associations qui quadrillent le terrain, ce chiffre peut être multiplié par dix, au meilleur des cas.

D’autres sources avancent, à titre d'exemple, qu'il y aurait presque 3.000 sans-abris à Casablanca. Pourtant, il suffit de prendre le temps de sillonner les quartiers de la mégapole de Ahl Loghlam à Dar Bouazza, de Bouskoura à l’ancienne médina pour se rendre compte que les chiffres sont de loin plus importants que ce qu'on peut lire ici et là. Sans aucun recensement effectif ni aucune étude sérieuse de terrain, qui a pris le temps de cerner la problématique en apportant des statistiques crédibles et rationnelles ?

Quoi qu’il en soit, quelle est aujourd’hui la situation des SDF face à la Covid-19 ? Quelle place occupent-ils sur l’échiquier des plans de vaccination des populations ? Loin d’être le Danemark dont la classe politique s’est concertée très vite pour vacciner en priorité les SDF, au Maroc, nous sommes très loin du compte. En dehors de cette annonce faite en mars 2020, au début du confinement, quand le gouvernement marocain avait lancé une initiative d’hébergement des personnes sans domicile fixe dans des villes comme Casablanca, Rabat, Kénitra, Tanger, Oujda et Agadir, sur les 8 millions de Marocains vaccinés, combien y a-t-il de SDF ? Un début de réponse nous est donné par un sans-abri qui dort à côté de la CTM, pas loin du port de Casablanca et, comble de l’ironie, à quelques encablures du centre de vaccination de Sidi Belyout.

«J’ai passé l’hiver ici et j’ai une place dans ce parking où il m’arrive de dormir. Je vis de ce que les gens me donnent. Mais quand les cafés et les snacks étaient fermés, c’était très dur. Il m’est arrivé de ne pas manger pendant deux jours. Même boire était difficile. Comme vous le voyez, je porte un masque sale que je n’ai pas changé depuis qu’un automobiliste me l’a donné au feu rouge où je demandais l’aumône. Il m’arrive de tousser et d’être très fatigué, mais je ne sais pas si je suis malade ou pas. Et comme je n’ai pas de carte d’identité, un agent des forces auxiliaires m’a expliqué que je ne peux pas me faire vacciner si je n’ai pas ma CIN. Alors, j’ai laissé tomber. Le plus important pour moi, c’est de trouver un morceau à manger. Le vaccin, je m’en fous», confie, Aziz, 42 ans, originaire de Benslimane, vivant dans la rue depuis 20 ans. Il n’a jamais été à l’école. Il n’a jamais séjourné dans un centre pour SDF. Amaigri et très sale, il se balade, sa couverture éculée sur le dos.

C’est toute sa fortune. C’est le même son de cloche à Al Antaria, à Hay Mohammadi, où survit Moui Rabiaâ, une vieille dame de plus de 70 ans (elle ne connaît pas sa date de naissance). Chétive, enveloppée dans sa djellaba grise, elle ne porte pas de masque. Elle dit avoir été très malade en janvier, puis elle a pu récupérer grâce à l’aide des voisins qui lui donnent à manger et à boire : «J’ai été très malade. Je toussais et je vomissais. J’avais aussi de la fièvre (Skhana). Ça a duré dix jours. Puis, j’ai guéri petit à petit. Le plus dur est de dormir dans la rue sur ces cartons. Les gens me connaissent ici. Ça fait quinze ans que je rôde dans le coin. Je dors à côté de l’autoroute. Les gardiens font attention à moi. Je demande la charité pour manger et boire, mais souvent, ce sont les passants qui me nourrissent».

Et pour le vaccin ? «Je n’en ai pas besoin. J’ai été malade et je suis guérie. C’est Dieu qui décide», conclut-elle avec fatalisme. Ils sont des centaines, voire des milliers dans la même situation que cette femme. Ils ont peut-être contracté le virus et ils ont pu dépasser le danger et la mort. Certains témoignages font état de plusieurs décès dans la rue. Est-ce à cause du coronavirus ? Est-ce à cause d’une autre pathologie ?

Personne ne peut le dire tant que ces milliers de Marocains sont laissés-pour- compte et ignorés par toutes les mesures sanitaires mises en place depuis le début de la pandémie en février 2020. Dans le tas, nous avons pu rencontrer des jeunes vivant dans la rue, drogués et désespérés. Hamid a 15 ans. Il vient de Salé. Cela fait deux ans qu’il rôde à côté de la Marina. Son unique souci est de ne pas se faire rafler par la police. Il occupe un périmètre réduit et dort sur la jetée au milieu des rochers. A-t-il entendu parler, par ses copains SDF d’un centre pour se faire soigner ou se faire vacciner : «Jamais. J’ai juste peur qu’on m’arrête et qu’on m’envoie en prison pour vagabondage et consommation de cannabis.»

Et le vaccin ? Et le coronavirus ? «Ce sont des conneries. Tous les clochards comme moi sont en bonne santé. Personne n’est encore mort, c’est la preuve que c’est des foutaises». Pour de nombreux cas, la maladie est juste un mythe urbain devant l’absence d’une réelle campagne de sensibilisation et d’information destinée à cette catégorie sociale à la fois marginalisée, fragilisée et oubliée. Alors, à quand une profonde prise de conscience de la part des autorités pour faire de la vaccination des SDF une priorité sanitaire ? Précisons que pour avoir un éclairage sur ce que l’Etat a prévu pour les sans–abris, nous avons tenté de contacter les ministères de tutelle. nos sollicitations sont restées vaines.

 

 

Sans-abris au Maroc : Les chiffres du HCP datant de 2014

Le Maroc compte 7.226 sans-abris, dont 13,3% de femmes, d’après les chiffres de 2014 du haut-commissariat au Plan (HCP) communiqués à l’occasion de la Journée mondiale de l’habitat tenue le 2 octobre. Les 7 chiffres à retenir.

• 13,3 % des sans-abris sont des femmes contre 86,7% pour les hommes.

• 24,4% des SDF de la région de Casablanca-Settat sont des femmes. Dans les régions de Rabat-Salé-Kénitra, l’Oriental, Marrakech-Safi et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, elles représentent respectivement 13%, 12,9%, 10,8% et 8,7%.

• 60,1% des femmes sans-abris sont analphabètes contre 42,8% pour les hommes. De manière générale, 45,5% des sans-abris n’ont aucun niveau d’instruction. 32,9% ont un niveau primaire, 19% issus du secondaire et 2,6% ont fait des études supérieures.

• 28,4% des sans domicile fixe en situation de handicap sont des femmes. Au total, 32% des sans-abris souffrent de handicap.

• 77,5% des sans-abris sont des adultes (femmes et hommes) âgés de 20 à 59 ans. 6% sont des enfants de moins de 15 ans et 6,7% ont entre 15 et 19 ans. Quant aux personnes âgées de 70 ans et plus, elles représentent 3,8%.

• 75% des sans-abris, tous sexes confondus, sont célibataires, 15,2% sont mariés. Les divorcés et les veufs représentent respectivement 7,5% et 2,3%.

• 91,6% des personnes sans domicile fixe sont Marocaines. Le reste, 8,2% sont des étrangers d’origine subsaharienne et une infime minorité provient d’autres régions du monde, indique le HCP sans en dire davantage.


 

Par AbdelhaK Najib. Écrivain-journaliste

 

 

 

 

 

 

 

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