A l’issue du vote tenu samedi en Algérie, Abdelmadjid Tebboune, 78 ans, a été réélu pour un nouveau mandat en remportant, selon les chiffres provisoires officiels, près de 95% des suffrages.
Il rempile donc, mais à quel prix ? Avec une participation en deçà de 50%, sa réélection laisse un goût amer dans une Algérie qui semble fatiguée, désillusionnée par une politique qui n’a su offrir ni perspectives nouvelles ni souffle démocratique véritable.
Le président sortant, malgré une campagne terne et peu inspirée, s’assure un second mandat grâce à un système électoral et des alliances politiques verrouillés, mais dépourvues d’une véritable adhésion populaire.
Le faible taux de participation sonne comme un désaveu silencieux, mais très bruyant. Il rappelle l’abstention record de 2019, où seulement 39,83 % des électeurs avaient choisi de se prononcer, dans une Algérie secouée par le Hirak.
Ce mouvement, qui avait forcé la chute de l’ancien président Bouteflika, avait soulevé l’espoir d’un renouveau politique et démocratique. Aujourd’hui, cet espoir semble étouffé, enseveli sous la répression et le désenchantement.
Les Algériens, ces cocus !
Tebboune a fait des Algériens de parfaits cocus, en leur faisant des promesses mirobolantes, voire loufoques et ridicules, dont certaines ont provoqué rires sous cape et hilarité tant en interne qu’à l’étranger.
C’est le cas lorsqu’il a affirmé que l’Algérie, qui dispose de réserves de phosphates estimées à 2,2 milliards de tonnes, pour une production de 1,8 million de tonnes en 2022, va se hisser au rang de premier producteur de phosphate en Afrique, voire dans le monde, où il est assuré d’occuper au moins la 2ème ou 3ème place.
C’est le cas, également, lorsqu’il a dit, lors de son intervention à la 78ème Assemblée générale de l'ONU, devant un auditoire médusé, que l’Algérie allait produire 1,3 milliard de m3 d'eau potable par jour d'ici fin 2024 grâce au dessalement de l’eau de mer.
Mais à force de mensonges, de promesses non tenues et de discours creux, le président sortant risque de se retrouver avec un pays difficile à gouverner, où la défiance envers les institutions est devenue la norme.
Les Algériens se sentent de plus en plus déconnectés d’un leadership perçu comme vieillissant et déconnecté des réalités de la jeunesse.
Les rivaux de Tebboune, Abdelaali Hassani et Youcef Aouchiche, n’ont pas su faire mieux, leurs campagnes n’ayant pas réussi à captiver l’électorat.
Face à un président largement favori et bénéficiant du soutien des principales formations politiques, leur présence a souvent semblé plus symbolique qu’autre chose.
En cela, le scrutin de 2024 ne marque pas seulement la réélection de Tebboune; il marque également la continuité d’un système politique verrouillé où les promesses de changement peinent à prendre forme.
C’est dire que Tebboune entame son nouveau mandat avec un lourd déficit de légitimité. S’il veut éviter de transformer son prochain quinquennat en une longue agonie politique, il devra revoir ses méthodes de gouvernance et, surtout, écouter ce peuple algérien qui, bien que silencieux dans les urnes, reste profondément en quête de changement.
Le Hirak, bien qu’étouffé, a prouvé que la soif de démocratie ne se laisse pas museler si facilement. L’histoire nous enseigne que les réformes superficielles ne suffiront pas à apaiser les aspirations d’un peuple qui, de plus en plus, demande à être entendu, respecté et représenté.
Les prochains mois seront déterminants pour Tebboune, car une victoire avec moins de la moitié des voix, c’est un triomphe fragile, à la merci de la moindre étincelle de contestation.
L’essentiel n’est pas simplement de gagner des élections : il s’agit de conquérir les cœurs et les esprits d’une nation qui mérite bien plus qu’un retour à la case départ.
F. Ouriaghli