Commençons par rappeler la teneur de l’un des discours du Roi Mohammed VI. Il s’agit d’un message adressé aux participants à la Conférence de lancement du Forum africain des investisseurs souverains «ASIF», tenue à Rabat le 20 juin 2022.
«(…) Il nous appartient à nous tous, pays africains, de nous saisir de notre destinée et d’œuvrer, individuellement et de concert, à transformer nos ressources et nos potentialités en réalisations prometteuses pour nos citoyens et nos générations futures. Alors que s’offrent aujourd’hui à l’Afrique, des opportunités sans équivalent, en particulier dans les secteurs de l’économie verte, de l’économie bleue et du numérique, notre continent se doit de poursuivre ses efforts pour relever les multiples défis liés à sa souveraineté alimentaire et sanitaire, à ses besoins en infrastructures et à la valorisation de ses ressources naturelles et de ses richesses (…) Il est aujourd’hui temps que l’Afrique puisse s’affirmer, prendre son destin en main et occuper le rang qui lui échoit. La perception du reste du monde de l’Afrique doit évoluer irrémédiablement. N’est-il pas le continent du 21ème siècle ? Celui qui abritera un quart de la population mondiale à l’horizon 2050, qui plus est une population jeune et créative. Celui qui constituera un marché de plus de 1,2 milliard de personnes et un PIB cumulé de plus de 3.400 milliards de dollars à l’opérationnalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine».
Espoir confisqué
C’est un véritable message d’espoir qu’a délivré le Souverain. Mais cet espoir de voir une Afrique renouvelée, sur les sentiers du développement, est constamment confisqué par ses dirigeants.
Et c’est exactement ce qui se passe au Soudan, où les militaires bandent les muscles et font tonner les armes. Avec pour conséquences de terribles drames humains, économiques et sociaux.
Les affrontements entre l’armée régulière, dirigée par Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide, de Mohamed Hamdan Daglo, ont déjà fait plus de 400 morts et plus de 3.500 blessés, selon l'Organisation mondiale de la santé. Plusieurs familles sont prises au piège des combats entre ces deux factions rivales, n’ayant peu ou plus d’accès à l'électricité, l'eau, la nourriture et les médicaments. Tout cela pourquoi : la soif de pouvoir de ces dirigeants charognards.
La soif de pouvoir, c’est l’un des fléaux les plus dévastateurs qui frappe l’Afrique, débouchant le plus souvent sur des chouanneries meurtrières dont les peuples se relèvent difficilement.
Cette instabilité chronique est un sérieux rempart au développement du continent, parce que ces troubles politiques viennent aggraver les défis socioéconomiques structurels auxquels il fait face.
De quoi enrayer cette logique géostratégique mondiale qui devrait placer l’Afrique au centre des intérêts économiques ?
Pas forcément. Car, en période de troubles, d’autres charognards en profitent pour rebattre les cartes et se repositionner dans le continent, devenu le terrain de jeu économique et politique favori des puissances étrangères.
Croyez-vous que celles qui gesticulent actuellement pour appeler à l’arrêt des hostilités au Soudan le font parce qu’elles se soucient des populations locales ? Non, elles préservent plutôt leurs intérêts stratégiques et économiques. C’est l’exemple de la Chine qui a appelé à un «cessez-le-feu» : elle importe les 2/3 des 85.000 barils de pétrole produits chaque jour par le Soudan et reste le plus grand partenaire commercial de ce pays, avec 2,5 milliards de dollars échangés en 2021.
De son côté, la Russie, qui multiplie elle aussi les appels au cessez-le-feu, souhaite consolider sa présence dans le pays en construisant une base militaire à Port-Soudan, sur la mer rouge. Elle est appuyée par le Groupe paramilitaire Wagner qui veut étendre l’influence russe dans la région.
Parallèlement, les USA, qui apportent chaque année un soutien financier conséquent au Soudan, veut contrer l’influence croissante de la Russie et de la Chine.
Bref, pendant que al-Burhane et Daglo plongent le Soudan dans le chaos, les puissances étrangères, au gré d’une arithmétique politicienne mesquine, se bousculent pour placer leurs pions et mieux s’accaparer les richesses du pays. C’est comme ça dans tous ces pays africains victimes de l’avidité et de la convoitise de leurs dirigeants.
F. Ouriaghli