L’opinion publique en émoi après les propos racistes du président tunisien sur les migrants.
L’Union africaine condamne, le Parlement européen, si prompt à se défouler sur le Maroc, est étrangement muet.
En matière de politique migratoire, la Tunisie et l’Algérie gagneraient à s’inspirer du Maroc.
Le président tunisien, Kais Saied, défraie la chronique depuis le jeudi 22 février. Il s’est illustré d’une bien piteuse façon, en appelant à des «mesures urgentes» pour mettre fin et «au plus vite» au phénomène de l'afflux massif de migrants irréguliers de l'Afrique subsaharienne vers la Tunisie.
Cité dans un communiqué de la présidence tunisienne, Saied, qui présidait une réunion du Conseil de la sécurité nationale, a appelé les autorités à agir «à tous les niveaux, diplomatiques sécuritaires et militaires» pour faire face à cette immigration et à «une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières». Cette sortie intervient étonnamment une semaine après qu’une vingtaine d’ONG tunisiennes et internationales actives en Tunisie ont dénoncé les violations des droits de l'Homme dont sont victimes les migrants originaires d'Afrique subsaharienne en Tunisie. Dans un communiqué conjoint, ces ONG appellent les autorités tunisiennes à lutter contre les discours de haine, la discrimination et le racisme envers cette catégorie, ainsi qu'à intervenir en cas d'urgence pour garantir la dignité et les droits des migrants. Elles condamnent, de fait, les arrestations arbitraires visant les personnes migrantes d'Afrique subsaharienne et appellent le gouvernement tunisien à respecter ses engagements envers la mise en œuvre des accords internationaux relatifs aux droits des travailleurs migrants et des réfugiés. Selon le communiqué, «ces derniers jours, plus de 300 migrants ont été arrêtés, placés en garde à vue et déférés devant la justice. Ils ont été arrêtés à la suite d'un contrôle d'identité «au faciès» ou même à la suite de leur présence devant les tribunaux en soutien à leurs proches».
Racisme d’Etat
Quand ces ONG publiaient ce communiqué, appelant les «autorités tunisiennes à lutter contre les discours de haine», elles ne se doutaient certainement pas que le discours raciste allait être porté, quelques jours plus tard, par le président tunisien, himself. Cela procède d’un racisme d’Etat. Ce qui a entrainé un véritable tollé au sein de l’opinion publique. «Le discours du président sur les mesures urgentes visant à mettre fin à l'afflux massif des migrants irréguliers de l'Afrique subsaharienne vers la Tunisie, constitue une atteinte aux conventions internationales sur la protection des migrants et à la législation en vigueur sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale», ont déploré des membres de la société civile. Pour Nabila Hamza, membre du comité directeur de l'association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), le discours du président tunisien comprend une «incitation à la haine» et à «la discrimination raciale contre les migrants africains». «Un grand nombre de migrants venus de l'Afrique subsaharienne sont arrivés en Tunisie de manière légale, dont notamment des étudiants, investisseurs et autres», fait-elle valoir. Elle dénonce en outre «les campagnes d'arrestation anarchiques» par des sécuritaires contre des dizaines de migrants africains, sur la base de la «race ou la couleur de peau», relevant que ces pratiques font «honte à la Tunisie».
L’Union africaine a aussi vigoureusement réagi. Dans un communiqué publié samedi, le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, «condamne fermement les déclarations choquantes faites par les autorités tunisiennes contre des compatriotes Africains, qui vont à l'encontre de la lettre et de l'esprit de notre Organisation et de nos principes fondateurs». A ce titre, le président «rappelle à tous les pays, en particulier aux États membres de l'Union africaine, qu'ils doivent honorer les obligations qui leur incombent en vertu du droit international et des instruments pertinents de l'Union africaine, à savoir traiter tous les migrants avec dignité, d'où qu'ils viennent, s'abstenir de tout discours haineux à caractère raciste susceptible de nuire aux personnes, et accorder la priorité à leur sécurité et à leurs droits fondamentaux», souligne le communiqué.
Où est le Parlement européen ?
Le Parlement européen, si prompt à brailler et à s’immiscer dans les affaires internes du Maroc, a bien là de quoi s’occuper. Alors, fustigera-t-il la Tunisie et les propos honteux portés par son président ? Condamnera-t-il les violations des droits de l’Homme dont sont victimes les Subsahariens dans ce pays ? Dénoncera-t-il les violations des conventions internationales par ce pays ?
Permettez-nous d’en douter. Simplement parce que l’alliée de circonstance actuel de la Tunisie, l’Algérie pour ne pas la citer, fait autant, sinon pire. Et en toute impunité, sous le regard approbateur de ces eurodéputés qui veulent s’ériger en donneurs de leçons.
Rappelons qu’il y a quelques années, l'Algérie avait organisé une vaste opération d'expulsion de migrants subsahariens, «dans un contexte de violence et de brutalité qui choque la conscience universelle», dénonçait une coalition d’ONG africaines actives à Genève. Des ONG européennes et des organismes de défense des droits de l’Homme avaient même saisi les instances onusiennes et la communauté internationale pour dénoncer le traitement dégradant et inhumain infligé par les autorités algériennes aux migrants subsahariens. Dans des opérations menées de manière organisée par les autorités algériennes, des centaines de migrants arrêtés arbitrairement avaient été abandonnés en plein désert dans la zone frontalière au sud du pays pour les inciter à quitter le territoire.
Voilà des sujets sur lesquels les eurodéputés devraient se pencher, au lieu de mener une sale cabale contre le Maroc. Un pays qui, pas plus tard que ce 17 février, a vu ses efforts continus dans le domaine de la migration salués par des experts internationaux, à l’occasion du pré-Forum mondial des droits de l’Homme. Intervenant lors d’une session thématique consacrée à l'examen de la question de la migration et de la mobilité humaine, le représentant du haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Maroc (UNHCR), François Reybet-Degat, a en effet mis en avant les efforts consentis par le Royaume pour la protection des droits des réfugiés résidant au Maroc, notamment au cours des dernières années. Pour sa part, le professeur à l’université Pompeu Fabra en Espagne et Senior Fellow au Policy Center for the New South (PCNS), Ivan Martin, a souligné que le Maroc entreprend de grands efforts dans le domaine de la migration, grâce à la Stratégie nationale d'immigration et d'asile, qui s'inscrit dans le cadre d'une approche humanitaire et globale visant à favoriser l'accès des réfugiés à l'éducation et au marché du travail.
«De nos jours, tous les pays doivent adopter des politiques de migration et de protection des migrants, en plus du pacte sur la migration», a-t-il ajouté. Ce que ne font ni l’Algérie ni la Tunisie. Pays qui gagneraient à s’inspirer du Maroc et de la politique migratoire initiée par le Roi Mohammed VI. «Le Maroc compte parmi les premiers pays du Sud à avoir adopté une politique solidaire authentique pour accueillir les migrants subsahariens, selon une approche humaine intégrée, qui protège leurs droits et préserve leurs dignité», avait déclaré le Souverain dans son discours du 20 aout 2016, à l'occasion de la fête de la Révolution du Roi et du Peuple.
F. Ouriaghli