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Crise politique: Rififi dans la maison PJD !

Crise politique: Rififi dans la maison PJD !

 

A coups de démissions, les cadres portent sur la place publique les dissensions profondes au sein du parti.

A 7 mois des législatives, Saad Eddine El Otmani est dans une bien mauvaise posture.

 

Par D. William

 

Le Parti de la justice et du développement est-il en train d’imploser ? En l’espace d’une journée, deux ténors du parti de la lampe ont posé sur la table leur démission. Le vendredi 26 février, c’est le ministre d’Etat chargé des Droits de l’Homme et des Relations avec le Parlement, Mustafa Ramid, qui a choisi de quitter le gouvernement, pour des raisons de santé. Le même jour, la démission de Driss El Azami est portée sur la place publique.

Le maire de Fès et député à la Chambre des représentants a en effet démissionné de la présidence du Conseil national du PJD et quitté le secrétariat général de la formation politique. Parmi les arguments présentés par El Azami pour justifier son départ soudain, on peut lire en filigrane la trajectoire que prend désormais le parti, contraire à ses principes, ses références idéologiques, mais aussi ses fondements.

Ces démissions successives traduisent-elles un profond malaise au sein du PJD ? Répondre par la négative serait faire preuve de déni. Même si Mustafa Ramid, qui est revenu sur sa décision suite à «un appel du Roi», a justifié sa démission par le fait qu’il soit malade, ces deux coups d’éclat révèlent globalement les dissensions profondes qui existent au sein des islamistes depuis plusieurs mois déjà.

En effet, les frondes au sein du PJD ne datent pas de maintenant. C’est la crise sanitaire, qui a mobilisé toutes les énergies et focalisé tous les débats, qui a fait taire les esprits rebelles.

De l’élection de El Otmani à la légalisation du cannabis

Les premières tensions sont apparues avec la nomination de Saad Eddine El Otmani en tant que chef de gouvernement, en remplacement de Abdelilah Benkirane, incapable de former une majorité gouvernementale.

Le parti de la lampe s’est dès lors divisé en deux camps : les pro-Benkirane et les pro-El Otmani. Les premiers remettaient en cause la légitimité de El Otmani, voire le comparaient presque à un usurpateur de fonction, tandis que les seconds reprochaient à Benkirane un entêtement coupable qui a plongé le Maroc dans une profonde crise politique.

Malgré une éviction qu’il n’a pas digérée, Benkirane n’a pas pour autant baissé les bras. Très rancunier, il a fait des réseaux sociaux sa caisse de résonnance pour s’ériger en opposant virulent de son «camarade» de parti.

C’est un truisme d’affirmer qu’il a essayé, depuis qu’il a été écarté, de torpiller le mandat du chef du gouvernement, auquel on savonne la route même au sein de la majorité qu’il a formée au forceps. Il faut aussi dire que les dossiers à controverse sont nombreux au sein de la formation de la lampe. Rappelons-nous la loi-cadre relative au système d’éducation, notamment l’enseignement des matières scientifiques en langues étrangères, particulièrement en français.

Elle a créé de profondes scissions au sein du parti, les opposants à cette réforme ayant brandi l’argutie identitaire pour décrier la «francisation» des matières scientifiques… au détriment de l’arabe. Benkirane avait même intimé à El Otmani de démissionner, car, pour lui, c’est un affront d’utiliser «la langue du colonisateur» pour enseigner les matières scientifiques. Rappelons-nous encore la normalisation des relations entre le Maroc et Israël qui, là encore, a divisé la maison PJD, poussant certains à demander d’évincer le SG du parti et chef de gouvernement, El Otmani.

Enfin, rappelons-nous, plus récemment, le projet de loi portant usage légal du cannabis au Maroc à des fins thérapeutiques, autre source de dissidences et dont l’un des plus fervents détracteurs n’est autre… que Benkirane. «Le PJD traverse de fortes turbulences ces derniers temps. Le parti a été contraint de faire des compromis à propos de sujets sur lesquels il était farouchement opposé, à commencer par la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, la légalisation du cannabis ou encore les réformes du code électoral, notamment la partie liée au quotient électoral», analyse le politologue Mohamed Belmir.

«Face à la montée des contestations qui ont porté un coup à l’image du parti, chef de file du gouvernement, et à l’approche des élections, certains cadres du PJD jouent la carte de la démission pour garder une certaine notoriété auprès de leur assise populaire», conclut-il. Oui, la maison PJD prend feu. Ce qui n’est pas de bon augure à quelques encablures des législatives 2021.

Si le PJD a remporté deux fois de suite les élections, c’est parce qu’il affichait comme valeur cardinale son unité, portée par une base qui soutenait à l’unisson les cadres du parti. Aujourd’hui, cette unité a volé en éclats, les tensions sont extrêmes et des clans se font formés sur fond de guéguerre idéologique.

Difficile, dans ces conditions, d’aborder sereinement les prochaines échéances électorales. Dès lors, l’urgence pour Saad Eddine El Otmani qui, depuis qu’il chapeaute l’Exécutif, ménage la chèvre (ses partisans) et le chou (la majorité), est de remettre de l’ordre dans le désordre. C’est pourquoi il a déjà commencé à courtiser El Azami afin qu’il revienne sur sa décision. Suffisant pour éteindre l’incendie ?

Peu sûr, car quand bien même El Otmani réussit à le convaincre, il ne pourra effacer les stigmates d’une crise si aigue et si profonde à seulement 7 mois des législatives. Une situation qui, l’on s’en doute, ravit l’opposition.

 

 

 

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