La Chambre des représentants a adopté à la majorité, mercredi en deuxième lecture lors d'une session législative, le projet de loi organique n° 97.15 fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève.
Le projet de loi a été approuvé par 84 voix pour et 20 voix contre, sans aucune abstention.
Voici les principales nouveautés et les amendements de fond apportés à ce projet, selon des données du ministère de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences :
- Adopté à l’unanimité, le premier article de cette loi a été largement développé, conformément à la volonté des syndicats. Le point majeur apporté stipule qu'"en cas de conflit entre les législations en vigueur, la priorité est accordée aux dispositions en faveur des travailleurs et des syndicats". Cet amendement a été présenté par le gouvernement lors de la séance plénière de mardi.
- Le deuxième article porte sur la définition : En réponse aux modifications proposées par les syndicats, deux amendements de fond ont été introduits, à savoir la possibilité d'organiser une grève pour défendre aussi bien les intérêts directs qu'indirects des travailleurs. Ainsi, les grèves de solidarité et celles à caractère politique sont désormais possibles par loi et sans équivoque.
Le deuxième amendement de fond dans cet article porte sur l’élargissement du droit de grève à la défense des intérêts moraux et pas uniquement les intérêts matériels, comme ce fut le cas dans la version adoptée par la Chambre des représentants. Cet amendement permet d'inscrire les libertés syndicales, la dignité et les différentes formes d’intérêts moraux parmi les motifs de grève. De ce fait, la définition de la grève dans la législation marocaine est conforme à celle de l'Organisation Internationale du Travail (OIT).
A préciser que l'amendement proposé par le mouvement syndical visant à autoriser les grèves d’une durée illimitée n’a pas été retenu, sachant qu'il contredit la définition de l'OIT qui considère la grève comme une cessation temporaire du travail.
- Le quatrième article qui a été adopté à l’unanimité par la Chambre des représentants n'a pas été modifié. Pour rappel, cet article a élargi les catégories pouvant exercer le droit de grève.
Dans la version de 2016, ce droit était limité aux salariés du secteur privé et aux fonctionnaires du secteur public. Désormais, il inclut toutes les catégories professionnelles, ainsi que les travailleurs domestiques, les travailleurs indépendants et les non-salariés.
- Concernant les délais, la version de 2016 portait sur un délai de 30 jours pour la négociation obligatoire avant d'observer une grève, ce qui a été estimée par les syndicats comme une entrave à ce droit. La Chambre des représentants avait voté alors en faveur d'un délai de négociation de 10 jours au lieu de 30, en cas de grève sur des questions litigieuses dans le secteur privé, ce qui représente 95% des cas de grève.
A la Chambre des conseillers, la durée a été réduite à 7 jours. Toutefois, en cas de "danger imminent", les délais ont été réduits à 3 jours à l'immédiat en plus de charger l'inspecteur de travail de fournir les preuves, conformément aux dispositions du Code du travail.
- S'agissant du cas de grève pour une hausse des salaires dans le secteur privé, un délai de 15 jours renouvelables une fois a été fixé (étant donné que l'employeur est obligé de réunir le conseil d'administration pour prendre décider de l'augmentation des salaires, et de respecter le délai de 15 jours au minimum pour réunir le conseil).
Pour ce qui est de la revendication de revalorisation des salaires dans le secteur public, un délai de 45 jours pouvant être prolongé a été fixé, étant donné que les négociations requièrent l'implication de plusieurs départements, dont le ministère des Finances et de l'Administration publique, ou même le Département du Chef de gouvernement, en cas de besoin d'arbitrage.
- Au sujet des délais de notification, ils ont été réduit de 15 jours en 2016 à 7 dans la version de la Chambre des représentants, et à 5 jours dans celle de la Chambre des conseillers, exception faite de la grève nationale, pour laquelle un délai de notification de 7 jours a été maintenu.
- En vertu des amendements pour la protection du droit de grève, l'employeur ne peut entraver ce droit de n'importe quelle manière que ce soit, ou de licencier, révoquer et se venger des grévistes ou encore de faire des sous traitances, sous des peines allant de 20.000 à 200.000 Dirhams (dans la version de la Chambre des représentants, ce montant a été fixé à 50.000 Dirhams).
- Il est à souligner que l'exercice actuel de la grève permettait à l'employeur de licencier, révoquer, se venger des grévistes et de faire des sous traitances, voire même substituer des travailleurs aux grévistes. Dans ce cadre, les amendes infligées aux grévistes ayant enfreints la loi ont été réduite de 5.000-10.000 Dirhams à 1.200-8000 Dirhams pour ne pas appliquer la contrainte par corps à leur encontre (La législation en vigueur peut infliger des amendes à partir de 8.000 dirhams). Un nouvel article a été introduit interdisant l'application de la contrainte par corps à l'encontre des personnes en situation d’insolvabilité.
- S'agissant de l'élargissement de la liberté syndicale et de la simplification des procédures, il se fera en permettant aux syndicats représentatifs et non pas à ceux ayant le statut de plus représentatif, d'appeler à la grève au niveau national dans tous les secteurs et au niveau sectoriel.
- Au cas d’inexistence de syndicat dans l'entreprise ou l’établissement, le nombre de salariés qui prennent la décision d’observer la grève a été réduit de 75% en 2016 à 35% dans la version de la Chambre des représentants, pour devenir 25% dans la version de la Chambre des conseillers.