C’est un projet très ambitieux. Un chantier à la hauteur des ambitions marocaines de décider de son approvisionnement en gaz, sans dépendre des aléas politiques et des sautes d’humeur des uns et des autres, notamment une Algérie belliqueuse et hostile qui a refusé de renouveler le contrat relatif au gazoduc Maghreb-Europe.
Le Maroc est néanmoins prévoyant. Dans ce sens, lors de sa visite au Nigéria en décembre 2016, Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait posé les jalons d’une collaboration dans ce domaine avec Abuja, pour servir onze pays africains dans un élan de partenariat Sud-Sud. Cette autoroute gazière devrait également amorcer un nouveau chapitre dans la gestion énergétique en Afrique entre pays amis et partenaires, comme c’est le cas entre le Maroc et le Nigéria.
Le projet a été lancé dans la foulée avec une première phase des études qui a pris fin en 2020, posant les structures globales de tout le chantier, avec les études topographiques, les zones de passages et les tracés inter-frontaliers. La seconde phase des études a été poursuivie en 2021, avec des précisions sur les financements qui sont en grande partie pris en charge par le Maroc et le Nigeria, avec l’apport de la Banque Islamique de Développement et du Fonds de l’OPEP (OFID).
D’un coût total de 25 milliards de dollars, le projet est aujourd’hui en phase de concertation avec les pays tiers et partenaires qui vont bénéficier du gazoduc pour leur approvisionnement direct. Des négociations qui impliquent les modalités de coopération et de commercialisation du gaz en provenance du Nigéria, via le Maroc, pour s’étendre à l’Europe, dans un second temps.
Dans ce sens, une réunion par visioconférence a eu lieu le 20 décembre 2021 entre les différentes parties prenantes du projet du gazoduc. D’un côté, la Banque Islamique de développement (BID), représentée par Mansur Muhtar, son vice-président, et le gouvernement marocain, représenté par le ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, et la DG de l’Office national des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM), Amina Benkhadra, qui ont signé des conventions de financement pour la réalisation de l’étude Front-End Engineering Design (FEED) du projet, désormais baptisé : Gazoduc Nigeria-Maroc Gaz Pipeline (NMGP).
Le projet, qui est entré dans son volet final d’investissement, sera bouclé au plus tard en 2023, pour sa phase d’infrastructure. Selon les termes de l’accord entre Rabat et Abuja, les deux pays participent à parts égales dans le coût du projet. La BID prend en charge la contribution marocaine et participe au financement du projet à hauteur d’un montant de 15,45 millions de dollars. En ce qui concerne la partie nigériane, la BID a approuvé un financement d’un montant de 29,75 millions de dollars, qui porte la contribution de la banque à 50% du coût total des études d’ingénierie et de conception (FEED) du gazoduc Nigeria-Maroc.
Reste le climat politique très instable dans la région qui pose toujours problème, vu que des pays traversés par le gazoduc connaissent des troubles politiques et militaires qui risquent d’impacter négativement la bonne marche du projet, à long terme. Sans oublier la grande question du Sahara marocain, et le conflit avec l’Algérie et le Polisario, pierre d’achoppement de tout ce grand chantier qui nécessite une stabilité sans faille au niveau des frontières avec le Mali et la Mauritanie.
Côté Union européenne, les choses doivent être claires : Bruxelles doit s’aligner sur les positions marocaines et peser de tout son poids pour régler ce conflit régional qui risque d’enrayer le bon fonctionnement d’un projet énergétique dans lequel l’Europe a tout à gagner pour ne plus dépendre des humeurs de Moscou, principal fournisseur des Européens et qui gère l’approvisionnement du gaz selon son bon vouloir, s’octroyant le privilège de fermer les robinets à la moindre intempérie avec l’UE. Dans un sens, le Maroc offre à l’Europe une belle alternative énergétique qui devrait l’inciter à assumer ses responsabilités politiques et géostratégiques.
Par Abdelhak Najib, écrivain-journaliste