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Les loups du Parlement européen

Les loups du Parlement européen

Entrons dans le vif du sujet. Jeudi 19 janvier, le Parlement européen (PE) a voté une résolution non contraignante (356 voix pour, 32 contre et 42 abstentions) exhortant les autorités marocaines «à respecter la liberté d'expression et la liberté des médias». Et ce, en citant notamment les cas des journalistes Omar Radi, Souleiman Raissouni et Taoufik Bouachrine, tous les trois condamnés entre autres pour des affaires à caractère sexuel (viol, tentative de viol, agressions sexuelles…).

Le PE demande ainsi «leur libération provisoire immédiate» et de «mettre fin au harcèlement de tous les journalistes, de leurs avocats et de leurs familles».

De même, le texte «condamne fermement l'utilisation abusive des allégations d'agression sexuelle pour dissuader les journalistes d'exercer leurs fonctions» et «demande instamment aux autorités marocaines de mettre fin à la surveillance des journalistes, y compris via le logiciel espion Pegasus de NSO».

Par ailleurs, le PE «demande la libération immédiate et inconditionnelle de Nasser Zefzafi (…) et de tous les prisonniers politiques», tout en se disant «préoccupé par les allégations selon lesquelles les autorités marocaines ont tenté de corrompre des membres du Parlement européen».

Ingérence

Que cherche donc le Parlement européen ? Cette résolution n’est ni plus ni moins qu’une ingérence outrancière aux affaires internes du Royaume. Des affaires tranchées par une justice indépendante, dans un Etat souverain. 

Rappelons trois points essentiels : 

- les trois journalistes cités plus haut ont été condamnés pour des faits à connotation sexuelle et non pour délit d’opinion. Leur travail journalistique n’est donc aucunement concerné, aux yeux de la Justice.

- le Maroc a démenti catégoriquement l’utilisation du logiciel Pegasus et a enclenché plusieurs actions judiciaires à l’égard de médias étrangers l’ayant cité dans cette affaire.

- l’affirmation selon laquelle il y aurait eu une tentative de corruption des autorités marocaines de certains eurodéputés, dans l’affaire «Qatargate», a été énergiquement nié par le Royaume.

En réalité, de leur perchoir, loin là-bas à Strasbourg, les députés européens ont décidé de faire le procès non pas de la justice marocaine, mais plutôt du Maroc. Ce Maroc catalyseur de la coopération sud-sud, partenaire multidimensionnel incontournable de l’Occident et interlocuteur privilégié à l’égard du Moyen-Orient. Ce Maroc-là, qui s’érige en puissance régionale émergente et occupe un positionnement international de plus en plus enviable, indispose manifestement. Au point de faire l’objet de ce tir groupé de la part d’eurodéputés. 

Cette fronde contre le Royaume n’est pas étonnante, mais reste quand même assez paradoxale.

Elle n’est pas étonnante parce que le partenariat Maroc-UE est systématiquement attaqué par les détracteurs du Royaume. Et pas plus tard que début janvier, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger avait tiré la sonnette d’alarme. A l’occasion de la visite effectuée au Maroc par Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Nasser Bourita, avait en effet dénoncé le «harcèlement et les attaques médiatiques multiples» qui ciblent le partenariat Maroc-UE. Et ce, tout en précisant qu’ils «émanent de personnes et de structures dérangées par ce Maroc qui se libère, ce Maroc qui renforce son protagonisme, ce Maroc qui se projette sans complexe dans son environnement géopolitique africain et arabe».

D’un autre côté, cette nouvelle attaque contre le Maroc reste incompréhensible, d’autant qu’elle intervient à un moment où les relations Maroc – UE semblent être au beau fixe. Clairement, cela signifie que l’UE et ses instances législatives ne jouent pas du tout la même partition. Car la volonté de l’une de consolider et d’approfondir le partenariat Maroc-UE se heurte à une forme d’animosité de l’autre, qui cède aux sirènes de la démagogie et de certains lobbies mal intentionnés et aux desseins inavoués.  

Pourtant, il semble bien que le Parlement européen a bien mieux à faire que s’immiscer dans les affaires internes du Royaume pour tenter de le dénigrer ou le discréditer. Oui, il a mieux à faire que de s’ériger en donneur de leçons : l’institution est actuellement ébranlée par une sordide histoire de corruption, certains de ses membres, épinglés dans l’affaire «Qatargate», étant loin d’être des modèles de vertu et probité. Conclusion : les loups du Parlement européen hurlent, la caravane passe. 

En cela, l’intervention du député français au Parlement européen, Thierry Mariani, est assez éloquente et pertinente pour être soulignée : «Je souhaitais commencer ce discours en disant que nous nous réunissons pour condamner les pratiques d’un pays qui bride les droits de l’Homme, oppresse les voix contestataires et participe à la déstabilisation de l’Afrique. Mais alors, cela signifierait que nous parlons ici de l’Algérie. Or, la gauche européenne ne condamne jamais l’Algérie, et l’Union européenne lui passe tout, en espérant son gaz. A la place, nous débattons du Maroc qui est pourtant un des pivots de notre partenariat stratégique en Afrique. Qu’y a-t-il dans cette résolution ? L’affirmation que Monsieur Radi ne serait pas un violeur. Comme chacun d’entre vous, je n’en sais rien. En revanche, à la différence de la majorité de cette assemblée, je ne considère pas que les décisions de la justice marocaine, que les accusations de la victime du viol, valent moins que les communiqués d’Amnesty international ou d’Human Rights Watch. Le récent exemple des pratiques de l’ONG Fight Impunity devrait d’ailleurs avoir alerté chacun d’entre nous sur le crédit que nous accordons systématiquement aux ONG. Comme les Etats, elles ont leurs intérêts et leurs limites. Si Monsieur Radi est victime d’un complot, c’est à ses avocats et au peuple marocain de le démontrer. Ce n’est pas au Parlement européen de s’essuyer les pieds sur la justice marocaine». Transparent pour qui sait lire.

 

F. Ouriaghli

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