Un air adouci circule entre les axes Rabat – Pretoria / Rabat – Luanda depuis quelques jours. Depuis exactement mercredi dernier (29 novembre), lorsque le Roi Mohammed VI a reçu en audience les présidents sud-africain et angolais, respectivement Jacob Zuma et Joao Lourenço, en marge du 5ème Sommet Union africaine-Union européenne.
Ces audiences ont une symbolique forte. Car au-delà des affinités économiques qui peuvent en naître, elles revêtent surtout une coloration politique très prononcée, d’autant que l’Afrique du Sud et l’Angola sont deux Etats qui reconnaissent encore l’existence de la fantomatique «République arabe sahraouie démocratique».
Quelle lecture en faire ? Une nouvelle page est-elle en train de s'écrire dans les relations politiques entre le Maroc et ces deux pays ? Peut-on légitimement croire que l'on s'achemine vers une non reconnaissance par l'Angola et l'Afrique du Sud du polisario ? Ce sont, aujourd’hui, autant d’interrogations qu’il semble légitime de se poser.
Et le premier enseignement à tirer des entrevues accordées par le Souverain à Zuma et Lourenço est que les divergences politiques n’excluent guère de s’asseoir autour d’une même table et de discuter.
Car, disait à juste titre Morihei Ueshiba, le fondateur de l’aïkido, «si tu vaincs un ennemi, il sera toujours ton ennemi. Si tu convaincs un ennemi, il deviendra ton ami». Tout autant, les propos du défunt président sud-africain, Nelson Mandela, logent à la même enseigne : «pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé».
Et si, comme l’avoue Zuma, l’Afrique du Sud n’a «jamais eu de problème» avec le Maroc, il faut donc déduire que la posture que les dirigeants sud-africains ont toujours adoptée, procède d’une méconnaissance profonde du dossier du Sahara marocain.
Et cette méconnaissance, Zuma l’a d’ailleurs reconnue en des termes à peine voilés dans un entretien accordé au magazine City Press, après sa rencontre avec le Roi. «Nous respectons leur position. Ils (les Marocains, ndlr) connaissent leur histoire mieux que nous», a-t-il notamment déclaré. Voilà qui est dit.
L’on s’en doute, ce changement de ton à l’égard du Maroc est vu d’un très mauvais œil chez le voisin algérien, bousculé dans sa zone de confort par l’offensive diplomatique marocaine. Car la «normalisation» des relations entre Rabat - Pretoria / Rabat – Luanda va redéfinir considérablement les relations économiques et commerciales qu’entretient le Maroc avec ces deux pays, et conséquemment la situation géopolitique du continent.
Car, au bout de ce réchauffement, pointe évidemment un changement politique majeur : le retrait de la reconnaissance de l’Afrique du Sud et de l’Angola à la pseudo Rasd. Nous n’en sommes certes pas encore là. Mais les voies de cette reconfiguration politique sont balisées. Comme disait l’autre, petit à petit l’oiseau fait son nid.■
D. W.