Chaque jour apporte son lot de surprises (qui n’en sont pas, puisque toutes les décisions algériennes sont désormais prévisibles) dans les relations entre le Maroc et l’Algérie. Dernier fait en date, l’annonce par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le 31 octobre 2021, qu’il a ordonnée au groupe public Sonatrach de ne pas reconduire le contrat du gazoduc passant par le Maroc et alimentant l'Espagne en gaz. Raison invoquée pour justifier cette décision unilatérale : «au vu des pratiques à caractère hostile du Royaume».
Après une telle annonce, les livraisons de gaz algérien à l'Espagne se feront exclusivement via le gazoduc sous-marin Medgaz lancé en 2011. Selon un communiqué de la présidence diffusé par la télévision publique, «le président Abdelamadjid Tebboune a ordonné la cessation des relations commerciales entre Sonatrach et l'Office marocain de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) et le non renouvellement de l'accord qui expire dimanche à minuit», une décision prise après consultation du Premier ministre et des ministres des Affaires étrangères et de l'Énergie.
Comme toujours, des réunions au sommet pour alimenter une vie politique algérienne où plus rien ne se passe, excepté l’escalade dans le conflit ouvert avec le voisin marocain. Après d’interminables accusations tout au long de l’année 2021, le régime algérien avance par paliers en fermant porte après porte, dans une vision belliciste à l’égard du Maroc, allant jusqu’à rompre toutes les relations bilatérales, et ce, dans tous les domaines et à tous les niveaux. Maintenant, comment peut-on lire ce dernier acte ? Quand on se penche sur la suite des événements, on se rend très vite compte que l’Espagne est la grande bénéficiaire de ce divorce consommé entre Rabat et Alger.
En effet, l'Algérie est le premier fournisseur de gaz naturel de l'Espagne. Avant l’annulation du contrat d'utilisation du gazoduc Gaz Maghreb Europe (GME), le 27 octobre 2021, soit quatre jours avant l’annonce faite par le président Tebboune, la ministre espagnole de la Transition écologique, chargée de l'Énergie, Teresa Ribera, et le ministre algérien de l'Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, avaient annoncé que les livraisons de gaz algérien vers l'Espagne allaient être assurées via le gazoduc Medgaz et les complexes de conversion en gaz naturel liquéfié. Il faut préciser ici que depuis 1996, l'Algérie livrait à l'Espagne et au Portugal presque 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an via le GME. Une telle annulation prive le Maroc d’une bonne partie de son gaz, mais assure à l’Espagne un approvisionnement continu, en contournant le Maroc.
Sauf que le président algérien oublie que les alternatives pour le Maroc sont nombreuses, à commencer par les bonnes relations qu’il entretient avec l’Arabie Saoudite et qui peut lui procurer les dérivés du gaz naturel, tout comme le Qatar qui pourrait également approvisionner le Maroc en gaz naturel. Ces manœuvres hostiles ourdies en coulisses par Alger et Madrid étaient prévisibles depuis le déclenchement du bras de fer avec le Maroc, sur fond de crise diplomatique causée par l’accueil par l’Espagne du chef du Polisario, reçu en grandes pompes pour des soins médicaux, alors qu’il fait toujours l’objet d’un mandat d’arrêt international et de poursuites judiciaires sur le sol espagnol. Une bévue qui avait coûté à l’ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole son siège de ministre, devant l’inflexibilité de la part de Rabat qui n’accepte plus qu’on lui torde la main. Moins de deux mois après, voici la réponse conjointe des Algériens et des Espagnols dans ce feuilleton dont la fin n’augure de rien de bon pour toute la région. Affaire à suivre.
Par Abdelhak Najib, écrivain-journaliste