Petit emballement médiatique suite à la sortie de l'ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier.
Ce serait illusoire de croire que ses déclarations sont suffisantes pour réchauffer le vent frais qui circule entre Rabat et Paris.
Par D. William
Il a fallu de quelques déclarations de l'ambassadeur de France au Maroc, lundi dernier sur la radio 2M, pour qu’une certaine presse s’enflamme et y voit un début d’apaisement dans les relations tendues entre le Royaume et l’Hexagone. Christophe Lecourtier a ainsi réitéré le soutien continu de la France au plan marocain d'autonomie et annoncé que toutes les restrictions liées à la délivrance des visas sont désormais levées. C’est tout. Ce serait naïf de croire que ces déclarations sont suffisantes pour réchauffer le vent frais qui circule entre Rabat et Paris.
La question cruciale du Sahara marocain reste un point d'inflexion majeur dans les relations bilatérales. Les attentes du Maroc envers la France, en tant qu'alliée et soi-disant «amie», sont élevées. Et vont bien au-delà des annonces de circonstance. Les déclarations d'intention, aussi bien intentionnées soient-elles, ne suffisent plus à Rabat. Les EtatsUnis, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique, la Hollande, le Portugal, la Serbie, la Hongrie… sont autant de pays qui ont actuellement une position claire à l’égard du dossier du Sahara marocain. Ce qui n’est pas du tout le cas de la France. D’ailleurs, dans son discours du 20 août 2022, le Roi Mohammed VI a été on ne peut plus clair.
«(…) S’agissant de certains pays comptant parmi nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara sont ambiguës, nous attendons qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque». Aujourd’hui, le Maroc se heurte à un double langage qui entache la crédibilité de la France, dont la posture diplomatique est influencée par ses intérêts économiques en Algérie. Comme Janus, la France regarde Rabat et Alger… en même temps, fidèle à la sacrosainte devise d’Emmanuel Macron. Sauf que le Maroc ne saurait tolérer que la question de son intégrité territoriale soit sacrifiée sur l’autel de l’arithmétique politicienne d’un Macron qui, depuis son arrivée à l’Elysée, a dégradé sérieusement les relations entre les deux pays. Et ce, à travers une succession d’affaires et de maladresses, pour ne pas dire de fautes diplomatiques.
Outre la posture équivoque de la France concernant l’intégrité territoriale du Royaume, il y a eu l’affaire Pegasus, suivie de l’affaire des visas en septembre 2021, puis de la résolution inouïe du Parlement européen exhortant entre autres «les autorités marocaines à respecter la liberté d'expression et la liberté des médias». Derrière cette résolution, le groupe Renew Europe, dont le président n’est autre que Stéphane Séjourné, un très proche de Macron et son ancien conseiller politique. En outre, au lendemain du séisme qui a frappé Al Haouz, Macron a défié l'autorité royale pour s'adresser directement au peuple marocain, ce qui est en soi une vraie bourde diplomatique. Last but not least, quelques jours plus tard, nouveau couac : Catherine Colonna, ministre française des Affaires étrangères, annonçait que Macron se rendrait au Maroc sur invitation du Roi Mohammed VI. Une annonce sèchement démentie par une source gouvernementale officielle, qui a souligné que la visite du président français au Maroc n'était ni à l'ordre du jour ni programmée.
Diplomatie de l’absurde
Bref, la France fait dans la diplomatie de l’absurde. Ce qui a d’ailleurs été très critiqué, notamment par les Républicains qui appellent, entre autres, à reconnaître la marocanité du Sahara. «C’est une position qui n’est pas nouvelle chez moi en tout cas. Je l’ai déjà exprimée il y a plusieurs mois. Je crois qu’il suffit de regarder le développement de ces régions du Sahara, administrée aujourd’hui de façon exemplaire par le Maroc, pour mesurer qu’il n’y a pas de sujet, qu’il n’y a plus de débat», a affirmé en mai dernier Eric Ciotti, président des Républicains. Qui insiste sur le fait que «ce débat est simplement entretenu par l’Algérie pour des raisons de politique intérieure».
De son côté, réagissant lundi à la sortie de Christophe Lecourtier, le membre du Conseil national des Républicains, Édouard de Castellan, estime que «la France doit prendre ses responsabilités plus clairement et cesser de s’exprimer à travers des demi-mesures. En ce qui concerne l’avenir des relations franco-marocaines, il est évident qu’elles ne peuvent être renouées sans la reconnaissance du Sahara par la France, qui est défendue par la droite depuis de nombreuses années. La grandeur de la France nous impose une diplomatie valorisant nos partenaires internationaux historiques, plutôt que des promesses insuffisantes et néo-colonialistes». Même Eric Zemmour, président du parti Reconquête, s’y est mis. «Rebâtissons des relations diplomatiques saines avec les pays qui nous respectent comme le Maroc, dont nous avons trahi l’amitié pour la chimère algérienne. Nous lui adressons tout notre soutien dans l’épreuve qu’il traverse», a-t-il écrit sur le réseau social X (ex-Twitter), après le tremblement de terre qui a frappé le Royaume. Disons-le… sans ambiguïté aucune : les fondations d'un partenariat diplomatique solide et d'une confiance restaurée entre les deux pays semblent inexistantes. La route vers un apaisement des tensions bilatérales demeure sinueuse, entachée par les nuances du double visage de Janus. Pour l’instant en tout cas.