Il n’a pas dit de manière ouverte et directe que le Sahara est marocain, mais il a envoyé de nombreux signaux politiques dans ce sens.
C’est ce que de nombreux observateurs de la crise franco-marocaine ont retenu du déplacement du ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, et de sa rencontre avec son homologue marocain Nasser Bourita.
En quelques mots, le chef de la diplomatie française a signifié la disposition de Paris de faire bouger les lignes de sa position sur le Sahara. Nous savons qu’il s'agit là «d’un enjeu existentiel pour le Maroc» et «il est désormais temps d’avancer». Pour les orfèvres du langage diplomatique, ce genre de phrase indique clairement que la prochaine étape est la reconnaissance pleine et entière de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. À Rabat, Stéphane Séjourné a accroché les wagons français à ce train international de la reconnaissance de la marocanité du Sahara.
Personne en réalité ne s’attendait à ce que le nouveau ministre des Affaires étrangères français puisse prendre une décision à “la Trump” et annoncer à son audience marocaine la reconnaissance française. Mais à sa manière et avec son langage, Stéphane Séjourné, lui, a pavé le chemin pour que l’annonce solennelle puisse être l’œuvre du Président de la République Emmanuel Macron dont on attend enfin une visite d’Etat sur une période qui s’étale entre la fin du mois de Ramadan et avant les élections européennes du 9 juin. À cet égard, le mois de mai paraît idéal pour une telle visite et une telle clarification de la diplomatie française.
Entre-temps, Stéphane Séjourné a annoncé le retour des visites politiques de haut niveau entre les deux pays. Une manière de magnifier leur partenariat stratégique sur de nouvelles dynamiques économiques. Le partenariat sur les 30 prochaines années évoqué par Stéphane Séjourné ne peut se réaliser que si le grand verrou de la divergence franco-marocaine, celui autour de l’ambiguïté sur le Sahara, est levé.
L’autre particularité de cette visite et de la conférence de presse qu'il a clôturées, réside dans le langage et les mots utilisés par Stéphane Séjourné pour évoquer la précieuse relation entre la France et le Maroc. Par moment, dans les intonations de la voix, dans les vocables choisis, il y avait comme une forme de culpabilité à expurger pour avoir été dans un passé récent une des chevilles ouvrières de la campagne européenne anti-marocaine et qui avait participé à épaissir le froid glacial par lequel cette relation entre Paris et Rabat est passée.
Aujourd’hui, Stéphane Séjourné est parti de Rabat avec la conviction d’avoir ouvert un nouveau chapitre dans les relations franco-marocaines. Il reste à transformer l’essai à travers une décision française souveraine qui ne laissera aucune ambiguïté quant à la position de Paris sur le Sahara. Ce message clair et limpide est doublement important. D’abord en direction de ceux qui continuent de fantasmer sur une aventure séparatiste au Maghreb, ensuite en direction de leurs parrains algériens pour qui la décision française sur le Sahara, une fois inscrite dans le marbre institutionnel, clôturera définitivement une discorde régionale artificiellement entretenue.
Par Mustapha Tossa