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Maroc-Israël: Benkirane dans ses petits souliers

Maroc-Israël: Benkirane dans ses petits souliers

Le secrétaire général du Parti justice et développement s’est attiré les foudres du palais pour ses déclarations sur la politique étrangère du Maroc.

De quoi lui rappeler, si besoin est, que ce domaine reste une prérogative du Souverain.

 

Par D. William

Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti justice et développement (PJD), est dans ses petits souliers. Lundi dernier, le cabinet royal (CR) publiait en effet un communiqué pour fustiger la déclaration de ce parti «contenant des dépassements irresponsables et des approximations dangereuses, concernant les relations entre le Royaume du Maroc et l'Etat d’Israël, en lien avec les derniers développements dans les territoires palestiniens occupés». Mais qu’a donc fait le PJD pour s’attirer les foudres du palais ?

Début mars, le secrétariat général du parti avait déploré «les récentes prises de position du ministre des Affaires étrangères», reprochant à Nasser Bourita de «défendre l'entité sioniste dans certaines réunions africaines et européennes, à un moment où l'occupation israélienne poursuit son agression criminelle contre nos frères palestiniens».

Le PJD, qui rappelle que le Maroc «place la cause palestinienne au même niveau que la cause nationale», souligne que «le devoir juridique, historique et humanitaire exige de redoubler d'efforts dans cette étape délicate de la défense de la Palestine et de Jérusalem face à l'escalade, les provocations et les comportements agressifs des sionistes, et à condamner le terrorisme sioniste (…)». Des propos qui, visiblement, irritent le palais, d’autant plus que l’ancien chef du gouvernement et ex-SG du PJD, Saad Eddine El Othmani, a été signataire de la Déclaration tripartite du 22 décembre 2020 entre le Maroc, Israël et les Etats-Unis. Mieux encore, au-lendemain de la signature de ladite déclaration, Benkirane avait appelé à «se ranger du côté de l’Etat», soulignant que «le PJD doit appuyer les décisions royales».

Posture de circonstance dictée par l’arithmétique politicienne ? En tout cas, après sa défaite aux législatives de 2021, le PJD s’est montré très critique par rapport à la normalisation des relations Maroc-Israël. Jusqu’à ce que le palais leur tape sur les doigts, ce 13 mars. En quatre points, Benkirane aura été ainsi sèchement recadré, le CR rappelant que la question palestinienne est l'une des priorités de la politique étrangère du Roi, président du Comité Al-Qods, qui la place au même rang de l'intégrité territoriale du Royaume.

«Il s’agit d’une position de principe constante du Maroc, qui ne saurait être soumise aux surenchères politiciennes et aux campagnes électorales étriquées», précise le communiqué. Notant que la politique extérieure du Royaume est une prérogative du Souverain et que «les relations internationales du Royaume ne peuvent être l’objet de chantage de la part de quiconque et pour quelque considération que ce soit, particulièrement dans ce contexte mondial complexe».

En cela, poursuit la même source, «l’instrumentalisation de la politique extérieure du Royaume dans un agenda partisan interne constitue ainsi un précédent dangereux et inacceptable». Enfin, le CR rappelle que la reprise des relations entre le Maroc et Israël «est encadrée par le communiqué du cabinet royal du 10 décembre 2020 et celui publié le même jour à la suite de la communication téléphonique entre Sa Majesté le Roi et le Président palestinien, ainsi que par la Déclaration tripartite du 22 décembre 2020, signée devant le Souverain». Pour le politologue Mohamed Belmir, «le communiqué du cabinet royal est un rappel à l’ordre, d’autant que la Défense nationale, les Habous et Affaires islamiques et les Affaires étrangères relèvent exclusivement des attributions du Roi. Ils sont toujours considérés comme des domaines de souveraineté ayant une portée stratégique de grande importance».

Rappelant que c’est le PJD qui dirigeait l’Exécutif lors de la signature de l’accord tripartite, il qualifie cette sortie de Abdelillah Benkirane de «hasardeuse tant pour son timing et que pour sa teneur», ce qui est étonnant pour «un homme qui dispose d’une longue expérience politique, surtout après son passage à la tête du gouvernement».

«Il n’a pas pris en considération la situation géopolitique internationale très tendue et perturbée, ni les enjeux politiques compliqués auxquels le Maroc fait face», renchérit Belmir, estimant que Benkirane «a voulu surfer sur la question palestinienne très chère aux Marocains pour rebondir sur la scène politique nationale et mieux se positionner après la cuisante défaite de sa formation lors des dernières élections législatives».

 

La défense de la cause palestinienne, une constante

La normalisation des relations entre Rabat et Tel Aviv ne signifie nullement que le Maroc a tourné le dos à la Palestine. Bien au contraire  : l’engagement du Roi Mohammed VI en faveur de la paix et de la prospérité au Moyen-Orient, mais également pour la défense de la ville sainte d’Al-Qods, est permanent.

Cette constante a été réitérée pas plus tard que le 29 novembre dernier, à l’occasion de la Journée internationale de la solidarité avec le peuple palestinien. Dans un message adressé au président du Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, Cheikh Niang, le Souverain a souligné que c’était l’occasion de «réitérer notre soutien constant et clair à la juste cause palestinienne et aux droits légitimes du peuple palestinien, au premier chef desquels le droit à l’établissement de son Etat indépendant ayant Jérusalem-Est pour capitale, et vivant côte à côte avec l’Etat d’Israël, dans la paix et la sécurité».

En cela, ajoute le Roi, «l’action du Royaume du Maroc en faveur de la question palestinienne se traduit sur le terrain par des mesures concrètes qui emportent l’agrément et l’adhésion sans réserve des dirigeants et du peuple de Palestine. Aussi, notre souhait est que cette question juste soit maintenue à l’écart des surenchères oiseuses et des calculs étriqués qui ne peuvent que lui être préjudiciables». Cet engagement sans faille du Maroc s’inscrit en droite ligne avec l’esprit de  «l'Appel d'Al Qods», signé le 30 mars 2019 par le Souverain et le Pape François, visant à conserver et à promouvoir le caractère spécifique multireligieux, la dimension spirituelle et l'identité particulière de la ville sainte.

Cette posture du Royaume est par ailleurs soutenue de manière concrète par les différents projets réalisés par l'Agence Bayt Mal Al-Qods Acharif, bras exécutif du Comité Al-Qods. En effet, depuis sa création en 1995, cette agence, dont le Maroc supporte environ 86% du budget annuel, œuvre pour la protection des droits arabes et islamiques dans la ville sainte, en soutenant et en finançant plusieurs projets dans les domaines social, culturel, éducatif, sanitaire… «Sous notre égide, l’Agence Bait Mal Al-Qods est engagée dans la réalisation de projets concrets qui bénéficient à nos frères maqdissis dans des domaines comme l’habitat, la santé, l’éducation et les services sociaux. Son œuvre est destinée fondamentalement à préserver l’identité culturelle de la ville sainte, à améliorer les conditions de vie de sa population et à appuyer sa résistance», confirme le Roi.

D’ailleurs, dans le cadre de ses actions, l’agence a présenté ces 15 et 16 mars à Nouakchott, en marge du Forum de l'investissement Mauritanie-OCI, la plateforme "Dlala Marketstore" pour la commercialisation électronique des produits palestiniens. Cette plateforme soutient le secteur du commerce à Al-Qods en aidant les commerçants et associations locales dans la promotion et la commercialisation de leurs produits dans des expositions, à l'intérieur et à l'extérieur de la Palestine, dans le cadre d'un accord de partenariat et de coopération avec le Centre islamique pour le développement du commerce (CIDC), de l'Organisation de la coopération islamique, dont le siège est basé à Casablanca.

De même, la normalisation des relations entre le Maroc et Israël n’empêche nullement le Royaume de monter au créneau pour défendre les droits légitimes des Palestiniens, comme il le fait souvent lorsqu’il y a incursion des forces d’occupation israéliennes dans la mosquée Al Aqsa. Ou encore d’user efficacement de son influence au service de la cause palestinienne : ce fut le cas avec la médiation directe menée par le Maroc, sous l’égide du Souverain, et les USA, ayant permis d’obtenir un accord pour l’ouverture, sans interruption, du poste-frontière «Allenby/Roi Hussein»  reliant la Cisjordanie à la Jordanie. C’est on ne peut plus clair : comme l’a souligné le cabinet royal, «la politique extérieure du Royaume est une prérogative du Souverain». Une clarification dont semble avoir pris acte… le parti de la lampe. 

 

 

 

 

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