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Maroc - Panama : Revirement décisif dans les relations diplomatiques

Maroc - Panama : Revirement décisif dans les relations diplomatiques

La décision du Panama de suspendre ses relations avec la pseudo ‘Rasd’ et de soutenir l’initiative marocaine d’autonomie confirme son alignement avec les résolutions onusiennes. Ce tournant renforce les liens maroco-panaméens et ouvre la voie à une coopération stratégique prometteuse entre les deux pays. Entretien avec Bouchra Boudchiche Boucetta, ambassadrice du Maroc au Panama.

Finances News Hebdo : Quelle est votre analyse de la décision du Panama de retirer sa reconnaissance de la pseudo «Rasd», et comment évaluezvous l’impact de cette position sur les relations maroco-panaméennes ?

Bouchra Boudchiche Boucetta : La décision de la République de Panama de suspendre ses relations avec la pseudo «rasd» en novembre 2024, a été précédée en janvier de la même année par le soutien à la proposition marocaine d’autonomie en tant que «seule base pour une solution juste et durable à la question du Sahara marocain». Cette décision vient renforcer la dynamique internationale que portent d’ores et déjà de très nombreux pays de par le monde, à la faveur du Sahara marocain, sur la base de l’Initiative d’autonomie présentée par le Maroc depuis 2007. La République du Panama s’aligne avec une majorité écrasante de la communauté internationale, qui souligne la centralité de l’ONU et de son Conseil de sécurité en particulier, dans la recherche d’une solution politique définitive. Dans ce contexte, de nombreuses perspectives prometteuses s’offrent au Maroc et au Panama pour insuffler un nouvel élan à leur coopération dans divers secteurs stratégiques, à la faveur d’un partenariat solide, basé sur l’amitié et la confiance mutuelle. Cette dynamique reflète, également, la volonté commune de renforcer le dialogue politique et de développer les échanges économiques, commerciaux, culturels et éducatifs, cimentant ainsi un partenariat durable et mutuellement bénéfique.

 

F. N. H. : Quelle lecture faites-vous du message royal adressé au Panama et de son impact sur le renforcement des relations bilatérales ?

B. B. B.  : Le message adressé par Sa Majesté, que Dieu le glorifie, au Président panaméen, José Raúl Mulino, revêt une signification profonde. Il met en lumière l’importance capitale qu’accorde Sa Majesté au renforcement des relations maroco-panaméennes, lesquelles regorgent de potentialités exceptionnelles grâce à la position stratégique des deux parties. Ces relations ont vocation à être un pilier stratégique dans le soutien aux initiatives de coopération atlantique que le Maroc s’efforce de consolider sous la direction éclairée de Sa Majesté, avec pour objectif de renforcer la solidarité et la coopération entre les nations riveraines de l’Atlantique. Par ailleurs, le cas panaméen porte une symbolique particulière. En effet, le Panama a été le premier pays d’Amérique latine à reconnaître la pseudo Rasd. Ce tournant positif de la question nationale est, sans aucun doute, attribuable aux orientations stratégiques et à la sagesse de Sa Majesté, qui pilote avec engagement et vigilance les efforts déployés pour défendre l’intégrité territoriale du Maroc dans toutes ces étapes. En tant que garant suprême de l’unité du Royaume et de sa souveraineté sur ses territoires, Sa Majesté veille personnellement sur le processus de lutte pour la cause nationale. Et cela constitue en soi une garantie pour que les engagements pris par les nations amies à ce sujet reflètent une volonté sincère et s’inscrivent au sommet des priorités dans ces pays.

 

F. N. H. : Le Panama a récemment réaffirmé sa position en faveur du plan d’autonomie marocain. Quels sont les efforts diplomatiques qui ont permis cette avancée importante ?

B. B. B.  : Ces dernières années, les échanges entre les hauts responsables des deux pays ont été intensifiés à tous les niveaux, ce qui a permis au Maroc de renforcer sa position et sa présence au Panama. Et ce, conformément aux hautes instructions Royales en faveur d’une diplomatie nationale dynamique et proactive, avec l’aide du département, sous l’égide du ministre et en coopération avec les autres ministères. Cette mission s’est activée pour faire connaitre la pertinence de la proposition marocaine en tant qu’unique solution à ce conflit régional, solution politique impliquant toutes les parties concernées. Par ailleurs, les échanges ont permis de mieux éclairer sur la légitimité historique et juridique de notre cause nationale. Le Panama a décidé de contribuer à la paix et à la sécurité internationale en appuyant les efforts du secrétaire général de l’ONU et reconnaissant le rôle exclusif du Conseil de sécurité sur la question du Sahara marocain.

Il est à souligner le rôle crucial des parlementaires, qui créent des passerelles durables pour consolider la relation bilatérale et ainsi permettre d’impliquer les citoyens dans les enjeux de coopération internationale via leurs représentants. Dans ce sens, la création du groupe d’amitié parlementaire MarocPanama, dont l’installation a été réalisée le mois courant, représentera une plateforme idéale pour consolider le dialogue et bâtir des relations solides entre les deux parlements. Saisir toute occasion pour mettre en avant les avancées du Maroc, depuis l’intronisation de SM le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, telle que la participation de Nadira El Guermai, gouverneure et ancienne coordinatrice de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), le 10 novembre 2024, à l’événement organisé par le ministère de la Femme de la République du Panama, sous le thème «Les bonnes pratiques gouvernementales pour l’inclusion économique des femmes et leur autonomisation». Cette initiative a rappelé les mesures phares prises par le Maroc dans le domaine de l’autonomisation de la femme.

 

F. N. H. : Quels ont été les moments clés de votre mandat en tant qu’ambassadrice du Maroc au Panama ? Et quelle évaluation faites-vous des relations diplomatiques entre les deux nations depuis votre prise de fonction ?

B. B. B.  : Les relations entre le Maroc et le Panama ont connu un dynamisme et une évolution remarquables ces dernières années, particulièrement cette année 2024 suite à la décision du soutien du Panama à la proposition d’autonomie comme «base unique pour une solution juste et durable au différend», annoncée lors de la visioconférence. Cette dernière s’est tenue le 30 janvier 2024, entre Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, et Janaina Tewaney Mencomo, ministre panaméenne des Relations extérieures, et suite à la décision prise par la République du Panama, le 21 novembre 2024, de suspendre ses relations diplomatiques avec la pseudo «Rasd», s’inscrivant ainsi en conformité «avec le droit international».

Et par lequel la République du Panama, privilégiant l’intérêt national et fidèle aux principes fondamentaux de sa politique étrangère, réaffirme sa conviction des objectifs et des valeurs qui guident le multilatéralisme. Ainsi, la République du Panama réitère sa volonté de continuer à soutenir les efforts déployés par le Secrétaire général et la communauté internationale, dans le cadre des Nations unies, en vue d’une solution pacifique, juste, durable et acceptable pour les parties concernées par la question du Sahara. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont souligné lors de la visioconférence tenue le 27 novembre 2024, suite au message adressé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, au président de la République du Panama, José Raúl Mulino, l’importance du renforcement du cadre juridique de la coopération bilatérale et de l’activation du mécanisme de consultations politiques. Les deux ministres ont convenu, lors de cette visioconférence, de la signature d’une feuille de route de coopération devant structurer, de manière opérationnelle et concrète, les axes et activités de coopération. Le Maroc et le Panama ont réussi à s’imposer en tant qu’acteur majeur dans la dynamique mondiale, et cette nouvelle étape va permettre de renforcer les liens entre les deux nations pour relever conjointement les défis de l’avenir. On peut dire que l’année 2024 a marqué un tournant décisif dans notre relation bilatérale et lui ouvre un horizon très prometteur. Les deux ministres des Affaires étrangères n’ont pas tardé à donner le tempo au futur immédiat, en fixant les échéances à venir lors de leurs entretiens susmentionnés.

 

F. N. H. : Comment la position stratégique du Panama, en tant que carrefour maritime, favorise-t-elle les échanges commerciaux avec le Maroc, et quels secteurs stratégiques peuvent être mis en avant pour stimuler les investissements bilatéraux ?

B. B. B.  : Le Panama et le Maroc disposent de plateformes logistiques de classe mondiale. Au Maroc, le port de Casablanca, Jorf Lasfar, Tanger-Med, et bientôt le Grand Port de Dakhla et Nador West-Med; et au Panama, l’emblématique canal de Panama. La coopération dans le secteur du transport maritime offre un potentiel intéressant, permettant aux deux pays de partager leurs connaissances accumulées au fil des décennies. Un accord de coopération mutuelle a été signé dans ce sens, entre l’Autorité du canal de Panama et l’Autorité portuaire Tanger-Med lors de l’inauguration de l’Ambassade du Royaume du Maroc à Panama City en 2016. Ledit accord a pour objectif de renforcer l’ouverture internationale des deux pays, en facilitant les opérations logistiques d’importation et d’exportation de marchandises d’une zone à l’autre et dans le monde entier.

En outre, un accord-cadre de coopération a été signé entre la Zone franche TangerMed et la Zone franche de Colón, avec comme objectif de renforcer la coopération, notamment au niveau industriel, entre les entreprises établies dans les deux zones franches. Il est à souligner qu’il existe de fortes opportunités de coopération dans le domaine du changement climatique et de la sécurité alimentaire entre le Royaume du Maroc et la République du Panama, puisque les deux pays se distinguent par leur leadership en la matière. La coopération dans ce domaine est l’un des points fondamentaux mentionnés dans la Déclaration conjointe entre les deux pays (30 janvier dernier), où les deux parties s’engagent à coopérer dans des projets de décarbonation de l’économie.

 

F. N. H. : Quel rôle joue la diaspora marocaine au Panama dans le renforcement des liens entre le Panama et le Maroc ? Quelles initiatives ont été mises en place pour favoriser les échanges culturels et éducatifs entre les deux pays ?

B. B. B. : Les Marocains du monde agissent comme une puissance douce et une extension stratégique du Royaume au sein des pays dans lesquels ils résident. Au Panama, la diaspora marocaine contribue de manière active et positive dans le rayonnement de l’image du Maroc et dans le développement de la société panaméenne à travers une implication forte et influente. L’action culturelle de l’Ambassade du Maroc au Panama découle de la reconnaissance du rôle fondamental que joue la culture dans la construction de relations durables entre les communautés, les nations et les peuples. Nous considérons que la culture est un puissant moyen de communication qui transcende les barrières linguistiques et favorise l’interaction positive et la coopération internationale. La coopération en matière culturelle est un élément fondamental de la relation bilatérale entre le Maroc et le Panama. La signature de l’accord culturel, qui prévoit l’organisation de réunions, de concerts, d’expositions, de représentations théâtrales, parmi une multitude d’activités, en janvier 2016, a jeté les bases d’une collaboration fructueuse dans les domaines éducatif, artistique et culturel.

Dans le cadre de cet accord, la mission a réalisé de nombreux événements, tels que la semaine gastronomique en 2022, le colloque sur la littérature hispano-marocaine dans le cadre de la Foire internationale du livre de Panama. En outre, du 20 au 24 mai dernier, s’est tenue la première rencontre culturelle entre le Maroc et le Panama sous le thème «Le Maroc au Panama : tisser des liens», en collaboration avec le ministère de la Culture et diverses universités et institutions panaméennes. Sans oublier les Journées marocaines de l’artisanat, organisées par la Maison de l’artisan et l’ambassade du Maroc, en partenariat avec le cabinet de la Première dame de la république du Panama et le ministère panaméen de la Culture, du 14 au 17 octobre 2024. Une occasion de célébrer le patrimoine culturel séculaire du Royaume en mettant en exergue un savoir-faire ancestral.

Notre mission est de prendre part également à des événements tels que la Foire internationale du livre de Panama. Cela offre un espace pour la promotion de la littérature et des échanges culturels, avec la présence d’un écrivain marocain qui a présenté la littérature hispanique au Maroc. Il convient de mentionner, dans ce contexte, la magnifique «Bibliothèque du Roi Mohammed VI», située au Parlatino, qui se distingue par son cachet architectural éminemment marocain et offre une importante plateforme numérique interactive de documentation et de liaison directe avec les parlements nationaux des 23 États membres du Parlatino. En contribuant au développement académique et culturel de l’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Afrique, cette bibliothèque est devenue une référence pour la recherche et l’étude dans la région.

 

F. N. H. : La CAN 2025 et le Mondial 2030 seront des événements majeurs pour le Maroc. Quelles actions comptez-vous entreprendre, en tant qu’ambassadrice du Maroc au Panama, pour promouvoir l’image et le rayonnement du Royaume à travers ces événements ?

B. B. B. : Le sport devient de plus en plus un outil important pour favoriser la tolérance et le respect. Il a pour but de promouvoir l’autonomisation des femmes, des jeunes, des individus et des communautés. Il est également primordial d’établir des liens entre les pays, en favorisant la communication, la coopération et la compréhension mutuelle. L’organisation d’événements de grande envergure, tels que la CAN 2025 et le Mondial 2030, servent de catalyseurs pour une coopération internationale accrue et une compréhension culturelle plus profonde entre les pays.

 

F. N. H. : Dans le cadre de la récente annonce d’une nouvelle feuille de route de coopération entre le Maroc et le Panama, quel rôle les investissements directs étrangers (IDE) devraient-ils jouer dans ce partenariat, notamment en vue de la Coupe du monde 2030 ?

B. B. B. : Les investissements sont le ciment de la relation économique et commerciale. Je considère que l’organisation de la Coupe du monde de football 2030 au Maroc, avec l’Espagne et le Portugal, présente des opportunités significatives pour les investisseurs panaméens dans différents domaines économiques. Le Maroc a lancé un plan d’investissement ambitieux pour la modernisation des infrastructures, y compris la construction et la rénovation des stades, ainsi que l’amélioration des transports et de la connectivité entre les villes hôtes. Dans ce contexte, je dois souligner que le secteur d’affaires constitue un pilier essentiel dans les relations maroco-panaméennes.

En juin 2022, une délégation panaméenne dirigée par le président du Conseil national de l’entreprise privée (CoNEP), Ruben Castillo, s’est rendue dans notre pays et a tenu des séances de travail avec le président de la CGEM, Chakib Alj, dans le but d’étudier les opportunités d’investissement et de coopération dans le domaine des affaires et de recherche des partenaires dans le secteur privé marocain. Ladite délégation s’est également rendue à Tanger Med, puis à Dakhla. Cette visite a été fructueuse et a eu un grand impact sur le secteur d’affaires panaméen qui étudie actuellement la possibilité d’effectuer une deuxième visite dans notre pays pour achever l’étude de marché marocain. Le Maroc est en train de réformer son cadre financier, y compris l’expansion des marchés de capitaux pour faciliter le financement des projets liés à la Coupe du monde. En cela, une coopération avec le Panama consolidera davantage les relations bilatérales.

 

 

 

 

 

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