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Maroc : Une politique de relance morte dans l’œuf ?

Maroc : Une politique de relance morte dans l’œuf ?

 

Annoncée en grande pompe lors de la campagne du RNI, la politique de relance économique fut inscrite après la composition du gouvernement actuel, dans le sillage du nouveau modèle de développement (NMD). Avec cependant quelques ajouts partisans prévus dans le programme du RNI. Les grandes lignes de la Loi de Finances ayant été tracées, les Marocains, optimistes bien que circonspects, s’attendaient à des jours meilleurs,  le slogan électoral «tu mérites mieux» raisonnant encore dans leurs têtes.

Les chiffres relatifs à la Covid-19 étant au plus bas, l’activité économique pouvait espérer retrouver un second souffle, après des mois de restrictions et de couvre-feu. Puis, coup de théâtre magistral, un communiqué ministériel vient annoncer la veille de l’Aïd, la mise en place dans un délai de deux jours fériés, du «pass vaccinal» obligatoire pour tous les citoyens. On croyait que l’ère des décisions de minuit et de l’amateurisme communicationnelle était révolue ! Il nous faudra désormais bien admettre que peu importe la couleur du gouvernement, l’Etat ne perd pas ses vieilles habitudes. Quant au chef du gouvernement, il demeure muet comme une tombe.

Résultats : plusieurs attroupements de centaines et de milliers de personnes, pour la plupart sans masques, dans les centres de vaccination, avec tout ce que cela comporte comme risque de foyers de contamination. Environ 6 millions de Marocains mis hors circuits économiques avec l’interdiction de rentrer partout sauf chez eux. Des secteurs entiers de l’économie qui, après avoir grandement souffert pendant deux ans, se verront dans l’obligation de mener une chasse aux sorcières pour débusquer leurs clients non vaccinés, perdant ainsi une partie de leur chiffre d’affaires. Ils se devront également, à terme, de licencier leurs salariés les plus réticents à la vaccination, nourrissant ainsi davantage un chômage déjà galopant.

Un «maccarthysme sanitaire» qui n’annonce rien de bon pour le climat des affaires, autant que pour le marché de l’emploi. Des étudiants fraîchement diplômés mais dont le crime fut de n’être pas ou totalement vaccinés, n’ont pu accéder à des concours, voyant ainsi leurs rêves s’envoler. Quant aux déplacements entre les villes, les procès-verbaux commencent déjà à foisonner à coup d’amendes de 300 DH. En plus de cliver la société, cette décision aussi brutale qu’inattendue, aura pour conséquence un divorce précoce, trop précoce, entre le gouvernement et une partie du peuple.

Quand Akhannouch disait que, dès la première semaine de son investiture, les Marocains allaient sentir la différence, il fallait le prendre au sens propre, et non au figuré. Deuxième évènement majeur. Alors que tous les clignotants de la Covid-19 sont au vert, l’annulation surprise de l’organisation de l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) un mois avant la date officielle, est tombée comme un cheveu sur la soupe. Un euphémisme loin d’exprimer le désarroi de plusieurs secteurs martyrisés ces deux dernières années par la crise, celui du tourisme, de l’hôtellerie et de l’artisanat. Certains parleront de coup de grâce porté au tourisme au Maroc. 

Qui a récupéré l’organisation de cet évènement ? Notre rival historique et régional, mais qu’on se plait à appeler partenaire, l’Espagne. Le coût géopolitique d’une telle mesure aurait mérité un meilleur traitement de la part du gouvernement. Ajoutons à cela les annulations surprises de vols vers tel ou tel pays, qui font que beaucoup d’étrangers hésitent désormais à venir au Maroc, au risque de s’y retrouver piégés.

Troisièmement, la flambée des prix tous azimuts. En allant de l’essence et du gasoil, dont les prix ont atteint des records historiques, jusqu’aux produits essentiels (huile, farine, légumes…), les Marocains les moins aisés voient leur pouvoir d’achat se réduire comme une peau de chagrin. Pourtant, la demande intérieure figure parmi les axes majeurs autant du NMD que du programme gouvernemental. De même, est-il possible de penser sur le court et le moyen terme une politique de relance, sans mettre en place des mécanismes de soutien à cette même demande, soit à travers des subventions, soit à travers une réduction exceptionnelle des taxes sur les produits les plus essentiels et sur le carburant ?

Quoi qu’il en soit, loin de rassurer la population, la non-communication gouvernementale autant que la brutalité et l’irrationalité de certaines de ses décisions, annoncent d’ores et déjà la nature des futurs rapports entre la population et le gouvernement. Ces derniers risquent très probablement d’être fondés sur la méfiance, le ressentiment et la déception.

 

 

Par Rachid Achachi - Chroniqueur Luxe Radio et DG d'ARKHÈ Consulting

 

 

 

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