La Commission européenne a annoncé la présentation d’un mandat de négociation en vue d’un nouvel accord de pêche avec le Maroc, suspendu depuis juillet 2023.
Cette initiative traduit un repositionnement stratégique de Bruxelles, désormais alignée sur la nouvelle donne diplomatique consacrée par la résolution 2797 de l’ONU.
L’Union européenne qui frappe à la porte de Rabat avec un mandat de négociation halieutique, ce n’est pas seulement une affaire de licences, de quotas et de poissons.
C’est d’abord la traduction concrète d’un basculement diplomatique acté par la résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui consacre l’initiative marocaine d’autonomie comme base sérieuse et réaliste pour mettre fin définitivement au différend du Sahara.
Et Bruxelles, après avoir laissé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) jouer les trouble-fête, semble enfin vouloir remettre son monde au diapason de la diplomatie internationale.
Car ce qui se joue, ce n’est pas la simple reconduction d’un protocole suspendu depuis 2023. Ce qui se joue, c’est un repositionnement stratégique. L’Europe veut redevenir un partenaire fiable après des années d’ambiguïtés juridiques et de maladresses politiques. Elle veut regagner, surtout, la confiance de Rabat, égratignée par des décisions venues de la CJUE prononcées au nom du droit, mais souvent déconnectées de la réalité du terrain diplomatique.
Le commissaire européen à la Pêche et aux Océans, Costas Kadis, qui, selon l’Agence EFE, a fait cette annonce récemment devant le Parlement espagnol, a beau parler d’une évolution «très importante», la réalité est plus profonde : Bruxelles s’adapte à une nouvelle donne.
D’un côté, il y a un Maroc renforcé politiquement, juridiquement, économiquement et soutenu par une majorité de capitales européennes. De l’autre, il y a la tentation russe, évoquée par plusieurs députés européens, qui observe avec intérêt ce vide juridique et stratégique laissé par l’Europe. On ne peut donc dissocier le sens du partenariat subitement retrouvé par Bruxelles du récent accord de pêche de 4 ans signé entre le Maroc et la Russie, qui remplace celui arrivé à échéance en décembre 2024.
Levier diplomatique
Sur le plan économique, l’accord de pêche représente bien plus qu’une simple autorisation pour des navires andalous, galiciens ou canariens de jeter leurs filets dans les eaux marocaines. Il est une manivelle diplomatique. Un symbole de coopération stratégique. Un témoin d’équilibre géopolitique. Il incarne cette idée, à Madrid comme à Rabat, qu’il est plus rentable de s’entendre.
Mais cette relance des négociations n’est pas un chèque en blanc. Rabat rappellera toujours ses lignes rouges. Aucun accord, halieutique ou autre, ne sera conclu s’il ne respecte pas l’intégrité territoriale du Royaume. Pas d’arrangements, pas de zones grises, encore moins de virgules mal placées. L’Europe devra négocier non seulement avec Rabat, mais avec la nouvelle réalité internationale.
Et cette réalité porte un nom : résolution 2797. Celle qui replace le dossier du Sahara dans son cadre exclusif, à savoir l’ONU, et vide de substance les batailles judiciaires périphériques. Celle qui rend les argumentaires des prétoires moins influents que les résolutions du Conseil de sécurité. Celle qui pousse Bruxelles à troquer l’obsession procédurale pour le pragmatisme stratégique.
Pour l’Union, l’enjeu est double. D’abord économique, pour préserver les intérêts de ses flottes et de ses régions littorales. Mais surtout politique : rester présente dans une zone stratégique face aux nouvelles alliances multipolaires, tout en réaffirmant son partenariat avec un Royaume devenu incontournable, en Afrique comme en Méditerranée.
En vérité, l’Europe ne revient pas pour la pêche. Elle revient pour ne pas perdre le Maroc.
F. Ouriaghli