Evaluer la performance d’un gouvernement après 100 jours n’a aucune teneur légale. Mais l’exercice plait. Politologues, observateurs de la scène politique, presse… sont friands de cette pratique démocratique devenue une coutume, ici et ailleurs.
On le sait cependant : l’exercice reste peu pertinent, pour ne pas dire subjectif, 100 jours étant très insuffisants pour qu’un gouvernement puisse pleinement s’exprimer. Ils permettent, tout au plus, de mesurer l’engagement de l’Exécutif à vouloir honorer ses promesses électorales, voire sa détermination à être au service de la collectivité.
Le gouvernement Akhannouch a 5 ans pour prouver. Cinq ans pour montrer que les Marocains ont eu raison de mettre fin à une décennie de gouvernance des islamistes. Pourtant, comme nous le disions tantôt dans nos colonnes, les débuts de cette nouvelle équipe sont très poussifs.
Si, comme le souligne l’Observatoire du travail gouvernemental (Otrago), l’Exécutif aura été assez prolifique sur le plan de la production législative, avec notamment neuf projets de loi ratifiés, 47 décrets et 7 accords et traités internationaux examinés, ce n’est pourtant pas ce qui a marqué l’opinion publique. Loin de là.
Cette dernière est surtout envahie par un mélange de frustration et de déception, se surprenant à s’interroger sur le sens de son vote. De son choix. La nouvelle coalition gouvernementale dirigée par le Rassemblement national des indépendants (RNI) incarnait en effet beaucoup d’attentes et d’espoir. Elle symbolisait surtout l’espoir de profonds changements et une sorte de rupture radicale dans la gestion de la chose publique.
Mais, après 100 jours, les électeurs ont l’amère sensation d’être cocufiés. En 100 jours seulement, le nouvel Exécutif a érodé tout le capital-sympathie et le préjugé favorable dont il jouissait. Ce qui, de mémoire d’homme, semble être une première dans l’histoire politique du Royaume.
Rappelons-nous de ce qu’on peut qualifier de faute politique, avec notamment la nomination et le limogeage en l’espace de quelques jours seulement du ministre de la Santé, Nabila Rmili, et le rappel précipité de son prédécesseur, Khalid Ait Taleb. Rappelons-nous du malaise avec le corps enseignant suite à la réforme du concours d’accès aux Académies régionales d’éducation et de formation (AREF).
Rappelons-nous des vives tensions sociales nées de l’obligation du pass vaccinal. Rappelons-nous de toutes ces décisions prises à la hâte sans que la population n’ait voix au chapitre…
Et tout cela est couronné par un déficit de communication criant, les citoyens restant sans voix face au mutisme outrancier de Aziz Akhannouch. Un chef de gouvernement qui se distingue par son absence remarquée du débat public, et qui avait l’occasion, avec les 100 jours du gouvernement, de refaire sa cote auprès de l’opinion publique, ne serait-ce qu’en défendant son bilan en se soumettant au jeu des questions-réponses des journalistes de la télévision publique, par exemple. Mais voici encore une nouvelle occasion manquée, qui est un énième marqueur du faux départ de cette législature.
La voix de Akhannouch est toujours inaudible. Ce qui est véritablement fâcheux et conforte ses détracteurs qui qualifient son parti, le RNI, de formation politique élitiste. Et aujourd’hui, plus que jamais, Akhannouch semble cultiver une distanciation sociale avec le peuple. Dommage !
F. Ouriaghli