Déclinisme : théorie selon laquelle un pays serait en déclin économique, social, politique… L’Algérie serait-elle alors en déclin ? Difficile de répondre par la négative. Démonstration en trois points.
Primo : l’économie algérienne dépend quasi exclusivement des recettes tirées des hydrocarbures, lesquelles représentent 96% des exportations de marchandises. Avec un modèle de croissance qui s’adosse essentiellement sur les matières premières, le pays prête le flanc à la volatilité des prix. Les dirigeants au pouvoir ont été incapables d’opérer cette transformation économique nécessaire pour faire face aux chocs externes, comme celui induit par la crise liée à la Covid-19. Ils se contentent de la rente pétrolière, partagée entre bons copains sur fond de passe-droits et de corruption, au détriment d’un peuple privé de cette manne de l’or noir.
Conséquence : l’Algérie ressemble à un géant aux pieds d’argile, avec des fragilités structurellement entretenues par le régime politico-militaire.
Secundo : L’absence d’une politique volontariste en matière de diversification économique, non seulement ne favorise pas une croissance inclusive, mais constitue également un puissant rempart contre l’intégration des jeunes dans le marché du travail. Outre un taux d’inflation qui devrait s’élever à 4,9% d’ici fin 2021, le taux de chômage s’est situé à environ 14% entre 2018 et 2020, et devait, selon les prévisions du Fonds monétaire international, augmenter plus fortement pour atteindre environ 19% d'ici 2026. Pas étonnant que le pouvoir en place soit confronté à une crise économique et sociale majeure, symbolisée par le Hirak, sans être capable d’y apporter des réponses concrètes, sinon par l’embastillement des protestataires.
Tertio : Le régime algérien est dans un profond déni, cherchant systématiquement des coupables extérieurs à son incompétence afin de se maintenir au pouvoir, en essayant notamment de rallier une population passablement désabusée à ses subterfuges politiques grotesques. Sauf qu’il semble difficile de réchauffer le vent glacial qui circule entre le pouvoir et la rue algérienne. Le peuple en a ras-le-bol de ce régime abonné aux privilèges indus. Le peuple veut un changement de régime. Le peuple aspire à une Algérie autre : celle qui offre des perspectives prometteuses aux jeunes qui, par désespoir, préfèrent risquer leur vie dans des embarcations de fortune pour tenter de rallier l’Europe.
Voilà donc où en est l’Algérie du président Abdelmadjid Tebboune, qui avait la formidable occasion d’inscrire le pays dans une nouvelle trajectoire au lendemain du départ de son prédécesseur, Abdelaziz Bouteflika, chassé du pouvoir par un réveil citoyen. D’inscrire l’Algérie dans une véritable dynamique de développement. De s’inscrire dans la paix avec son voisin immédiat, le Maroc, pour voir enfin émerger l’Union du Maghreb arabe (UMA). De faire, tout simplement, preuve de génie politique.
Mais le bilan, un peu plus de deux ans après, est pour le moins éloquent : le pouvoir en place a piraté le rêve du peuple algérien de bouter dehors le système établi et d’aspirer à une Algérie meilleure. Ces hackers, au lieu de répondre aux besoins économiques et sociaux du peuple, ont plutôt choisi de le cocufier, préférant une posture guerrière en bombant le torse devant le Maroc ou encore en engageant un bras de fer avec la France.
N’en déplaise à certains, le régime politico-militaire algérien est l’expression bruyante d’une faillite économique, politique et sociale d’une Algérie qui, pourtant, a tout pour prospérer. Et le capital humain et un riche sous-sol.
F. Ouriaghli