Le retour de la guerre en Europe revêt plusieurs significations et plusieurs symboles forts.
La stratégie du chaos du président russe est calculée au détail près dans une logique militaro-économique implacable.
Le retour de la guerre en Europe revêt plusieurs significations et plusieurs symboles forts. La première est que détourner le regard sur les grandes tensions qui secouent le Vieux continent s’est révélé très dangereux, surtout de la part de l’Union européenne, qui a préféré regarder ailleurs au lieu de prendre au sérieux la Russie et de bien lire la montée en puissance des visées hégémoniques de Moscou, au moins depuis le discours du président russe, Vladimir Poutine, à Munich en 2007.
Le deuxième symbole est que l’équilibre des forces en Europe et en Asie n’obéit plus aux mêmes lois de polarité héritées de la guerre froide entre Est et Ouest, puisqu’au moins depuis l’an 2000, toutes les thèses qui voient en la Russie de Vladimir Poutine un vestige faible de l’ex-URSS sont pour le moins dépassées sinon caduques et non avenues, dans ce sens, que depuis son arrivée à la tête de la Russie, Vladimir Poutine a clairement montré quels sont ses projets pour la grande Russie, méprisée par l’Occident, pointée du doigt par les États-Unis qui ont cru, à tort, avoir remporté ladite guerre froide, qui a très vite été substituée par une autre guerre plus brûlante, celle qui se joue sur l’échelle économique et territoriale. Celle qui a pour enjeux les matières premières, le gaz et le pétrole en tête. Ce qui constitue pour la Russie le nerf d’une guerre ouverte avec tout l’Occident, qui ne peut que se plier aux exigences de Moscou ou changer de fournisseur et surtout de politique énergétique, ce qui ne peut se faire ni dans l’urgence ni sans dégâts.
Le troisième point important est géostratégique dans ce sens très clair que la Russie veut et revendique sa part du gâteau planétaire avec des ouvertures régionales qui vont de la Mer de Barents à l’Océan indien en passant par la Mer Baltique, la Mer noire, la Mer Caspienne et la Mer Méditerranée, avec une grande base militaire russe au cœur du territoire syrien, la base aérienne de Hmeimim dont le rôle dépasse largement les frontières géographiques syriennes, se positionnant du coup comme un fer de lance militaire dans le bassin oriental de la Méditerranée et le conflit international russo-occidental. Sans parler de l’incursion russe en Afrique avec des partenariats solides avec les pays du Maghreb, du Sahel et de l’Afrique subsaharienne d’Est à l’Ouest.
Voici pour la topographie et pour la carte politique, économique et géostratégique telles que voulues par la Russie de Vladimir Poutine. Une stratégie qui prend un tournant radical avec l’invasion de l’Ukraine, qui constitue pour Moscou un territoire très riche en matières premières à exploiter pour faire face à une crise économique féroce qui frappe de plein fouet la Russie, depuis au moins 2008.
Dans ce sens, le coût de la guerre de monsieur Poutine, avec toutes les sanctions qui pleuvent et qui semblent ne pas ébranler la détermination d’un va-t-en-guerre, peut très vite être remboursé par les richesses de l’Ukraine dont Moscou va disposer tôt ou tard sachant que l’Ukraine est d’abord le grenier de l’Europe grâce à sa production de blé, mais le pays dispose aussi de réserves importantes de minerais et d’un accès privilégié à la mer. Sans oublier d’importants gisements de gaz et d’autres matières premières importantes comme les richesses houillères du bassin de Donbass avec 107 milliards de tonnes, l'immense gisement de fer de Krivoï-Rog avec plus de 7 milliards de tonnes en 2002 et le célèbre gisement de manganèse de Nikopol…
À ceci s’ajoute l'énergie de la puissante centrale hydroélectrique du Dniepr avec pas moins de 10 milliards de kilowattheures. Avec, bien entendu, l’accès à la mer avec la base de Sébastopol que Moscou ne lâcherait pour rien, quitte à en découdre avec l’Occident âprement, dans une logique d’escalade, qui jusque-là ne profite qu’à Vladimir Poutine.
À la lumière de ces données, il est clair que la stratégie du chaos du président russe est calculée au détail près dans une logique militaro-économique implacable qui répond bien à cette formule consacrée qui voudrait que celui qui sème la guerre récolte ses bénéfices.
Par Abdelhak Najib, Écrivain-Journaliste