Est-ce la sortie de trop? Les propos à l'emporte-pièce de Noël Le Graët sur Zinédine Zidane ont suscité une avalanche de réactions indignées et fragilisent le président de la Fédération française (FFF), déjà sous pression depuis les révélations sur les dysfonctionnements de l'instance.
Les déclarations du dirigeant breton, 81 ans, ne pouvaient pas tomber plus mal à l'approche de son audition mardi par la mission d'audit diligentée par le ministère des Sports pour éclaircir notamment les pratiques managériales de la Fédération française de football (FFF).
Déjà secoué par des accusations de "harcèlement" et de comportements "inappropriés" de la part d'ex-salariées, anonymes et qu'il a toujours contestées, Le Graët a aggravé son cas en s'attaquant dimanche sur la radio RMC à l'icône Zidane.
"Je ne l'aurais même pas pris au téléphone, a-t-il lâché à propos de "Zizou", considéré comme l'option N.1 à la tête de l'équipe de France en cas de non renouvellement de Didier Deschamps, finalement prolongé samedi jusqu'en 2026. "Pour lui dire quoi? Bonjour monsieur, ne vous inquiétez pas, cherchez un autre club, je viens de me mettre d'accord avec Didier?".
A une question sur un intérêt supposé du Brésil pour l'ex-N.10 des champions du monde 1998 et champions d'Europe 2000, il a ajouté: "J'en ai rien à secouer, il peut aller où il veut, dans un club, il en aurait autant qu'il veut en Europe, un grand club."
L'ancien maire de Guingamp (nord-ouest), d'habitude peu enclin à l'autocritique, a pris la mesure du tsunami provoqué par son intervention en présentant ses "excuses" personnelles à l'ancien meneur de jeu, comme le lui avait réclamé dès dimanche la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra.
"Je tiens à présenter mes excuses pour ces propos qui ne reflètent absolument pas ma pensée, ni ma considération pour le joueur qu'il était et l'entraîneur qu'il est devenu. Zinédine Zidane sait l'estime immense que je lui porte, comme tous les Français", a-t-il affirmé lundi dans une déclaration à l'AFP.
De Kylian Mbappé, qui a jugé sur Twitter que l'"on ne manque pas de respect à la légende comme ça", aux ex-coéquipiers de Zidane en bleu Youri Djorkaeff et Laurent Blanc, en passant par le Real Madrid, outré par des paroles "indignes", Le Graët a fait l'unanimité contre lui.
"On ne peut pas manquer de respect à des anciens joueurs de l'équipe de France, encore moins à une légende internationale comme Zinédine Zidane", a abondé Hugo Lloris. Alors qu'il commentait sur TF1 sa retraite internationale, le capitaine des Bleus a dénoncé des propos "inappropriés".
Quelles conséquences sur l'avenir de Noël Le Graët, dont le mandat se terminera fin 2024?
Lors d'une conférence de presse lundi, Amélie Oudéa-Castéra a appelé le Comité exécutif de la FFF à "prendre ses responsabilités".
"Il y au sein du Comex des personnalités éminentes qui ont fait la preuve de leur valeur, de leur efficacité, de leur vision et du sens des responsabilités. Je sais qu'elles en feront preuve à nouveau dans les semaines à venir et qu'elles pourront peser pour remettre cette Fédération sur les bons rails", a-t-elle dit.
Techniquement, le pouvoir politique n'a pas la possibilité de destituer le président de la FFF, ce qui provoquerait par ailleurs l'ire de la Fédération internationale (Fifa) qui prohibe toute intervention étatique.
Mais il y a un "sentiment de ras-le-bol" au sommet de l'Etat, explique une source gouvernementale qui déplore "une sensation d'accumulation" de "mots inacceptables". "Il a pété les plombs", estime la même source qui relève "un niveau de consternation assez élevé".
La fracture entre la ministre des Sports et Le Graët s'est encore accentuée durant la Coupe du monde au Qatar où le patron de la "3F" n'avait pas hésité à s'épancher auprès d'un représentant de l'Etat en critiquant "AOC" et même le président de la République, selon une source gouvernementale.
La balle est donc du côté de la FFF et de son Comité exécutif, seuls habilités à pousser Le Graët vers la sortie.
Un membre du Comex, qui a requis l'anonymat, estime que la situation du dirigeant sera intenable.
"Il va y avoir une vague de fond terrible, il va devoir s'en aller. La ministre a raison, il est complétement hors-sol. C'est une communication non maîtrisée, mais quand on est président d'une fédération sportive, la plus grande de France, on se maîtrise", a expliqué cette source.
Le Comex a par ailleurs été secoué de ne pas avoir été averti, au cours de sa réunion de vendredi, de la prolongation de Deschamps au poste de sélectionneur, annoncée le lendemain lors de l'Assemblée générale de la fédération.