Ces vingt dernières années ont donné corps à de nombreuses campagnes de fouilles et d’études à la fois archéologiques, mais également scientifiques pour recenser les espèces animales vivant dans le désert marocain.
Et ce, dans une vaste région géographique allant du sud d’Agadir à la frontière mauritanienne, comprenant tout l’Est du Sahara marocain, à proximité de localités comme Gueltat Zemmour, Bir Lahlou, Aousserd, Aghwinit ou encore Tifariti.
En effet, le Sahara marocain est un territoire encore peu exploré en termes de faune insolite qui y prospère. On a découvert plusieurs variétés de reptiles, de nombreuses espèces de scorpions, des rongeurs, des lézards et d'autres insectes qui ont bravé le climat extrême de la région en s’y adaptant, devenant en quelque sorte des extrêmophiles.
Parmi les plus belles découvertes de ces dix dernières années, il faut parler de l’étonnante araignée dite dansante. Il s’agit là d’une rareté dans le monde des insectes, que l’on trouve également dans le Sud des pays voisins, mais la variété qui vit dans le Sahara marocain présente plusieurs particularités.
De son nom scientifique, Cebrennus rechenbergi, c'est une espèce d'arachnides qui vit dans le Sahara et qui, au fil des époques géologiques, s'est bien adaptée au sable et aux chaleurs extrêmes, pouvant ainsi vivre et se reproduire sous des températures dépassant les 54 degrés. Son nom lui a été donné par Ingo Rechenberg, un expert de la bionique à l’Université technique de Berlin.
Le chercheur allemand était le premier à avoir découvert cet insecte dans la région de l’Erg Chebbi, dans le sud du Maroc.
Cette araignée a même développé des aptitudes physiques incroyables, comme ce saut acrobatique qui la caractérise et qui fascine aujourd’hui les entomologistes qui se sont penchés sur cette espèce rare.
Dans ce sens, le New York Times, dans ses pages scientifiques, a consacré tout un article à cette espèce rare, qui montre à quel point plusieurs espèces arrivent à tirer leur épingle du jeu dans le désert marocain en développant des mécanismes de défense particuliers et en évoluant en fonction de la géographie, du climat et des conditions topographiques où ils élisent leur territoire.
Après des années de suivi et d’observation, après de nombreuses études effectuées sur le terrain par des équipes américaines, norvégiennes et canadiennes, pour les chercheurs, ce saut que l'araignée effectue sur elle-même lui permet de doubler sa vitesse, ce qui la fatigue certes, mais elle arrive à économiser beaucoup d'énergie dans un climat très hostile où la moindre débauche d'activité peut s'avérer fatale.
Cette technique de déplacement est aussi utilisée par l'insecte comme stratégie de fuite devant un prédateur. D’ailleurs, c’est un scientifique du nom de Peter Jäger, un taxonomiste à l’Institut de recherche Senckenberg et au Musée d'histoire naturelle à Francfort en Allemagne, qui a identifié l’araignée.
Le chercheur allemand l’a affublée du surnom «flic-flac» dans la revue Zootaxa, en référence à la nature de son saut qui, à la fois, étonne et séduit la communauté des entomologistes. C’est aussi Peter Jäger qui a détaillé les spécificités de cette acrobatie.
Le scientifique a expliqué que le mouvement double la vitesse de l’araignée à 6.6 pieds par seconde au départ de 3.3 pieds. Toujours selon Peter Jäger, si l’animal utilise autant d’énergie, cette manœuvre est comme un dernier recours, et survient lorsqu’elle est exposée aux prédateurs. «Je ne vois aucune autre raison. C’est une décision coûteuse. Si elle effectue ce mouvement 5 à 10 fois dans une journée, elle meurt», souligne Peter Jäger.
Il faut aussi préciser que le plus surprenant est que cette araignée arrive à déployer ses talents de gymnaste sur tous les terrains, même sur les dunes à des pourcentages de montée incroyables. Ce qui en fait une athlète hors normes.
Aujourd’hui, cette espèce est protégée au Maroc et fait partie des raretés les plus insolites du règne animal.
Abdelhak Najib, écrivain-journaliste