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Chronique. L’illusion est une sécurité pour tous

Chronique. L’illusion est une sécurité pour tous

En réponse à une question souvent répétée par une connaissance, qui veut savoir pourquoi nous sommes ici, dans ce monde, je lui dis en toute sincérité : «Je suis venu au monde pour lui tenir tête». Et je le pense. J’en suis convaincu, comme je suis persuadé que nous ne sommes pas venus au monde pour jouir de ce laps de temps qui nous est imparti, pour manger, copuler et mourir. Je pense que c’est tout le contraire. Nous sommes ici, je veux dire, pour ceux qui ont pris suffisamment de temps (il n’est jamais suffisant) d’y réfléchir en profondeur, avec méthode, tout le temps, en continu, sans répit, oui, nous sommes ici pour aller au-delà du vécu, pour défier les jours et les situations de l’existence, pour nous battre, pour perdre, perdre souvent, pour tomber, se relever, grimper, basculer, mais ne pas se complaire dans ce que certains pensent la finalité de vivre, c’est-à-dire le plaisir. Le plaisir plat, s’entend. Le plaisir du faux confort, celui qui nous endort, nous abrutit, nous donne de l’embonpoint mental, cérébral, cognitif. Vivre, c’est créer sa vie en continu. C’est la remodeler, la refaçonner, lui donner de nouveaux contours dans une mue constante. Vivre, c’est s’appliquer à se dépasser en allant vers le meilleur en soi. Car, à la fin, au bout de ce chemin nommé vie, ce qui compte vraiment c’est ce que nous avons pu faire de beau, de bon, de bien. Le reste n’est que vanité. Pourtant, l’écrasante majorité des vivants s’appliquent à faire beaucoup de mal à eux-mêmes et autour d’eux. Ils en font un mode de vie. Pourtant, il y a en eux, comme en toute personne, de l’amour qui demande à être partagé, vécu, offert. Louis Ferdinand Céline disait à ce propos : «C’est malheureusement qu’ils demeurent si vaches avec tant d’amour en réserve, les gens. Ça ne sort pas, voilà tout. C’est pris en dedans. Ça reste en dedans. Ça ne leur sert à rien». Si. Cela leur sert à transfigurer la beauté qui pourrit en eux pour en faire du fiel. C’est dans ce sens qu’au cours de ce voyage qu’est la vie, on rencontre de nombreux masques et de rares visages. C’est aussi pour cette raison que les bonnes personnes, celles qui vivent selon le cœur, celles qui donnent, qui voient la beauté en tout, qui sont animés d’un souffle divin et un élan vers le beau et toutes les joies qu’il procure, ces personnes ont un grand sens de la beauté, celle des autres et du monde s’entend. Elles ont aussi un sacré courage pour prendre tous les risques. Elles sont enclines à dire la vérité quoi qu’il en coûte. Sans oublier leur capacité de faire des sacrifices. Paradoxalement, ce sont ces vertus qui font d’elles des personnes vulnérables. Elles sont souvent blessées et trahies. Ces belles âmes irradient et leur lumière fait mal à ceux qui ne peuvent la soutenir. On le sait, ces âmes nobles tout comme les grands esprits ont toujours rencontré de violentes oppositions de la part des esprits médiocres. Et ce, pour une raison toute simple : la lumière détruit l’obscurité. Plus on plonge dans les tréfonds des uns et des autres, plus on observe sérieusement les gens, plus on se rend compte que l’humanité est construite sur du non-sens. Pour s’en rendre compte, il faut garder ceci en tête: toutes les personnes dotées d’une terrible cruauté ont toujours clamé haut et fort leur amour de leurs semblables prétendant être des parangons de vertu. C’est chimique. Le mal ne peut exister qu’en se donnant des apparences de bien. Il s’y emploie comme toutes ces personnes qui portent en elles une somme considérable de noirceur et de morbidité et qui passent la sainte journée à prêcher le bien et à donner des conseils à tout-va. C’est une technique de survie du mal. Dans cet affrontement inéluctable entre bien et mal, celui qui n’a pas le goût de l’absolu se contentera d’une médiocrité tranquille. Il nourrit en elle son inclination pour tout ce qui avilit l’humain en nous : la haine gratuite, la jalousie, la cupidité, la cruauté. Arthur Schopenhauer avait un point de vue clair à ce propos : «On compare parfois la cruauté de l’homme à celle des fauves, c’est faire injure à ces derniers», écrivait-il. Un autre corollaire entre humains et animaux montre à quel point la nature humaine est encline au mal et au médiocre : La grande différence entre les humains et les animaux c’est que ces derniers refusent de se faire guider par le plus con d’entre eux, avait écrit un sage de l’antiquité. Ce à quoi répond ce fin connaisseur des âmes humaines, La Bruyère disant ceci : «Il n’y a au monde que deux manières de s’élever, ou par sa propre industrie, ou par l'imbécillité des autres». L’Histoire, dans ses infinies ramifications, nous montre que c’est souvent le deuxième moyen qui sévit. Dans ce sens, la différence entre un homme et un personnage vil et bas, c’est que le premier sait quand et où marcher surtout sur des chemins inconnus quand le deuxième est condamné à stagner en nourrissant ses penchants pour la jalousie la plus profonde, pour la méchanceté la plus crade. C’est pour toutes ces raisons que tous les grands esprits qui ont traversé l’histoire humaine ont insisté sur le principe fort de l’amitié, évidemment, dans ce qu’elle a de grand, de noble, d’élevé, une amitié débarrassée des envies, des petites jalousies, des mesquineries, des frustrations, du mensonge et de toute forme de bassesse. Le sage nous dit : «Défends ton ami en public et corrige-le en privé, c’est ça une véritable amitié». Fait rarissime que de faire preuve d’une telle rigueur dans l’amitié, surtout dans un monde où cette notion fondamentale de la nature humaine est devenue si vide de toute substance. Mais il y a pire, car il n’y a rien de plus dangereux qu’un ami imbécile. Mieux vaut un ennemi doué de sagesse. Parce qu’un véritable ami connaît tes valeurs et tes principes comme il connaît tes défauts. Et il t’aime pour qui tu es. D’ailleurs, ceux qui deviennent pour une raison ou une autre nos ennemis, (souvent, on ne sait pas pourquoi telle ou telle personne nous désigne comme ennemie absolue) doivent aussi s’appliquer à nous connaître avant de nous vouer tout ce venin. Tout comme il faut savoir que quand une personne vous haït, elle haït quelque chose en vous qui lui rappelle qui elle est profondément ou alors qui lui montre à quel point sa bassesse est abyssale et sa médiocrité incurable. Car, à n’en pas douter : Ce qui ne fait pas partie de notre essence ne nous touche jamais. Dans cette logique des jours, choisis tes adversaires et tes ennemis avec rigueur. Et ne donne jamais à un imbécile l’occasion d’être ton ennemi. Il n’en a pas la stature ni l’endurance. Il faut aussi comprendre dans ce processus du commerce avec les âmes viles que quand tu es profondément déçu de quelqu’un, il faut garder présent à l’esprit une chose : cette personne n’est pas complètement mauvaise. Mais c’est bien toi qui l’as traitée avec plus d’égard qu’elle ne mérite attendant de sa part ce qu’elle est incapable d’être et donc d’offrir en retour pour nourrir l’amitié et pour en soutenir le socle mobile. Souvent, il est ici question de basse jalousie, le pire sentiment humain, capable de mener le jaloux à des extrêmes qu’un esprit sain ne peut soutenir. Une personne jalouse est un être extrêmement dangereux. Le jaloux fomente, fait des plans, étudie de basses stratégies pour détruire le sujet de sa jalousie. Il peut aller jusqu’au meurtre. Et détrompez-vous : la jalousie ne touche pas uniquement les choses matérielles. Autour de nous, se trouvent des gens qui deviennent malades quand ils voient à quel point certains vous aiment et vous apprécient. Ils sont profondément blessés par qui vous êtes allant jusqu’à vouloir vous annihiler parce que vous oblitérez leur propre existence, vous en faites un simple succédané d’existence. Alors, ces personnes, qui gravitent ou qui essayent tout le moins de graviter dans vos sillages, vous haïssent pour votre apparence physique, pour votre manière d’être, pour votre manière d’évoluer en société, pour votre démarche même, pour ce que vous portez même si c’est juste des oripeaux, pour vos gestes, vos manières… Bref, pour qui vous êtes. Ils haïssent votre essence. D’où cette débauche d’énergie, parfois, une vie durant, à vouloir détruire quelqu’un en usant de tout ce qui est possible pour atteindre son objectif. Cet acharnement compulsif obéit à une règle qui a droit de cité chez les humains : leur besoin de créer de fausses vérités sur eux-mêmes et sur tous les autres. Cela atteint leurs parents, leurs époux et épouses, leurs enfants mêmes. C’est dire que c’est une nécessité viscérale qui ne suit aucune logique ni bon sens. Dans ce processus si basique et pourtant si complexe, refuser la vérité est un credo, un sacerdoce. Car, les gens ne veulent jamais la vérité. Ils ne la cherchent jamais. Ce que les gens veulent c’est une illusion pour supporter la vie. Cela passe souvent en désignant des ennemis, en créant des menaces là où il n’y en a pas. Tant d’existences ont été détruites à cause de tels sentiments aussi macabres. C’est pour cette raison, entre autres, qu’il est évident que la force de l’esprit d’un humain se mesure à la quantité de «vérités» qu’il peut soutenir. Vérités sur soi, malgré tout de que celles-ci peuvent comporter de petit, de mesquin sur nous. Ou alors de grandiose, de prodigieux frisant le vertige, parfois. Entre ces deux pôles oscillent tant d’âmes flétries et d’esprits estropiés. Il faut aussi préciser ici que pour une grande majorité de ceux que l’on dit nos semblables, échapper à leurs vérités vérifiées est une obsession qui dépasse toutes les autres. Ces individus sont capables d’efforts surhumains pour ne jamais se voir en face tels qu’ils sont. Pour eux, l’illusion d’eux-mêmes est une sécurité. C’est ce qui fait que ce type d’entités humaines craint terriblement d’être seuls face à eux-mêmes. Ces personnes font tout pour ne jamais se regarder sans filtre, sans voile, sans fard, dans un miroir. Elles s’agitent dans tous les sens. Elles fuient. Elles déguerpissent en continu. Alors que le bon sens veut que l’on craint d’abord d’être avec les mauvaises personnes et loin de soi. Car, cette distanciation avec soi crée un vide à jamais non comblé qui élargit le gouffre entre l’être et lui-même.

 

Ceci atteint de telles proportions qu’aujourd’hui, comme vous l’avez certainement noté et observé à de multiples reprises, nous vivons à une époque si vile que quand on entend du bien à votre égard on fait tout pour le dissimuler et le taire alors que quand on colporte du mal sur votre dos, on s’empresse de le diffuser et si on n’entend rien du tout, on l’invente pour l’occasion. Ils sont si nombreux les inventeurs de la fausse vie des autres. Ils créent des réalités imaginaires, sorties droit de leur esprit rabougri et fétide, pour salir ceux qui leur font de l’ombre, qui du simple fait qu’ils existent menacent la vie de tous ces jaloux qui pullulent, qui montent aux murs, telles des vermines. Face à toute cette crapule, n’oublie jamais ceci : Si tes traits paraissent plus jeunes que ton âge réel, c’est que ton âme est plus belle et plus solide que la vie et ses travers. Et que cela va te vouer des haines pathologiques. Tout comme il faut savoir face à la bassesse des uns et des autres que celui qui t’a trahi une fois te trahira cent fois. Il est inutile de boire toute l’eau de la mer pour être convaincu qu’elle est salée, dit le vieux sage. Avec cette constante : «Celui qui grimpe vers les hauteurs paraît toujours petit à ceux qui ne peuvent le suivre », avait écrit le père du Gai Savoir. Moralité de l’histoire : C’est une bonne chose de savoir qui nous haït. C’est une meilleure chose que d’être haï par les bonnes personnes, car, dans le tas, il y a des gens qui vous laissent tomber un pot de fleurs sur la tête du haut d’un bâtiment tout en vous disant qu’ils vous offrent des fleurs.

 

 

Par Abdelhak Najib

Écrivain-journaliste  

 

 

 

 


 

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