Des scientifiques marocains ont été au cœur de la récente découverte historique en Méditerranée par le télescope international KM3NeT d’un neutrino (particule) d'une énergie encore jamais enregistrée dans le domaine de l'astrophysique des hautes énergies.
Cette découverte exceptionnelle, publiée dans la prestigieuse revue "Nature", a été rendue possible grâce à ce télescope international, un détecteur gigantesque fruit d'une collaboration internationale dont le Maroc est membre actif, indique à la MAP le coordonnateur national du projet KM3NeT au Maroc, Pr. Yahya Tayalati.
Professeur à l'Université Mohammed V de Rabat et professeur affilié à l'Université Mohammed VI Polytechnique de Benguerir (UM6P), Pr. Tayalati explique que le télescope KM3NeT est une grande infrastructure de recherche pluridisciplinaire constituée d’un réseau de détecteurs sous-marins installés dans les abysses méditerranéens à une profondeur de 3.000 m.
La détection et l’étude des neutrinos en constituent l’objectif principal, et ce à travers la détection de la lumière émise suite au passage et à l’interaction des particules dans l’eau de mer.
Le télescope KM3Net est réalisé grâce à une collaboration internationale regroupant des instituts et des chercheurs de renommée appartenant à 21 pays, dont le Maroc, fait-il savoir.
Le consortium marocain est représenté par les Universités Mohammed V de Rabat, Mohammed Ier d’Oujda, Cadi Ayyad de Marrakech et Mohammed VI Polytechnique de Benguerir comme membres officiels, en plus du Centre national de l’Énergie, des Sciences et Techniques nucléaires (CNESTEN) en tant que membre observateur.
Évoquant les aspects de cette découverte, Pr. Tayalati rappelle que le signal, baptisé KM3-230213A et d’une énergie de 220 PeV (220 millions de milliards d’électrons-volts), a été capté le 13 février 2023 par le détecteur KM3NeT, situé dans les profondeurs méditerranéennes.
Cette découverte, équivalente à dix mille fois l’énergie produite par le plus grand collisionneur de particules au monde, ouvre de nouvelles perspectives sur les phénomènes astrophysiques extrêmes, tels que les trous noirs supermassifs, les Supernovas et les sursauts gamma, sources de neutrinos cosmiques ultra-énergétiques capables de traverser l’Univers, explique-t-il.
Mettant en avant le rôle du Maroc en tant que partenaire de KM3NeT, Pr. Tayalati souligne que le Royaume, qui a rejoint la collaboration en 2016, a établi deux sites de construction pour KM3NeT, les seuls en dehors de l’Europe, l’un à la Faculté des Sciences de Rabat dédié à l’intégration des modules optiques digitaux détectant le sillage lumineux issus des neutrinos, et l’autre à la Faculté des Sciences d’Oujda pour l’intégration de l’électronique permettant de communiquer avec ces modules optiques.
Le scientifique met en avant l’engagement du Maroc dans ce projet international, avec des chercheurs marocains jouant un rôle clé dans les différents programmes physiques.
"L’engagement du Royaume dans cette percée majeure illustre bien l’importance que les universités marocaines accordent à la recherche scientifique et leur rôle stratégique dans des projets de pointe à l’échelle mondiale", dit-il, notant que cette initiative représente une véritable opportunité de transfert de haute technologie de pointe vers le Maroc, renforçant ainsi la maîtrise des outils et du savoir-faire qui ouvrira des opportunités aux industriels ainsi que de nouvelles perspectives pour les jeunes chercheurs du pays.
Selon lui, cette avancée scientifique majeure est le fruit d'un travail collaboratif de haut niveau, à laquelle ont participé des équipes de chercheurs dont l'expertise et l'engagement ont repoussé les frontières de notre compréhension de l'Univers.
Et de relever que la publication de ce résultat par la revue spécialisée "Nature" est une reconnaissance de la qualité et de l’impact mondial de ce travail.
"Nous sommes fiers de porter la recherche marocaine sur la scène mondiale et de contribuer à une avancée scientifique et technologique qui marquera l’histoire de l’astrophysique des particules", se réjouit-il.
De son côté, le coordinateur du projet KM3NeT à l’Université Mohammed Ier d’Oujda, Abdelilah Moussa, relève que "cette découverte est le résultat d’un effort collectif exceptionnel qui démontre que l’excellence scientifique peut être portée par les jeunes chercheurs engagés dans des projets internationaux de premier plan".
Il souligne également que "ce succès illustre l’importance d’un soutien structuré et pérenne aux acteurs qui contribuent activement au rayonnement de la recherche scientifique et technologique".
Le renforcement de ces initiatives représente une opportunité précieuse pour stimuler l’innovation et valoriser le potentiel scientifique du Maroc, tout en favorisant l'émergence d'une nouvelle génération de scientifiques à travers des programmes de mentorat ciblés, a-t-il dit.