Par Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Les musulmans, partout dans le monde, quelles que puissent être leurs origines et leurs identités, sont sommés aujourd’hui de montrer patte blanche et de se justifier à propos de presque tout ce qui fait leur vie. Ils doivent prouver qu’ils sont des gens bien, qu’ils sont des personnes pacifiques, qu’ils sont tolérants, qu’ils sont des personnes qui croient en les valeurs de la République et des règles et codes des pays où ils ont élu domicile, par choix, par nécessité, par obligation aussi, qu’ils refusent toute forme de violence, qu’ils rejettent tous les préjugés, qu’ils disent non aux ostracismes et autres racismes en vigueur aujourd’hui dans un monde de plus en plus clivé et sectaire.
Il faut dire que plus le temps passe, plus les temps sont durs pour une écrasante majorité de musulmans qui doivent s’appliquer à montrer à tout le monde qui, ils sont et qui, ils ne sont pas. Comme c’est le cas en France, où il faut sortir manifester dans les rues et dire aux Français : «Regardez, nous sommes les gentils, nous n'avons rien à voir avec les illuminés de Daech. Nous n’avons rien à voir avec les terroristes ni avec aucune mouvance extrémiste et radicale. Nous sommes des gens comme vous tous, nous voulons juste vivre dignement et dans la paix sociale, si c’est possible !».
Nous avons suivi l'actualité durant plus de 15 jours en France et en Occident, il n'y a que cela : musulmans, terrorisme, Daech, État islamique. Tous dans le même panier.
Le zapping des chaînes font encore et toujours le tour concentré de l'actualité du monde selon l’Occident. C'est tout bonnement triste. Tout le monde y va de son cru, tout le monde commente, donne son avis. On stigmatise, on pose des questions désobligeantes à des citoyens européens et américains, qui n'ont rien à voir ni avec Daech ni avec ce pseudo État islamique, voire même des musulmans plus laïcs que les Français eux-mêmes.
Triste de devoir dire à tous : «Hé, je ne suis ni un Merah ni un Tartempion, je suis tel et je n'ai aucun problème avec l’Europe ni avec l’Amérique ni avec aucune autre contrée dans le monde. Oui, je m'appelle Mohamed, je suis musulman, mais je suis comme vous, peut-être même mieux».
Il faut aussi dire que les terroristes existent partout et ne menacent pas uniquement l'Occident. Aujourd'hui, dans le monde, le terrorisme tue plus de musulmans que de non-musulmans. C'est une vérité qu'il ne faut pas oublier. Ni occulter. En Irak, en Syrie, en Palestine, au Liban, au Yémen, au Mali, en Somalie, au Nigeria, en Algérie, en Libye, en Égypte et ailleurs, ce sont des musulmans qui tombent tous les jours. Croyez-vous que ces mêmes musulmans n'ont pas envie de paix, n'ont pas envie de vivre sans bombes, sans attentats, sans dangers à tous les instants de leur misérable existence ? Mais il faut aussi dire que la voix des musulmans ne s'entend pas bien, elle ne porte pas loin.
Il faut dire aussi que l'intelligentsia musulmane se terre dans un silence terrible laissant les autres parler à sa place. C'est dans ce vide aussi que se nichent les amalgames, les faux discours, la propagande, les non-vérités. Ce que les politiques n'ont pas pu faire, c'est aux intellectuels, aux artistes, à la société civile de prendre leurs responsabilités, sans faux-semblants, sans alibis, en allant au charbon et en affrontant à la fois la barbarie, l'obscurantisme et les stigmatisations avec des actions concrètes. C'est aujourd'hui ou jamais. Il y a eu tellement de rendez-vous ratés par les intelligences musulmanes que ceux-ci s’avèrent à la fois la dernière chance de plier cet horrible chapitre d'aveuglement et de déni des réalités de ce monde.
Il est vrai qu'on ne peut pas vivre dans ce monde sans en subir le mauvais côté, mais on peut s'en tenir à des principes élémentaires : le respect de l'autre, tous les autres. On ne se préoccupe pas de la couleur de la peau des gens, de leurs confessions, de leurs cultures et de leurs origines. On les prend pour ce qu'ils sont à la base : des êtres humains, qui ont les mêmes droits que tous, qui doivent être respectés et valorisés, parce qu'ils sont le socle humain sur lequel peuvent reposer des valeurs éthiques solides. Autrement, il est impossible de faire une société. C’est aussi simple et aussi basique. Mais ce monde, ce nouvel ordre mondial tel qu’il se précise devant nos yeux aujourd’hui, avance par pôles de plus en plus réduits, se construit sur l’exclusion des autres, avec en tête les musulmans, qui eux, sont encore au stade où ils doivent se poser des questions aussi bêtes et anachroniques, comme le montre ce tragique exemple : après la mort du fameux Abbas Ibn Firnas, l’homme qui voulait voler, les savants de l’Occident se sont dit : cet homme a eu une idée de génie, mettons-nous au travail pour trouver un moyen de faire voler les hommes. Les musulmans de leur côté ont posé cette terrible question : Abbas est-il mort par accident ou est-ce un suicide ? Auquel cas, c’est un impie qui ira en enfer ! La belle affaire !