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Peines alternatives : «L’objectif des sanctions pénales est avant tout dissuasif et non répressif»

Peines alternatives : «L’objectif des sanctions pénales est avant tout dissuasif et non répressif»

Les peines alternatives constituent un tournant historique dans le système judiciaire national. En plus de la réduction de la pression sur l’univers carcéral, elles visent à assurer une meilleure réinsertion des condamnés dans la vie active. Entretien avec Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca.

 

Propos recueillis par C. Jaidani

Finances News Hebdo : Quelques mois après l’application des peines alternatives, comment jugez-vous cette expérience ?

Nabil Haddaji : Les peines alternatives sont opérationnelles depuis août 2025, conformément à la loi 43/22. Et depuis, de plus en plus de juridictions dans le Royaume prononcent ces jugements. C’est une grande réforme du secteur de la justice, et plus précisément du code pénal marocain. Même si ces peines étaient demandées par différents intervenants, notamment les juristes, les sociologues et les associations des droits de l’Homme, le point déterminant qui a poussé à la réforme est l’incapacité de l’appareil carcéral à contenir le nombre de détenus de plus en plus croissant. Cela crée des contraintes majeures en matière de gestion de cette population, tant au niveau du financement des centres pénitenciers que de la logistique. Cependant, on s’interroge aujourd’hui sur la capacité réelle des forces de l’ordre à gérer l’exécution des peines alternatives.

Sont-elles suffisamment préparées, par exemple, pour assurer le suivi et la géolocalisation de personnes condamnées à porter un bracelet électronique? Les outils numériques utilisés à cette fin offrent-ils un niveau de sécurité satisfaisant face aux risques de piratage ? Par ailleurs, durant l’exécution de ces peines, les condamnés bénéficient-ils d’une protection adéquate contre d’éventuels dommages collatéraux, tels que les accidents ou les agressions ? Il est donc clair qu’il faut des sessions de formation et de préparation pour les agents qui sont appelés à exécuter ces peines. Il faut rappeler que les peines alternatives sont réparties entre les activités d’intérêt général, la mise sous surveillance électronique ou encore la restriction de certaines libertés, comme celle de circuler. Et c’est au juge de définir le périmètre à ne pas dépasser.

 

F. N. H. : La perception par l’opinion publique de l’impunité des condamnés est l’un des points négatifs des peines alternatives. Quel est votre avis ?

N. H. : Effectivement, c’est un sentiment que peuvent exprimer bon nombre de citoyens, particulièrement ceux qui ont été victimes d’un délit ou un crime et dont l’auteur a été condamné à des peines alternatives. Je dois rappeler que le but du code pénal n’est pas uniquement répressif, mais avant tout dissuasif. Les sanctions sont un moyen préventif pour lutter contre la criminalité et la délinquance. Les peines alternatives ont montré leur efficacité partout dans le monde, en permettant une meilleure réinsertion des condamnés et en rendant le code pénal plus sociable.

L’entrée en vigueur du texte a réduit la pression sur l’administration carcérale, tout en préservant la dignité de la population cible. Elles sont préconisées, par exemple, pour les pères de familles qui ne s’acquittent pas des allocations familiales ou les personnes qui ont émis des chèques sans provision, à la condition de réparer le préjudice subi par les victimes. Ces personnes seraient, si elles étaient emprisonnées, perturbées dans leur vie privée et professionnelle, ce qui impacterait leurs familles. Par contre, les peines alternatives sont déconseillées pour les criminels récidivistes, les crimes de viol, de terrorisme ou encore de traite d’êtres humains. Le Conseil du pouvoir judicaire a publié un guide qui détaille avec précision les dispositions à respecter pour bien appliquer la loi. Le document définit clairement les attributions de chaque acteur judiciaire dans tout le système.

 

F. N. H. : Quel rôle joue la défense dans les peines alternatives ?

N. H. : La défense a un rôle fondamental. En plus de la garantie des droits des prévenus, elle doit veiller à la bonne application de la peine pour qu’elle soit juste, adaptée et équitable. Si la peine est trop sévère, elle doit la contester et demander sa révision. Elle peut négocier aussi cette peine en proposant une sanction spécifique. Par exemple, choisir entre le bracelet électronique et le travail d’intérêt général. Enfin, la défense doit s’assurer que les obligations imposées soient réalisables et respectées. Par la suite, elle doit veiller à la réinsertion des condamnés dans la vie sociale.

 

 

 

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