Société Tout voir

La loi du bistouri : Mes rides racontent ma vie

La loi du bistouri : Mes rides racontent ma vie

Nous assistons depuis plus de deux décennies à une réelle braderie du bistouri au Maroc, avec cet impératif qui relève plus du diktat que d’une volonté réfléchie de ressembler à toutes les autres femmes qui ont déjà remodelé leurs visages, selon un certain modèle standardisé pour uniformiser toutes les figures humaines. 

Nous sommes aujourd’hui face à une règle presque généralisée qui pousse une grande majorité de femmes, jeunes et moins jeunes, à passer sur le billard, scalpel aidant, pour se refaire la poitrine, le ventre, les bras, les mollets, l’intérieur des cuisses, le cou, le bas du dos…

Certaines poussent la recherche d’une certaine idée préconçue de la «perfection» en refaisant les doigts des mains et les orteils. Ceci sans parler des lèvres, des dents, du nez, des oreilles, des contours des yeux, du front et du cuir chevelu, une catégorie où les hommes concurrencent aujourd’hui les femmes. 

Les uns veulent à tout prix éviter la calvitie quand d’autres veulent arborer des tignasses de jument. Bref, l’un dans l’autre, la modernité, pour une grande majorité des terriens, se résume aujourd’hui à un look spécifique, selon des standards bien précis, imposés par la mode et les pseudos «stars» qui sévissent sur cet immense fourre-tout.

Dans ce grand bazar doublé d’un méga géant supermarché que sont les réseaux sociaux, où la nudité le dispute à la vulgarité.

Certaines femmes veulent ressembler à telle figure connue sur les réseaux virtuels. Elles veulent avoir son nez, sa bouche et ses fesses.

Chez les hommes, c’est la fausse chevelure, des implants aux pectoraux, des sangles abdominales fictives, des pommettes faussement saillantes, un menton allongé, une dentition refaite et factice, avec tous les risques hygiéniques liés à une telle pratique, un corps rasé ou épilé, avec de faux muscles à base de Synthol…

On le voit bien; il suffit de marcher dans les rues, prendre un café sur une terrasse et regarder cette faune humaine qui défile : les mêmes bouches, les mêmes nez, les mêmes poitrines, les mêmes fesses, le même maquillage, les mêmes grimaces…

Et, évidemment, tout cela s’accompagne parfois de la souffrance des chirurgies lourdes et douloureuses, des périodes de repos forcé, une longue convalescence…

A cela s’ajoutent les victimes des ratés de la chirurgie plastique : une lèvre tordue, un nez asymétrique, un regard fixe, un air d’étonnement constant, des traits inamovibles, comme sur des visages de cire.

Pour quel objectif ? Plaire. Même si c’est sur du faux. Même si c’est factice. Même si c’est une tromperie d’abord vis-à-vis de soi, avant de vouloir faire illusion dans le regard des autres.

Mais, il faut se dire que dans un monde où le formatage est la règle, dans un monde de plus en plus débile où le but suprême dans la vie de certaines femmes est de ressembler à une certaine égérie, il n’y a pas lieu de s’étonner de voir défiler des humanoïdes en sérigraphie qui refusent la moindre petite ride et qui sont horrifiés quand ils ont quelques kilos en trop, dans une société où l’obésité, due à la malbouffe, fait des dégâts monstrueux. 

Personne ne s’accepte plus tel qu’il est ni tel qu’il est né. Personne ne se contente de ce dont la nature l’a doté. Les gens en arrivent à refuser leur propre image.

Quelle tragédie ! Et quand on ne veut faire du sport, alors la solution de facilité est toute trouvée : une bonne liposuccion et on n’en parle plus. Jusqu’à ce que l’on reprenne encore plus de kilos et que l’on repasse chez le chirurgien.

Et nous voilà dans un cercle vicieux qui finit souvent en dépression et en troubles graves de comportements, le tout à grand renfort de cachets.

Le macadam glissant de la chirurgie esthétique accueille tant la gamine de 15 ans qui reçoit comme cadeau d’anniversaire une augmentation mammaire, que la sexagénaire qui fait la chasse aux rides et au passage du temps.

Pourtant, c’est beau de porter son âge sur son visage. C’est beau de vieillir serein dans l’acceptation de soi.

Les rides peuvent raconter toute une vie. Un visage buriné par les expériences et les intempéries de la vie peut être d’une belle dignité. Puis, à chaque âge son apparence physique. Personne ne peut demeurer éternellement jeune.

Et la beauté est tout sauf un modèle esthétique préfabriqué en vente dans les supérettes. La beauté engage d’abord l’âme, le cœur et l’esprit.

Et quand la nature nous dote de ces ingrédients, nous avons même du charme à revendre. Alors que face à une «créature» fabriquée de toutes pièces, nous ne sommes pas loin de la bête de Frankenstein, avec un culte dédié à l’éphémère du corps humains, condamné naturellement au déclin.

 

Par Abdelhak Najib, Ecrivain-journaliste

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Jeudi 17 Mars 2022

Operation Smile Morocco : Les femmes chirurgiennes au chevet des enfants

S'inscrire à la Newsletter de La Quotidienne

* indicates required