La loi n° 19-12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleuses et travailleurs domestiques, telle qu’adoptée par la Chambre des conseillers et la Chambre des représentants, a été publiée récemment au Bulletin officiel. Elle fixe le cadre général régissant les rapports entre employeurs et travailleurs domestiques. Mais, surtout, elle devrait permettre d’humaniser davantage les relations entre les deux parties et mieux protéger les travailleurs domestiques, souvent victimes de nombreuses injustices et de traitements dégradants.
La question est maintenant de savoir si les dispositions de cette loi vont être respectées. Des sanctions sont certes prévues, mais la première démarche à initier par le ministère de tutelle doit être certainement de sensibiliser les citoyens sur les enjeux de cette loi et changer ce regard que l’on pose sur les travailleurs domestiques. Il n’y a pas de sots métiers. «Tous les métiers sont bons, quand ils sont honnêtes», disait, à juste titre, le romancier québécois Gustave Proulx. Les principales dispositions de la loi :
Contrat de travail
- Le travailleuse ou le travailleur domestique est employé en vertu d’un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée, établi par l’employeur selon le modèle fixé par voie réglementaire. Pour les travailleuses ou travailleurs domestiques étrangers, sont appliquées les dispositions des chapitres V et VI du livre IV de la loi n° 65-99 relative au Code du travail, concernant l’emploi des salariés étrangers.
- La période d’essai pour les contrats à durée indéterminée est fixée à quinze jours rémunérés. Pendant cette période, chacune des parties peut rompre, volontairement et sans indemnité, le contrat de travail.
- L’employeur doit délivrer au salarié un certificat de travail, à la cessation du contrat de travail, dans un délai maximum de huit (8) jours, sous peine de dommages-intérêts.
Age minimum
- L’âge minimum d’admission à l’emploi comme travailleuses ou travailleurs domestiques est fixé à 18 ans. Toutefois, et durant une période transitoire de 5 ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, peuvent être employées des personnes âgées entre 16 et 18 ans en tant que travailleuses ou travailleurs domestiques à condition d’obtenir une autorisation écrite de leurs tuteurs dont la signature est légalisée, aux fins de signer le contrat de travail les concernant.
- Les travailleuses ou travailleurs domestiques âgés entre 16 et 18 ans doivent être, obligatoirement, soumis à un examen médical tous les six mois à la charge de l’employeur.
Interdictions
- Il est interdit d’occuper les travailleuses et les travailleurs domestiques pendant la nuit.
- Il est aussi interdit de les employer dans des travaux en hauteur non sécurisés, dans le port des charges lourdes, dans l’utilisation des équipements, des outils et des produits dangereux, et dans tous les travaux qui présentent un danger manifeste sur leur santé ou leur sécurité ou leur moralité ou qui peuvent porter atteinte aux bonnes mœurs.
- Il est interdit de réquisitionner la travailleuse ou le travailleur domestique à exécuter un travail forcé ou contre son gré.
Durée de travail
- La durée de travail pour les travaux domestiques est fixée à 48 heures par semaine, répartie sur les jours de la semaine d’un commun accord entre les deux parties.
- Toutefois, la durée hebdomadaire de travail des travailleuses et travailleurs domestiques, âgés entre 16 et 18 ans, est fixée à 40 heures.
- La travailleuse ou le travailleur domestique bénéficie d’un repos hebdomadaire d’au moins de 24 heures continues. Les parties peuvent, d’un commun accord, reporter le repos hebdomadaire et d’en bénéficier dans un délai n’excédant pas trois mois.
Les périodes de repos et de congé
- Pendant une période de douze mois consécutifs courant, à compter de la date da la reprise du travail après l’accouchement, la mère, travailleuse domestique, bénéficie quotidiennement d’un repos spécial pour allaitement d’une durée d’une heure par jour.
- La durée du repos pour allaitement est indépendante des périodes de repos dont jouit la travailleuse domestique.
- L’employeur et la travailleuse domestique qui allaite peuvent convenir de la manière appropriée pour bénéficier de cette période de repos en fonction des conditions de travail.
- La travailleuse ou le travailleur domestique bénéficie, après six mois de service continu chez l’employeur, d’un congé annuel payé dont la durée minimale est d’un jour et demi de travail par mois.
- Le congé annuel peut être fractionné ou cumulé sur deux années consécutives si les deux parties parviennent à un accord.
- La travailleuse ou le travailleur domestique bénéficie d’un repos payé pendant les jours de fêtes religieuses et nationales. Ces jours de repos peuvent être reportés à une date ultérieure fixée d’un commun accord entre les deux parties.
- La travailleuse ou le travailleur domestique bénéficie de permissions d’absence en cas d’événements familiaux. La durée de ces absences est fixée comme suit :
- mariage de la travailleuse ou du travailleur domestique : sept jours, dont quatre jours payés ;
- mariage d’un enfant de la travailleuse ou travailleur domestique ou d’un enfant issu d’un précédent mariage de son conjoint : deux jours;
- décès d’un conjoint, d’un enfant ou d’un petits-enfants, d’un ascendant de la travailleuse ou du travailleur domestique ou d’un enfant issu d’un précédent mariage de son conjoint : trois jours;
- décès d’un frère ou d’une sœur de la travailleuse ou du travailleur domestique, d’un frère ou d’une sœur ou d’un ascendant du conjoint : deux jours;
- opération chirurgicale du conjoint ou d’un enfant de la travailleuse ou du travailleur domestique : deux jours;
- circoncision de l’un des enfants de la travailleuse ou du travailleur domestique : un jour.
- Tout travailleur domestique a droit, également, à un congé de trois jours à l’occasion de chaque naissance. Ces trois jours peuvent être continus ou discontinus, après accord entre l’employeur et le travailleur domestique, à condition d’en bénéficier obligatoirement dans un délai d’un mois à compter de la date de naissance.
- Les absences citées ci-dessus sont payées intégralement, excepté celle relative au mariage de la travailleuse ou du travailleur domestique.
Le salaire
- Le salaire en espèces de la travailleuse ou du travailleur domestique ne peut être inférieur à 60% du salaire minimum légal, applicable dans les secteurs d’industrie, de commerce et de profession libérales. Les avantages de nourriture et de logement ne peuvent, en aucun cas, être considérés comme composantes du salaire en espèces.
- Le salaire doit être payé à la clôture de chaque mois, sauf accord contraire entre les parties.
- Chaque jour d’absence de la travailleuse ou du travailleur domestique sans permission de son employeur, est déduit du salaire, sauf accord contraire entre les deux parties.
- La travailleuse ou le travailleur domestique a droit à une indemnité en cas de licenciement, après un an continu de travail effectif chez le même employeur. Le montant de ladite indemnité, pour chaque année ou fraction d’année de travail effectif, est égal à :
- 96 heures de salaire, pour la durée de travail effectif accompli durant les cinq premières années;
- 144 heures de salaire, pour la durée de travail effectif accompli durant la période allant de six à dix ans;
- 192 heures de salaire, pour la durée de travail effectif accompli durant la période allant de onze à quinze ans;
- 240 heures de salaire, pour la durée de travail effectif accompli dépassant quinze ans.
Contrôle et sanctions
- La loi prévoit notamment une série de sanctions qui peuvent aller d’une amende de 30.000 DH à un emprisonnement d’un à 3 mois, en fonction de l’infraction commise.
Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date de publication au Bulletin officiel des textes nécessaires à sa pleine application.
Les employeurs qui, à la date susvisée, emploient des travailleuses ou des travailleurs domestique sont tenus de se conformer aux dispositions de la présente loi à partir de ladite date.