C’est un tueur silencieux. Il ronge. Il ravage. Il pourrit tout de l’intérieur avant de porter le coup fatal et plonger les uns et les autres dans la pire forme de toxicomanie, dans la dépression la plus corsée et la plus profonde ou alors dans la démence dont les signes avant-coureurs sont la dissociation, la paranoïa aiguë, la peur constante, une méfiance pathologique, un retrait de la société, l’isolement volontaire qui finit en emprisonnement phobique loin de tout ce qui peut rattacher l’individu aux autres, au dehors, à la vie.
C’est exactement ce que nous affirment plusieurs psychiatres et addictologues marocains dont le docteur Khalid Ouqezza, directeur de l’hôpital psychiatrique Arrazi de Tit Mellil.
Il précise que «la consommation de la cocaïne prend de plus en plus de place au cœur de la société marocaine et touche toutes les couches sociales, surtout que ce type de drogues est devenu à la portée d’une grande majorité de consommateurs. Autant dire que cette consommation qui s’est démocratisée fait aujourd’hui des ravages au sein de la société et détruit de nombreuses vies et des familles dont parfois tous les membres sont atteints et consomment en groupes, entre membres de la même famille, entre amis allant jusqu’à organiser des soirées et des rencontres dédiées à la consommation».
Une disponibilité des drogues sous des formes variées, frappées avec d’autres produits chimiques, des médicaments, tels que des anxiolytiques ou autres psychotropes réduits en poudre et mélangés à des substances qui peuvent entraîner la mort sur le coup, comme cela a été le cas pour de nombreux consommateurs qui ont payé le prix fort de ladite mauvaise dose sans en arriver à la fameuse et tristement célèbre overdose.
Il faut dire que les réalités du terrain montrent à quel point la cocaïne est présente au Maroc. Des saisies record ont d’ailleurs été réalisées par les forces de police qui œuvrent d’arrache-pied pour lutter contre le trafic des stupéfiants au Maroc.
On l’a bien vu avec cette opération qui a permis de saisir 1,3 tonne de cocaïne au port de Casablanca en janvier 2024 ou encore la saisie au port de Tanger de 207 kilos de cocaïne dans un container en provenance de Rotterdam. Ceci sans parler de toutes les saisies faites dans d’autres régions comme Marrakech ou encore de ces mules interceptées dans certains terminaux nationaux avec des quantités considérables de cocaïne transportées dans leur estomac.
On le sait, si de grandes cargaisons sont interceptées, d’autres arrivent à inonder le marché local, ce qui a donné corps à des comportements tout à fait nouveaux au sein de la société marocaine. Consommer de la cocaïne est même devenu, pour une certaine catégorie sociale, une forme de mode, de prestige même, comme si le fait d’être addict avait de quoi impressionner ou donner à celui qui sniffe un quelconque statut.
Pourtant, c’est le cas, nous affirment les spécialistes, comme Rachid Aït Oufkir, psychologue et thérapeute, spécialisé dans le suivi et l’accompagnement des patients en cure de désintoxication et post-cure.
Il souligne que «ce que nous appelons les drogues dures sont fortement consommées par de nombreuses personnes. Et la cocaïne fait partie des premières causes de toxicomanie au Maroc au même titre que le cannabis ou encore l’ecstasy ou ce que l’on appelle communément L’poufa qui continue de défrayer la chronique dans notre pays. Les dégâts sont terribles et, malheureusement, certaines personnes le payent de leur vie. Consommer de la drogue est un acte qui a de très graves conséquences, qui peuvent devenir irréversibles. D’où l’importance de se faire prendre en charge, de se faire hospitaliser, d’entrer en cure de désintoxication et faire le suivi après la sortie de l’unité de soins pour éviter tout risque de rechute».
C’est dans ce sens que le processus de la qualification et de la valorisation des patients toxicomanes est un élément clé du traitement de la dépendance à la drogue, affirme Rachid Aït Oufkir. Et d’ajouter que cela «permet aux patients de comprendre les mécanismes biologiques et psychologiques de la dépendance, d’identifier leurs besoins individuels, d’élaborer un plan d’action personnalisé et de mettre en place des stratégies d’enseignement personnel».
Pour les spécialistes qui étudient les ravages des drogues comme la cocaïne au Maroc, le mot d’ordre est simple : il faut se faire prendre en main et suivre un protocole clair pour s’en sortir. Cela passe par de nombreuses étapes dont «des stratégies d’intervention qui peuvent être mises en place pour aider les patients à maintenir leur sobriété. Ces stratégies peuvent inclure la participation à des programmes de suivi, la participation à des groupes de parole, le suivi à domicile VAD, la formation des pairs aidants. Sans oublier les médicaments qui peuvent être utilisés pour aider à traiter les symptômes de sevrage et réduire les envies», conclut Rachid Aït Oufkir.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste