Depuis l’adoption en 2022 de la réduction de la durée de formation en médecine de 7 à 6 ans, un véritable bras de fer a été engagé entre les futures blouses blanches et les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur.
Dénonçant le «flou persistant» autour du déroulement de cette «nouvelle» 6ème année, les étudiants ont enchaîné, pendant plusieurs mois, les mouvements de protestation, allant jusqu’à boycotter leurs examens et stages hospitaliers.
Cette réforme, introduite dans le dessein de satisfaire le besoin criant en médecins, est vue par ces futurs praticiens comme une «solution bancale» qui ne permettrait absolument pas de résoudre ce problème de pénurie et qui risque «surtout» d’altérer la qualité de la formation.
Contacté par nos soins en janvier dernier, Dr. Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, a souligné que le raccourcissement du cursus universitaire doit être accompagné d'une réflexion sur la manière de garantir la qualité de la formation.
«Une telle décision doit être prise de manière réfléchie et stratégique. Les étudiants ont raison de réclamer une visibilité notamment en ce qui concerne le 3ème cycle d'études médicales. Certains disent qu’aux Etats-Unis, la formation en médecine se déroule en 4 ans. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’aux USA, le doctorat en médecine peut être obtenu en 4 ans, mais à ce stade là, l’étudiant n’a toujours pas le droit de toucher aux patients et ne peut assumer une responsabilité médicale. Il lui faudra au minimum 4 ans de plus pour avoir un PhD, et 1 à 2 ans de stages pour pouvoir exercer en tant que médecin généraliste, c'est du Bac +9 ou +10 minimum», a-t-il expliqué.
De leur côté, les responsables gouvernementaux ont toujours tenu à défendre cette décision en assurant qu’elle n’affectera guère la qualité de la formation. S’exprimant jeudi 22 février lors d’une conférence de presse conjointe, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'Innovation, Abdellatif Miraoui, et le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb, ont affirmé que le passage des études de 7 à 6 ans n'impacte en rien la valeur scientifique et morale des diplômes obtenus des Facultés de médecine et de pharmacie du Royaume.
S’agissant du déploiement effectif des programmes de formation des étudiants desdites facultés, Miraoui a fait savoir que les deux ministères ont tenu 14 séances de dialogue avec les représentants des étudiants entre janvier 2023 et février 2024, suite au boycott des cours. Et de préciser que les doyens et leurs adjoints ainsi que plusieurs professeurs concernés ont pris part à ces séances, en vue d'examiner la situation dans ces établissements et de proposer des solutions.
«Ces réunions ont également été l'occasion de présenter les considérations ayant conduit à la réduction de la durée de la formation de 7 ans à 6 ans, dans l'objectif d'améliorer le système de santé et pour une mise en place appropriée de cette réforme», a-t-il ajouté.
Par ailleurs, Miraoui a mis la lumière sur la nécessité de traiter la question de la déperdition du temps, notamment dans le contexte du boycott du dialogue par les représentants des étudiants des facultés de médecine. Dans le même ordre d’idées, le ministre a indiqué que «le gouvernement a fait preuve de bonne foi lors des différents rounds de dialogue, tout en exprimant sa disposition à le poursuivre».
Pour ce qui est des revendications des futurs médecins, Miraoui a révélé que la plupart ont été satisfaites, précisant que les deux ministères ont répondu favorablement à 45 revendications des 50 présentées par la coordination des étudiants, et que le dialogue se poursuit au sujet des cinq points restants.
Abdellatif Miraoui a également déclaré que le gouvernement prendra plusieurs mesures pour remédier à la perte du temps dans les facultés de médecine, dont notamment la mise en œuvre du calendrier relatif aux examens à la date fixée.
De son côté, Khalid Ait Taleb a noté que la réforme élaborée par les deux ministères intervient dans le contexte de l'amélioration du système sanitaire et du renforcement des compétences professionnelles dans le Royaume. Rappelant que le Maroc a besoin de 34.000 cadres médicaux, Ait Taleb a souligné que cela nécessite le renforcement de la formation, dans le cadre d'une réforme globale du système, en particulier après le lancement du chantier de la protection sociale.
Appelant les étudiants à reprendre les cours, Ait Taleb a assuré que la formation dans le cadre des nouvelles réformes élaborées par les ministères répond aux défis posés, notamment dans le sillage du recours accru aux techniques de l'intelligence artificielle et aux nouvelles technologies dans ce domaine.