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Crise des facultés de médecine : Les étudiants s’accrochent à leurs revendications

Crise des facultés de médecine : Les étudiants s’accrochent à leurs revendications

Le mouvement de grève au Maroc ne se limite pas aux seuls enseignants et aux infirmiers et techniciens de santé, les étudiants en médecine se sont également joints à la contestation depuis quelque temps déjà. 

 

Par M. Ait Ouaanna

 

Dans un communiqué relayé en masse sur les réseaux sociaux, la Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et en pharmacie (CNEMEP) a annoncé l’organisation, le 19 janvier à Rabat, d’une «marche nationale blanche» en vue de dénoncer la situation «désastreuse» que vivent les étudiants des facultés de médecine publiques du Royaume. 

Manifestations régionales et nationales, boycott des cours théoriques, des stages hospitaliers, puis des examens du premier semestre, que la Commission qualifie de réussi à 100%, les futurs médecins ont déployé une panoplie d’actions pour faire entendre leurs voix. «Notre lutte est motivée par notre détermination à défendre la qualité de la formation, face aux politiques arbitraires et à l'incertitude qui entoure l'avenir des études médicales», peut-on lire dans le communiqué. 

En effet, ces étudiants déplorent entre autres un flou persistant et une absence de visibilité quant au déroulement de la 6ème année de formation, censée leur permettre de choisir leur spécialité. Rappelons-le, le ministère de l'Enseignement supérieur avait annoncé en 2022 la réduction de la durée de formation en médecine de 7 à 6 ans. Entrée en vigueur dès l'année universitaire 2022-2023, cette réforme a pour objectif de former plus de médecins et par conséquent, de combler le manque criant en cadres de santé, dont souffre le Royaume depuis de nombreuses années. Or, les étudiants estiment que cette mesure est simplement une solution bancale qui ne permettrait absolument pas de résoudre ce problème de pénurie de médecins, étant donné que les modalités de cette 6ème année de formation ne sont pas claires. 

En plus de la révision à la baisse du nombre d’années de formation, les étudiants dénoncent également l'insuffisance de l’encadrement, le retard «injustifié» dans la publication du cahier des charges pédagogiques pour le troisième cycle, le manque de moyens matériels et financiers, l’encombrement des divers services hospitaliers, ainsi que la dégradation de la qualité de formation. 

Pour Dr. Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, l’amélioration des conditions des étudiants en médecine est une condition sine qua non pour garantir la qualité de la formation. «Tout d’abord, je tiens à préciser que je souhaite simplement analyser les revendications des étudiants dans un contexte de réforme du système national de santé, sans porter de jugement sur leur efficacité ou leur légitimité. Concernant les conditions matérielles des étudiants en médecine, leur amélioration est bien évidemment une nécessité absolue. La formation des futurs médecins ne se fait pas uniquement dans un amphithéâtre mais également au niveau des hôpitaux, auprès des patients. Cela exige une présence matin et soir, des déplacements, des références bibliographiques, du matériel, ce qui n’est pas à la portée de tous», explique le praticien. 

Dans le même ordre d’idées, Dr. Hamdi assure que la dégradation de la qualité de formation encourage de nombreux étudiants à s’expatrier. «Deux tiers des étudiants en médecine au Maroc envisagent de quitter le pays une fois diplômés ou avant même la fin de leur cursus, ce qui est très grave. Pis encore, 90% de ces étudiants souhaitent émigrer à cause de la qualité de formation. Et pour précision, la qualité de formation est en train de se dégrader au Maroc en raison d’une insuffisance des terrains de stage. Outre le manque d’hôpitaux, le ratio étudiant-professeur s’est beaucoup dégradé. C’est bien de former plus de médecins, mais sans sacrifier la qualité de leur formation», souligne-t-il. 

Pour ce qui est du raccourcissement du cursus universitaire en médecine à 6 ans d'études au lieu de 7 ans, Dr. Hamdi relève que cette mesure doit être accompagnée d'une réflexion sur la manière de garantir la qualité de la formation. «Une telle décision doit être prise de manière réfléchie et stratégique. Les étudiants ont raison de réclamer une visibilité notamment en ce qui concerne le 3ème cycle d'études médicales. Certains disent qu’aux Etats-Unis, la formation en médecine se déroule en 4 ans. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’aux USA, le doctorat en médecine peut être obtenu en 4 ans, mais à ce stade là, l’étudiant n’a toujours pas le droit de toucher aux patients et ne peut assumer une responsabilité médicale. Il lui faudra au minimum 4 ans de plus pour avoir un PhD, et 1 à 2 ans de stages pour pouvoir exercer en tant que médecin généraliste, c'est du Bac +9 ou +10 minimum», détaille-t-il. 

Plaidant pour un débat serein et constructif, Tayeb Hamdi indique par ailleurs que ces mouvements de protestation demeurent tout à fait normaux dans le contexte actuel marqué par une réforme profonde du système de santé.

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