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Fake news: Épidémie 2.0

Fake news: Épidémie 2.0

Les fakes news se propagent actuellement à une vitesse fulgurante, menaçant la presse et la démocratie.

D’après le CESE, 93% des Marocains disent en être victimes.

 

Par M. Boukhari

Les fake news ou «fausses informations» sont considérées comme étant le mal des temps modernes. Avec l’avènement des réseaux sociaux, ces rumeurs 2.0, dont les effets sont parfois irréversibles, se répandent comme une traînée de poudre. Le Maroc n’est pas à l’abri. En effet, ce phénomène prend de l’ampleur depuis quelques années déjà.

En plus d’embrouiller les esprits des citoyens, les fake news portent considérablement atteinte à la démocratie et bouleversent la stabilité politique, économique et sociale d’un pays. La tâche s’annonce alors très ardue pour le gouvernement, mais surtout pour les médias qui sont les principaux gardiens du temple de l’information. Qu’elles soient l'œuvre d’une personne lambda ou d’une personnalité publique, les fake news renferment une menace tout autant importante, compte tenu de la rapidité avec laquelle elles se propagent sur les différentes plateformes sociales.

«La désinformation qui se sert de la propagation massive des fake news peut constituer un vrai danger dans les sociétés. On a vu cela pendant la crise sanitaire du Covid-19; beaucoup de gens ont refusé de respecter les instructions visant à limiter la propagation du virus car ils ont cru à ces publications virales qui nient l’existence du virus. On peut également donner l’exemple des messages haineux qu’on retrouve souvent infiltrés dans les fake news et qui arrivent à créer un sentiment de haine et de racisme envers des individus ou des communautés, ce qui peut mener à des actes de violence dans la vie réelle», explique Yasmine Laabi, journaliste Factchecker à l’AFP. D’après elle, en l’absence d’une information vraie et fondée, les fake news prennent place pour inciter à une prise de positions ou de décisions non éclairées, ainsi qu'à alimenter un sentiment de tension ou de peur dans les sociétés.

 

Primauté de la loi

Le CESE (Conseil économique, social et environnemental) a réalisé récemment un sondage via sa plateforme digitale participative «Ouchariko», par laquelle il a généré 75.372 interactions des citoyens, dont 626 réponses pour le sondage. Il en ressort que 93% des répondants ont affirmé avoir reçu de fausses informations et 51% ont dit avoir participé inconsciemment à la propagation de celles-ci, en les partageant avec leurs proches et amis. Par ailleurs, plus de 30% des sondés ont souligné que les informations officielles et vérifiées demeurent toutefois difficiles à obtenir et très souvent incomplètes et opaques.

«La veille des réseaux sociaux et le contenu faux circulant au Maroc font une grande partie de mon travail de journaliste spécialisée en vérification des faits, ce qui me donne une idée sur «la puissance» de ces fake news qui réussissent justement à toucher un large public, à générer des milliers de vues, de commentaires et de partages, car les gens y croient vraiment et largement. C’est donc normal qu’une grande partie des utilisateurs marocains se trouvent victimes de ce contenu manipulé avant qu’ils se rendent compte de la réalité des choses. Les réseaux sociaux au Maroc, tout comme plusieurs pays dans le monde entier, connaissent une grande propagation de contenus manipulés et faux», souligne Yasmine Laabi.

Afin de limiter un tant soit peu la prolifération des fake news, le code de la presse marocain (article 72) stipule que: «Est puni d’une amende de 20.000 à 200.000 dirhams quiconque a publié, diffusé ou transmis, de mauvaise foi, une nouvelle fausse, des allégations, des faits inexacts, des pièces fabriquées ou falsifiées attribuées à des tiers lorsque ses actes auront troublé l’ordre public ou suscité la frayeur parmi la population (...)». Selon un avis émis par le CESE, il serait plus opportun de développer l’arsenal juridique encadrant les plateformes numériques qui sont de plus en plus puissantes grâce à leurs systèmes et algorithmes.

Le Digital Services Act, récemment adopté par l’Union européenne, est un bon exemple dont il conviendrait de s’inspirer. En outre, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) est à cheval sur l’application des lois nationales en vigueur relatives à la diffusion et la propagation des fausses informations. Plus concrètement, elle mène des investigations cybernétiques nécessaires en coordination et sous la supervision de la présidence du ministère public de façon continue, fait savoir le CESE.

 

Les fake news à la loupe

Démêler le vrai du faux n’est pas toujours à la portée de tous. Au milieu de tout ce brouhaha d’infox, les internautes ont besoin d’outils qui vont leur servir de bouée de sauvetage, et c’est à ce moment-là que le rôle des médias entre en ligne de compte. A travers le fact-checking, il est possible de s’assurer de la véracité des informations relayées, leur cohérence, leur exactitude ainsi que leur contexte.

Aujourd’hui, la majorité des grandes agences de presse et des médias internationaux dispose d’un service de factchecking qui est mis gratuitement à la disposition du grand public. Cette guerre déclarée contre les fake news est d’autant plus urgente et inéluctable lorsque l’on sait qu’elles donnent aujourd’hui du fil à retordre aux institutions et médias. «Un contenu manipulé peut influencer le choix démocratique, mobiliser les individus dans un mauvais sens, menacer les valeurs de la cohabitation et l’inclusion ainsi qu’augmenter la division et la haine», renchérit Laabi.

Pour illustrer ses propos, cette spécialiste des fake news cite l’exemple des migrants subsahariens dans la région Maghreb qui sont visés actuellement par une campagne de haine et de racisme qui véhicule souvent un contenu mensonger et manipulé à leur encontre. Doucement, mais sûrement De toute évidence, le changement ne pourra pas se faire en un claquement de doigt via des mesures drastiques, d’où la nécessité d'enclencher un processus long et reposant sur des bonnes pratiques.

«Le Maroc doit investir dans le secteur éducatif pour faire face aux conséquences des fake news. Les programmes scolaires doivent prendre en compte l’éducation aux médias afin que les élèves -qui sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux apprennent à analyser le contenu médiatique, développer leur sens critique et utiliser les outils techniques de la vérification», dixit Yasmine Laabi. Pour sa part, le CESE appelle à adopter une vision de lutte contre la désinformation et de mise à disposition d’une information avérée reposant sur les trois axes suivants :

• Des citoyens sensibilisés et conscients de leur responsabilité en matière d'accès et de partage de l'information;

• Une vérification des informations (fact-checking) développée et facilitée au profit des utilisateurs des réseaux;

• Au niveau des producteurs de l’information : programmer une série de formations au niveau des médias professionnels pour suivre l’évolution des technologies et des techniques, et les sensibiliser sur leur rôle et leurs responsabilités en matière de lutte contre les fake news, notamment à travers des actions pointues de formation continue.

 

 

 

 

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