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Hépatites virales : Seront-elles éradiquées à l’horizon 2030 ?

Hépatites virales : Seront-elles éradiquées à l’horizon 2030 ?

Longtemps négligées, les hépatites virales sont désormais une priorité nationale. Cette pathologie représente un véritable problème de santé publique au Maroc et dans le monde. Il faut savoir que les hépatites virales B et C causent plus de décès que les infections au VIH, le paludisme ou encore la tuberculose. 

Les chiffres avancés par l’enquête nationale de séroprévalence des hépatites virales pour 2019 sont alarmants. Ils révèlent qu’environ 245.000 et 125.000 personnes sont respectivement porteuses chroniques des virus de l’hépatite B et C.

Devant cette urgence de santé et au vu des dégâts qu’elles peuvent causer, le ministère de la Santé et de la Protection sociale a pris les devants en lançant, le 28 juillet 2022, le 1er Plan stratégique national de lutte contre les hépatites virales 2022-2026. Ce plan ambitieux contribue à la mise en œuvre de la stratégie universelle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour éradiquer les hépatites virales à l’horizon 2030.

Pourtant, ce plan avait été annoncé pour la première fois au Maroc en 2016. Depuis, cette initiative a pris beaucoup de retard, ce qui a porté un grand préjudice aux patients ramédistes qui n’ont pas pu bénéficier des traitements modernes de l’hépatite C, malgré leur disponibilité au Maroc depuis 2015. 

Abdelmadjid Belaïche, expert en industrie pharmaceutique, analyste des marchés pharmaceutiques et membre de la société marocaine de l’économie des produits de santé, nous révèle la cause de cette lenteur.
«Alors que les adhérents de l’AMO ont pu bénéficier des médicaments de l’hépatite virale C de nouvelle génération, dès 2015, les patients ramédistes par contre n’ont jamais pu en bénéficier à ce jour. Comment une telle injustice a pu être commise contre ces patients par ailleurs démunis, sachant que certains parmi eux allaient inévitablement évoluer vers la cirrhose, le cancer du foie et même en mourir. Combien de ramédistes qui auraient pu être sauvés, sont morts à cause d’une négligence ministérielle qui s’est étalée sur près de 7 ans. Au fait, ce qui s’est réellement passé, c’est qu’après des années de tergiversations, le premier appel d’offres pour l’acquisition de ces médicaments n’a été lancé qu’en fin 2017 par le ministre Anas Doukkali. Cet appel d’offres de 40 millions de dirhams allait soulever un véritable tollé. En effet, il s’est avéré qu’il était taillé sur mesure pour le laboratoire indo-américain Mylan. Celui-ci devait bénéficier des deux tiers du marché à travers son médicament associant en un seul comprimé Sofosbuvir et Velpatasvir», explique Abdelmajid Belaïche.

Et d’ajouter : «Les 3 laboratoires nationaux (Pharma 5, Galenica et Zenith Pharma) devaient se disputer le tiers restant du marché concernant la solution Sofosbuvir associé au Daclatasvir en 2 comprimés différents. Pourtant, ces 2 solutions thérapeutiques étaient équivalentes en termes d’efficacité et de sécurité. Logiquement, ce marché ne devait pas être scindé en 2 lots mais gardé en un seul, qui ne discriminerait pas les 2 solutions thérapeutiques que sur la base du prix. Or, le médicament de Mylan coûtait plus cher que ses concurrents. Les laboratoires lésés avaient alors protesté auprès de la tutelle et avaient même saisi le Conseil de la concurrence au sujet des soupçons de favoritisme et d’un marché taillé sur mesure. L’exécution de ce marché allait être retardée sous prétexte que le ministère de la Santé était en train d’élaborer un plan national d’éradication de l’hépatite C. Le Pr Khalid Aït Taleb avait annulé ce marché des médicaments de l’hépatite dès son arrivée au ministère de la Santé. Depuis, rien n’a été fait jusqu’en 2022 où un nouvel appel d’offres a été lancé pour les médicaments de l’hépatite C».

Abdelmadjid Belaïche: Analyste des marchés pharmaceutiques

Benaïche apporte son éclairage sur ce point bien précis. «En 2022, la malheureuse histoire de l’appel d’offres pondéré se répète une fois encore sous l’ère de Khalid Aït Taleb, qui avait pourtant annulé auparavant un marché similaire taillé pour favoritisme. Ce marché lancé par la direction de l’épidémiologie et de lutte contre les maladies, dépendant du ministère de la Santé, sous les références N°08/ 2022 / DA / CS / MDT / DM / PRG / DELM, était également scindé en 2 lots égaux. L’un pour le Sofosbuvir/ Velpatasvir et l’autre pour le Sofosbuvir/ Daclatasvir, qui sont tout à fait équivalents. Une fois encore, ce dernier marché a favorisé les produits importés de Mylan et de Gilead, au détriment des laboratoires nationaux qui fabriquent localement leurs produits».

Et de poursuivre : «La règle du médicament le moins coûtant n’a pas été non plus respectée puisque la solution Sofosbuvir/ Daclatasvir coûte 56% moins cher que la solution Sofosbuvir/ Velpatasvir. D’où un surcoût de près de 7,6 millions de dirhams que doit payer le ministère de la Santé. Au vu des réactions légitimes des parties lésées, il est à craindre que ce marché soit encore une fois annulé au lieu d’être corrigé. En ce qui concerne les ramédistes, ceux-ci vont heureusement passer sous le giron de la CNSS et auront donc les mêmes droits que l’ensemble des bénéficiaires de l’AMO y compris le droit d’accéder aux traitements de l’hépatite C de nouvelle génération».

Dans la mouvance mondiale orchestrée par l’OMS afin d’éliminer les hépatites virales d’ici 8 ans, le Maroc est-il suffisamment armé pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2026 ? «Effectivement, le ministère de la Santé a lancé récemment son plan stratégique national de lutte contre les hépatites virales (2022-2026) par une campagne nationale de sensibilisation et de dépistage de l’hépatite C sous le thème «Pour un Maroc sans hépatite C». Cette campagne semble être très élaborée, ambitieuse et bien structurée. Toutefois, la prévalence élevée de l’hépatite C au Maroc reste un véritable défi à relever et notamment en termes économiques. Il va bien falloir mobiliser un budget conséquent pour atteindre cet objectif. Nous ne pouvons bien entendu que souhaiter plein succès à cette campagne d’envergure», affirme Abdelmadjid Belaïche.

Le Plan stratégique national vise à prendre en charge gracieusement les Marocains souffrant d’hépatites virales. Le budget total alloué à la mise en action de ce plan est estimé à 580 millions de dirhams. Pour rappel, les antiviraux à action directe, molécules antivirales révolutionnaires dans le traitement de l’hépatite C, sont disponibles au Maroc depuis 7 ans.

I.B

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