Dans une lettre ouverte intitulée «Stop à l’égarement», la présidente-fondatrice de l’Association «Women’s Tribune», Fathïa Bennis, réagit au hashtag #kounrajel (#soisunhomme) qui circule sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. L’intégralité de la lettre.
«Depuis le 9 juillet, un hashtag #kounrajel (#soisunhomme) exhorte les hommes à couvrir le corps de leurs mères, sœurs, épouses et filles au nom du respect de la pudeur.
Ou plutôt, au nom de l’affirmation d’une virilité masculine en plein désarroi à travers cette violence à l’encontre des femmes. À juste titre, ce hashtag a soulevé émoi et indignation.
Hélas, ce fait misogyne n’est pas une première au Maroc. L’année dernière, une «milice» avait investi une plage d’Agadir, obligeant les femmes en maillot de bains à se recouvrir, touristes étrangères incluses.
Le corps des femmes dans l’espace public semble déranger de plus en plus d’hommes marocains dont certains s’autorisent, en toute impunité, à «surjouer» un rôle de police des mœurs inadmissible dans notre pays.
Au-delà de la défense de l’égalité citoyenne et du libre droit de disposer de son apparence pour une femme, se pose l’interrogation, soucieuse, de l’avenir de notre société jusqu’ici fondée sur la tolérance et l’ouverture au monde.
Les femmes le savent : dans un climat économique mondial incertain, les différentes formes de violence à leur égard augmentent.
Le Maroc n’y échappe pas.
Vu le modèle de développement humain initié par Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui place la femme au cœur de la réduction des inégalités et disparités de toute nature.
Vu l’article 19 de la Constitution qui précise que «l'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume.
L'État marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination».
Vu la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, telle que publiée sur le Bulletin Officiel en janvier 2001 et qui consacre l’égalité de la femme et de l’homme.
Considérant la montée en puissance d’une mentalité rétrograde exacerbée, d’année en année, créant un climat de violence psychologique et physique dangereux pour la sécurité des citoyennes,
Considérant le préjudice que le hashtag #kounrajel peut causer à la société, dans la mesure où il joue sur les cordes de l’inconscient collectif avec la religiosité et de fait, la culpabilisation des esprits,
Considérant que le contenu misogyne du hashtag #kounrajel est contraire aux droits fondamentaux,
Les signataires :
Demandent l’application de la loi, donc le retrait du hashtag #kounrajel des réseaux sociaux en vertu du respect de l’égalité instituée par la Constitution de 2011.
Dénoncent avec la plus grande vigueur l’absence de prise en considération officielle par le gouvernement et les responsables des partis politiques de cette action discriminatoire qui porte atteinte aux citoyennes ainsi qu’à l’image du pays, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Recommandent le respect du droit des femmes de disposer de leur apparence et de circuler librement dans l’espace public à travers des mesures nécessaires pour garantir leur protection physique et psychologique.
Requièrent le respect de la liberté individuelle des femmes et des hommes marocains dans le cadre d’une mixité sociale et culturelle, dans le respect de tout un chacun, à la hauteur des attentes et besoins du développement socio-économique du Maroc en 2018.
Enfin, les signataires demandent que l'Etat applique, renforce et protège l'égalité des femmes et des hommes marocains en employant des actions coercitives contre tout acte misogyne provenant de personnes radicalisées qui s'octroient, en toute impunité, des prérogatives relevant des missions régaliennes".■
Fathïa BENNIS
Présidente-fondatrice de l’Association Women’s Tribune»