Les associations de défense des droits des enfants montent souvent au créneau pour dénoncer les mariages de mineurs.
Et à juste titre d’ailleurs, parce que malgré toutes les initiatives prises, cette pratique reste encore très ancrée dans la société marocaine.
Quelques chiffres livrés ce mercredi par le Conseil économique social et environnemental (CESE) montrent, en effet, qu’il sera difficile de se défaire de cette réalité sociale.
Selon le CESE, en dépit des efforts déployés pour endiguer ce phénomène, le constat reste alarmant puisque 32.104 demandes de mariage d'enfants ont été enregistrées en 2018, contre 30.312 en 2006.
"Cette pratique est toujours répandue au Maroc malgré l'adoption du Code de la famille, puisque 85% des demandes de mariage se sont soldées par une autorisation entre 2011 et 2018", indique le président du Conseil.
Ahmed Reda Chami, qui s’exprimait lors d'un atelier de restitution de l'avis du CESE sur le sujet du mariage d'enfants, admet ainsi que le dispositif instauré par le Code de la famille n'a manifestement pas eu l'effet escompté en termes de réduction des mariages des personnes de moins de 18 ans.
Rappelons que le Code de la famille prévoit des dérogations dans des cas exceptionnels.
En effet, l'article 20 prévoit que "le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l'âge de la capacité matrimoniale (…), par décision motivée précisant l'intérêt et les motifs justifiant ce mariage. Il aura entendu, au préalable, les parents du mineur ou son représentant légal. De même, il aura fait procéder à une expertise médicale ou à une enquête sociale".
Problème : ces dérogations font l’objet d’un usage abusif, au point que l’exception tend à devenir la norme, encourageant l’augmentation des mariages des mineurs.
En cela, Chami plaide pour l'adoption d'une stratégie globale visant à abolir cette pratique.
Une stratégie qui reposera, entre autres, sur l'amélioration du cadre juridique et du système judiciaire en harmonisant les dispositions du Code de la famille avec la Constitution et les conventions internationales par l'abrogation des articles 20, 21 et 22 ayant trait aux mariages des enfants.
Car pour le CESE, "la pratique du mariage des enfants demeure une véritable entrave au développement et engendre de graves conséquences sur la santé mentale et physique des enfants, en limitant leurs chances de s'autonomiser économiquement et culturellement".
Ira-t-on alors jusqu’à réviser le Code de la famille ?
C’est en tout cas une demande pressante de plusieurs associations, mais également du CESE.