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Aid Al-Adha : Ma maison pour un mouton

Aid Al-Adha : Ma maison pour un mouton

Chaque année, on peut écrire le même article et narrer les mêmes faits qui semblent inamovibles dans une société qui semble tenir à certains atavismes qui ont la peau dure.

Signe du temps, chaque année, de millions de Marocains se posent la même question : comment acheter ce maudit mouton ? Comment ne pas se ruiner pour célébrer cette fête ? Comment ne pas sombrer dans les dettes alors que les temps sont très durs et l’argent manque cruellement ? Face à toutes ces questions qui demeurent sans réponse, cette fête du sacrifice du mouton porte dans ses sillages de nombreux doutes, des interrogations inextricables, une grande angoisse, beaucoup d’incertitude et une certaine forme d’aberration voire d’absurde.

D’abord, la flambée de presque tous les prix des principaux produits consommés par la grande majorité des Marocains, surtout les plus pauvres et les plus démunis d’entre nous. Cette cherté de la vie a plongé des populations entières dans la précarité. Et ceux qui n’arrivaient pas à joindre les deux bouts, avec le strict minimum, n’ont presque rien aujourd’hui pour manger à leur faim, alors acheter une bête qui coûte un minimum de 3.500 dirhams (pour un mouton acceptable), c’est strictement impossible pour des millions de Marocains.

Avec des prix qui atteignent 8.500 dirhams (et même plus, avec des records allant jusqu’à 10.000)  pour des moutons, c’est le monde qui devient fou. C’est  tout bonnement une folie de proposer des troupeaux entiers à des prix exorbitants et rédhibitoires. Sincèrement, est-ce qu’une pauvre famille dont le chef touche 2.000 dirhams peut manger à sa faim, subvenir aux besoins des siens, les soigner, leur offrir un toit, et en plus dépenser 3.000 balles pour s’acheter de la barbaque ? Le pauvre citoyen a deux options, qui sont d’ailleurs le lot de tellement de nos concitoyens : contracter un crédit ou vendre un bien. Quelle misère ! Tous ces sacrifices et cette douleur pour la tête d’un mouton !

Et coïncidence du calendrier, la fête tombe avec les vacances d’été et avant la rentrée scolaire. Trois casse-tête impossibles à résoudre.

Ceci, il faut le dire et le souligner, tant les conséquences de la grave crise du Covid-19 et son impact sur les économies les plus fragiles ont été dévastateurs. Car une bonne partie de la société souffre aujourd’hui encore terriblement des retombées négatives de cet impact économique qui a fait de graves et durables dégâts au sein de millions de foyers marocains.

Ces derniers souffrent en silence, acceptent leur sort et font preuve d’une résilience qui force le respect, faisant face dignement à toutes les intempéries dont ils sont toujours les premiers à payer les frais et les pots cassés.

Non seulement, les gens n’ont pas de quoi faire leur devoir religieux (qui n’est pas du tout une obligation religieuse), mais ils doivent se serrer la ceinture, et le vivre, encore cette année, dans la peur et l’angoisse de s’endetter et de ne pas pouvoir ni changer d’air en prenant des vacances, ni assurer l’entrée scolaire en septembre, qui, elle, est une priorité des plus incontournables. L’équation est inextricable. Comment faire quand on a un salaire de 2.000 DH, de 3.000 DH et même de 5.000 DH ? Le calcul est vite fait : un petit mouton coûte vers les 3.500 DH, avec tout ce que la fête implique, il faut compter 1.000 autres dirhams de dépenses.

Et voici le salaire qui passe à la trappe. Sans compter que sur les 5.000, il faut payer au moins un crédit sinon deux. Reste la solution d’un autre crédit pour pouvoir égorger le mouton. Une hérésie en bonne et due forme. S’endetter pour manger de la viande ! Un non-sens absolu mais personne ne semble vouloir le comprendre. C’est même entré dans les mœurs. C’est devenu une pratique courante. 

C’est dire que les choses sont sérieuses et quand on connaît le fatalisme complet de la part de presque tous les citoyens, il y a lieu de se poser des questions, surtout face à la précarité de millions de ménages qui, à chaque fête, sombrent davantage dans la misère. A tout ceci s’ajoute le chômage, les débouchées obstruées par la crise, le manque de liquidités, le manque de confiance et une réelle récession en termes de solidarité sociale dans une société de plus en plus égoïste.

Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste

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