La question de la femme, non seulement au Maroc, mais partout dans le monde, pose encore et toujours un sérieux problème tant dans le fond que dans la forme qui caractérise ses multiples ramifications.
Dans ce sens, les 8 mars se succèdent et les traitements de la question de la femme au Maroc demeurent les mêmes.
On pose ici les bonnes questions pour faire le diagnostic réel de la situation des femmes dans notre pays. Qu’est-ce que la femme marocaine ? A-t-elle une spécificité en comparaison à d’autres femmes dans le monde ? Comment est-elle perçue aujourd’hui dans un Maroc qui se dit en mouvement et en mutation ? Qu’en-est-il de l’équité ? De l’égalité ? Où en sommes-nous avec la violence, les stigmatisations, le masochisme, la soumission, la domination et les rêves avortés de l’émancipation ? Les femmes sont-elles réellement plus indépendantes aujourd’hui ?
Et qu’entendons-nous par indépendance ? Sont-elles plus libres ? Ou est-ce que la liberté a pris des tournants flous et confus qui faussent toutes les données ? Et qu’en est-il du monde rural ? Qu’en-est-il de toutes ces femmes dont personne ne parle ? Ces femmes qui triment, qui gèrent des familles, qui luttent à chaque instant pour la survie, en silence, sans jamais se plaindre ? Qu’en est-il des femmes oubliées ? Y aurait-il des catégories de femmes ? Celles dont on doit toujours en parler parce qu’elles sont en vue, et celles condamnées à ne jamais prendre la parole ?
Voilà en somme les interrogations qui s’imposent pour prendre le pouls d’une société à plusieurs vitesses. Chercher des réponses implique une lecture à plusieurs degrés d’une problématique complexe. Il faut décortiquer les atavismes qui refusent de céder du terrain à cette «pseudo» évolution des rapports entre femme et homme dans ce pays. Il faut décoder les mécanismes presque génétiques qui régissent les motivations des hommes dans leur relation aux femmes et inversement.
On parle ici de sexualité, du pouvoir de l’argent, de la domination sociale, du poids des traditions qui consacrent une certaine idée d’être femme en rapport avec cette idée d’être homme.
Il faut également se pencher sur la religion et ses imbrications au quotidien à la fois dans la manière d’appréhender juridiquement les affaires des femmes (héritage, entre autres). Sans oublier la place politique de la femme, son poids, sa force de frappe, sa représentation (en 2024, le gouvernement marocain reste très largement composé d’hommes, malgré les beaux discours sur l’égalité des chances, la moudawana et autres slogans).
Faire un tel diagnostic suppose aussi de nous arrêter sans filtre sur la recrudescence de la violence qui pose question : pourquoi les relations conflictuelles se sont-elles exacerbées ? Est-ce l’effet grossissant des réseaux sociaux et leurs dérives incontrôlées et incontrôlables ? Ou un réel symptôme d’une société qui perd le Nord, qui ne sait plus comment gérer le flux des effets d’une certaine idée de la modernité couplée à des archaïsmes anachroniques ? En tout état de cause, la situation de la femme pose problème.
Au-delà des complaisances de circonstances et des auto-congratulations de circonstance pour brouiller les pistes, le tableau est teinté d’incertitudes, à plusieurs égards. Sans donner dans la noirceur tous azimuts, et en évitant toute hypocrisie, qui peut aujourd’hui, sans rougir, dire que la femme marocaine vit dans une société qui l’aime, qui la respecte, qui l’estime, qui la protège, qui la porte aux nues et qui lui donne toutes les chances de se réaliser et de jouir pleinement de son statut de femme ?
Reste que des avancées ont été notées dans plusieurs domaines, certes. Mais est-ce que le fait d’être femme ministre, femme d’affaires, patronne, grande responsable dans une multinationale efface d’un revers de la main, et comme par miracle, le regard réducteur des autres, les sédiments historiques des traditions qui ont la peau dure et surtout le regard parfois biaisé de la femme sur elle-même et les autres femmes ?
Évidemment, nous avons des femmes qui s’illustrent dans tous les domaines. Il est clair que la femme est aujourd’hui présente à tous les étages d’une société qui s’escrime avec la modernité. Il est sûr que la femme arrache ses droits au prix de tant d’efforts et impose ses choix. Mais à quels prix justement ?
En conclusion, on ne peut éviter cette question qui demeure sans réponse depuis plusieurs décennies : les Marocains (femmes et hommes) ont-ils conscience qu’il faut faire de la question des femmes un véritable débat pour faire société ?
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste