L’association Nostalgia Hay Mohammadi et l’Initiative urbaine Derb Saad ont organisé, le 1er décembre 2024, un hommage à deux figures du quartier légendaire, Mohammed Soual et Abdelhak Najib.
Par Docteur Imane Kendili
Psychiatre et auteure
Deux enfants du pays qui ont gardé des liens solides avec leurs origines. Une rencontre de belle facture présentée par le grand écrivain, fils de Hay Mohammadi, Hassan Narrais, avec la participation de grandes figures des arts, de la science et de la culture tels que Rachid Batma, Mamoun Salaje, Abdelfettah Ngadi, Hassan Barma, Fouzia Khalkhal, sans oublier Abdeljalil Bakkar et Aziz Al Khaoudi.
Ce qui est beau et à la limite indescriptible dans ce genre de retrouvailles, c’est la sincérité qui se dégage de chaque poignée de main, c’est l’amitié réelle qui unit les gens, en dépit du temps qui passe et de la distance qui ne sépare jamais les âmes nobles. Ce qui marque également, c’est la simplicité des uns et des autres, leur bonheur de revenir à un lieu de naissance, celui des débuts, là où l’aventure a pris corps.
De retour dans ce territoire empli d’histoire, à deux pas du mythique cinéma Chérif, avec le souvenir de Khoukha et du grand Kira, le grand économiste et cadre mondialement reconnu, Mohammed Soual et l’écrivain et désormais cinéaste, Abdelhak Najib, deux enfants du derb ont été comme deux gamins, les yeux embués d’émotion, à la fois transportés par la joie, mais également intimidés par cet accueil magnifique qui leur a été réservé dans leur quartier, chez eux, par les leurs, leurs familles, leurs amis et frères de toujours.
D’une grande simplicité et modestie, presque gênés pour tant d’honneur et de témoignages qui ont retracé les parcours incroyables d’un génie des mathématiques, comme Mohammed Soual, un homme d’État, un grand monsieur, militant convaincu, humaniste, amoureux des belles lettres et des arts, féru de musique et un cosmopolite par excellence.
Et un jeune homme de 55 ans, écrivain reconnu mondialement, traduit dans plusieurs langues, philosophe, penseur sans compromis ni compromission, poète de grand acabit, romancier de talent certain, critique littéraire, d’art et de cinéma et désormais cinéaste, réalisant son rêve de gosse qu’il a nourri, ici même, au cinéma Chérif et au Cinéma Saâda, où ses frères Simohamed et Bouchaïb l’emmenaient quand il n’avait que cinq ans.
Sans oublier l’impact de sa mère, Habiba, cette femme comme on n’en fait plus, militante, résistante, mère courage qui a su élever ses enfants et leur insuffler l’amour et la sincérité dans tout ce qu’ils font. Avec également l’image de Oum Kalthoum, là sœur, qui veille sur tout le monde et qui garde le souvenir du père, ce grand soldat, Najib Abdallah, figure incontournable de Hay Takaddoum, à Hay Mohammadi.
Voici, brièvement pour le décor de cette belle rencontre en famille, à Hay Mohammadi, sous le signe du partage et de la convivialité, autour d’un bon thé, quelques dates, des noix et des amendes, pour laisser le grand Hassan Narrais nous conter les périples, ô combien uniques, de deux hommes qui ont décidé, un jour, d’aller le plus loin possible dans leur quête d’eux-mêmes, sans prétention, sans volonté aucune de briller, allant vers la lumière uniquement pour mieux voir de quoi est faite la vie, comment tourne ce monde et de quelle manière il faut y cheminer en restant au plus près de soi, sans détours, sans y laisser trop de plumes.
Car, quelle que puisse être notre trajectoire dans cette existence, il faut y laisser des plumes, il faut faire des erreurs, il faut se tromper, il faut tomber (et nos deux amis ont souvent touché terre), mais, à chaque fois, ils se relèvent et avancent irréversiblement.
C’est le cas de Mohammed Soual, qui aurait pu suivre la volonté de son cher père et devenir «3alem», un homme religieux, un savant du fiqh et du droit, mais il a fallu l’intervention de son directeur au Collège Al Moustakbal (nom prédestiné pour une école), Monsieur Al Koubi, qui a pesé de toute sa volonté pour dissuader le père et le convaincre de laisser ce fils prodige aller le plus loin possible dans son aventure avec les mathématiques, avec à la clef la meilleure note au niveau national, des voyages formateurs, comme cette escale en ex-Union Soviétique, la belle rencontre avec sa compagne, son âme sœur, la mère de ses enfants, cette magnifique Amina, qui irradie de bonté et de grandeur d’âme.
La suite, on la connaît et elle appartient à l’histoire. Un Doctorat, un engagement politique sincère et solide, sans failles, des missions étatiques de grande responsabilité, des postes stratégiques pour un haut cadre, qui a toujours servi son pays, avec amour et abnégation.
C’est aussi le cas pour Abdelhak Najib, qui a su transmuter le métal vil en matière noble et précieuse, près des cieux. Un enfant, qui a lutté une vie durant pour tracer sa voie, avec ses sinuosités, ses ramifications, ses sens interdits, ses voies sans issue, également.
Sorti d’une petite chambre à Hay Mohammadi, il a choisi comme viatique l’amour des siens, celui de sa mère, de son père, de ses frères et de sa sœur, voyageant beaucoup, se perdant ici et là, tombant souvent, se relevant toujours, ne reculant devant aucun obstacle ni adversité, étudiant, lisant, apprenant, toujours, en éternel étudiant, comme un pèlerin, qui avance en se pelant, peau après peau, pour laisser la lumière entrer et le rectifier, à l’image de son tatouage qui dit ceci : «Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem».
Une parole d’alchimiste, celle d’Hermès Trismégiste, tel un talisman qui ouvre sur l’impossible et qui va explorant l’inconnu, toutes ces parts d’ombre qui nous habitent et dont le penseur et le poète, Abdelhak Najib, essaie d’ouvrir sur la lumière.
C’est d’ailleurs ce qui a été écrit dans le livre de notre cher Hassan Narrais, dédié à Hay Mohammadi, à travers des visages et des lieux, et qui a su rendre une part de vérité à ces deux grands hommes qui nous honorent par leur profonde et constante amitié.
C’est ce qui a été dit par notre hôte, la magnifique Fouzia Khalkhal, qui est l’âme de Nostalgia Hay Mohammadi, une cheville ouvrière, une dame de tous les défis. C’est ce qu’a dit notre cher Aziz El Khaoudi qui a su présenter et animer cette belle journée en famille.
C’est aussi ce qui a été chanté par le grand Mamoun Salaje, nous offrant du Gilbert Bécaud, du Brel et d’autres tonalités dont il a à la fois le coffre et la clef. Sans parler de la magie qui nous a été offerte par l’inégalable Abdelfettah Ngadi dont la poésie n’a d’égal que la voix qui porte et transcende les contingences de nos réalités pour nous draper de bonheur et de grâce.
Le tout rehaussé par la présence d’une figure ghiwanie, Rachid Batma, qui incarne toujours le souffle de son illustre aîné, Larbi, avec le souvenir immortel de Boujmii et de toute la bande joyeuse d’enfants du Hay, qui ont conquis la planète, à travers des chants engagés et nobles.